La semaine dernière, un dernier pan des vestiges de la guerre froide est tombé. Plus de 50 ans après la levée du blocus contre Cuba, blocus mis en place en guise de représailles contre la crise des missiles nucléaires avec l'Union soviétique et la vague de nationalisations qui ont marqué l'économie cubaine du début des années 1960, Obama cherche à régulariser les relations de son pays avec Cuba.
C'est le président John F. Kennedy qui a décrété le 3 février 1962, par l'ordre exécutif présidentiel 3447, l'« embargo » total du commerce entre les États-Unis et Cuba. Kennedy a aussi imposé des restrictions aux voyages vers l'île. Puis, le 24 mars 1962, le département du Trésor américain annonce l'interdiction de l'entrée sur le territoire des États-Unis de tout produit élaboré, totalement ou partiellement, d'origine cubaine, même dans un pays tiers. L'annonce le 17 décembre dernier de la levée partielle de l'embargo américain envers Cuba représente une avancée certaine pour Cuba et on ne pouvait trouver un plus beau cadeau de Noël pour ce peuple si sympathique des Antilles. Hommage à un peuple résilient et scolarisé...
La réussite de Fidel
J'ai une connaissance directe de Cuba et de sa population. Pendant de nombreuses années, Cuba a représenté ma destination soleil préférée. J'allais à Cuba pour ses plages et pour prendre un répit de l'hiver. J'ai visité Cuba à plusieurs reprises et chaque fois j'ai été émerveillé par la beauté de ce pays et surtout par la gentillesse de ses habitants. Cuba est une île qui a eu le courage de bouter la mafia américaine hors de son pays. Les Meyer Lansky de ce monde en avaient fait une terre de jeux et de prostitution avec la complicité du dictateur Baptista.
Il en a fallu du courage au peuple cubain pour faire la révolution et même si aujourd'hui Fidel Castro, la grande figure iconique de Cuba, est présenté comme un dictateur, on doit se rappeler qu'il a contribué à délivrer son peuple de l'emprise de la mafia américaine acoquinée avec les grandes multinationales et une classe politique véreuse.
S'il est vrai que le peuple cubain vit aujourd'hui difficilement la restriction de leurs libertés et que le régime cubain est une dictature militaire, il n'est pas moins vrai que Fidel Castro a donné à son peuple une chance égale et des services d'éducation et de santé qui rivalisent avantageusement à ce que nous pouvons retrouver ailleurs. La médecine cubaine est de grande qualité et 99 % de la population est scolarisée. Ce qui n'est pas une mince réussite pour un pays voisin de la République dominicaine et d'Haïti.
Par des alliances conjoncturelles avec l'Union soviétique, l'Allemagne de l'Est et le Venezuela, le régime de Castro a tant bien que mal réussi à développer l'économie de son pays en misant notamment sur l'autosuffisance agricole, l'extraction du pétrole et l'industrie du tourisme.
La montée d'une nouvelle classe politique
Malgré la réussite de Fidel, la population cubaine particulièrement sa jeunesse vivait de plus en plus difficilement la restriction de leurs libertés. Pour visiter un parent dans une province autre que celle habitée, un citoyen cubain devait demander un permis de séjour aux responsables du Parti communiste cubain. Il était jusqu'à récemment interdit à un citoyen cubain de quitter son pays et de voyager. L'initiative privée était interdite et les petites entreprises ne pouvaient voir le jour sauf dans le cadre d'une économie souterraine. Le cadre politique du pays était devenu étouffant pour la population jeune et dynamique de Cuba.
Le départ du pouvoir de Fidel Castro et son remplacement par son frère, Raoul Castro a été le signal d'une transition entre le monde d'hier et celui d'aujourd'hui. Depuis son arrivée au pouvoir, Raoul Castro a relâché un peu les rennes de la dictature et a permis l'éclosion de petites entreprises privées. La population cubaine a pu aussi voyager à l'extérieur bien que ce soit à dose homéopathique. Ces changements souhaités et revendiqués par la population cubaine viennent à petits pas, mais ils viennent. La décision de l'administration américaine du président Obama ne peut que permettre d'accélérer les choses et permettre à Cuba de s'insérer dans l'économie du continent américain. Il est à souhaiter cependant que dans ces changements à venir Cuba garde son âme et son caractère égalitaire comme société. C'est de loin la plus grande richesse de ce pays : la population cubaine.
Les sympathiques Cubains
Celles et ceux qui ont séjourné à Cuba ne peuvent qu'être d'accord avec moi sur le fait que le peuple cubain est de loin l'un des peuples les plus sympathiques du continent américain. Dans la société cubaine, on sent une grande égalité et une grande solidarité. C'est un peuple qui a réussi le métissage de sa population. On retrouve à Cuba des blancs de souche et des noirs de souche. Entre les deux, une palette de couleurs de peau qui fait de ce peuple l'un des plus beaux métissages de la planète. Pas une ombre de racisme dans cette société.
Le peuple cubain est accueillant pour les autres et curieux de connaître le monde. Les gens sont fortement scolarisés et ils sont en santé. Peuple festif, tout est prétexte au chant et à la danse à Cuba. Ils ne sont pas les plus grands gastronomes de la planète, mais on y trouve des plats typiques de cuisine cubaine qui sont délicieux. Pensons aux haricots noirs et aux plantains qui accompagnent la plupart de leurs plats nationaux.
Bonne route Cuba!
La décision annoncée par l'administration américaine d'Obama n'est qu'un début, mais il est prometteur pour l'avenir du peuple cubain. J'ose espérer pour les Cubaines et les Cubains que ce sera le début d'une plus grande liberté individuelle pour chacun d'eux sans pour autant signifier le retour du capitalisme sauvage qui a déjà réduit ces gens à l'esclavage et à la prostitution. Cuba mérite mieux que de redevenir le terrain de jeu de la mafia américaine et des multinationales avides de profit. Il est à souhaiter que le peuple cubain profite de cette ouverture américaine pour s'insérer dans l'économie mondiale, mais en conservant leur âme et le caractère égalitaire de leur société. J'ai confiance à la sagesse du peuple cubain. Feliz Navidad Cuba!
Lecture recommandée
Pour celles et ceux qui veulent une vision romancée du Cuba d'avant la révolution : Paul Ohl, Les fantômes de la Sierra Maestra, Montréal, Libre expression, 2014. 760 p.