Il y a un peu moins de quatre années qui se sont écoulées
depuis la dernière élection municipale à la Ville de Sherbrooke. Lors de cette
campagne où le maire sortant Bernard Sévigny sollicitait un troisième mandat,
son parti avait choisi comme slogan électoral Croire. Je n'étais pas de ceux
qui furent impressionnés par ce choix. Aujourd'hui, les événements de
l'actualité ramènent dans les feux de l'actualité ce verbe du 3e groupe
qui peut être transitif ou intransitif. Au-delà de sa nature, ce verbe est à la
source de bien des violences. Réflexion sur un verbe et ses conséquences sur
les comportements humains.
L'impensable
Avez-vous lu ou entendu la nouvelle de la semaine dernière ?
Quelle nouvelle pensez-vous ? Il y a eu plusieurs nouvelles la semaine
dernière, laquelle vous vient-elle en tête en premier ? Est-ce la victoire du
Canadien contre les Leafs de Toronto lors du septième et décisif match ? Le
retrait du conseil des ministres du ministre de l'Industrie et du Commerce, Pierre
Fitzgibbon ? Les dépassements de coûts du projet du REM à Montréal ? Le report
de l'appel d'offres du projet de tramway à Québec ? Vous avez faux si vous avez
songé à ces manchettes. Je veux vous parler de la nouvelle des nouvelles, celle
de la découverte des restes de 215 enfants retrouvés enterrés sur le site
d'un ancien pensionnat autochtone à Kamloops, en Colombie-Britannique.
Qu'en avez-vous pensé ? Est-il possible d'imaginer qu'au
Canada, terres de droits et de libertés qui nous enorgueillissent chaque jour,
on puisse avoir enterré en catimini des enfants autochtones aux abords d'un
pensionnat à Kamloops en Colombie-Britannique ?
Tout comme le drame du petit syrien rejeté sur la plage dont
la photo vous a révolté, il y a quelques années, l'image que l'on peut se faire
dans notre tête de jeunes enfants autochtones laissés à eux-mêmes et arrachés à
leur famille pour « tuer l'indien en eux » et reclus dans des pensionnats
dirigés par des ordres religieux est indescriptible. Plutôt que de tuer l'indien
dans ces enfants, on a fait court, on a tué les enfants. Ce n'est pas rien. Le
Canada nous révèle un immense œil au beurre noir dans sa physionomie
personnifiée en humain. Nous, les Canadiens et les Québécois, avons permis un
génocide sur notre territoire à l'égard des peuples des Premières Nations et
nous sommes encore capables de vouloir faire la leçon aux autres. Bien sûr, il
faut faire des nuances. Les Québécois n'ont pas eu dans leur histoire la même
relation avec les peuples autochtones. Quand même, nous n'avons rien dit, rien
fait, devant ces actes d'une cruauté et d'un mépris aussi condamnables hier
qu'aujourd'hui. Tout cela au nom de quoi ? Je vous le donne en mille. Tout cela
au nom d'une culture se croyant supérieure et qui se sentait investi d'une
mission, celle de répandre les bienfaits de sa culture aux autres ?
Les croyances
Je suis athée. Je respecte bien sûr les croyances des
autres. Néanmoins, je crois fermement que les croyances sont indirectement
proportionnelles à l'intelligence. C'est comme la partisanerie. Les croyances
sont, pour reprendre une expression familière à la culture catholique, sont le
pire péché des humains. Lorsqu'une personne est persuadée de détenir la vérité,
cette elle est dangereuse pour elle et pour les autres. La vérité n'existe pas
et on n'a aucun droit de rabaisser les autres au nom de notre vérité. Les
passions humaines qui se déchaînent au nom des principes et de leur bon droit
sont les plus redoutables et les plus dangereuses. Nous devons combattre celles
et ceux qui se réclament de la vérité. La trame de fond de l'histoire du
colonialisme blanc et de son fidèle allié la religion ont causé d'énormes
dommages et ils ont tué des gens comme ces enfants dans les pensionnats
catholiques pour autochtones. Il y a de quoi avoir honte et de désespérer de nos
ancêtres. Ne croyez-vous pas ?
Mais les croyances ne sont pas seulement repliées dans les
tréfonds de notre passé, elles sont à l'œuvre dans nos vies aujourd'hui. Elles
sont aussi intolérables dans notre quotidien que dans notre passé.
Des exemples
Je peux vous donner des exemples. Quand nous sommes
convaincus que le coup de salaud asséné par le joueur des Jets de Winnipeg,
Mark Scheiflle à Jake Evans fait partie de la fatalité de ce jeu en séries
éliminatoires, on nous demande de croire à quelque chose qui n'est pas vrai.
Aucun sport ne peut être l'abri de nos lois. Quand on veut nous faire croire
que la présence de musulmanes voilées dans nos écoles est une menace à nos
existences, on nous demande de faire un acte de foi sur la pérennité de notre
culture qui serait menacée par des bouts de chiffon. Comme si cela avait un
rapport, quant au nom de je ne sais quelle logique économique, on veut nous
convaincre que continuer à financer les compagnies pétrolières est un chemin
pour nous mener à la décarbonisation de l'économie, on nous demande de croire
au fric avant la vie... Je pourrais poursuivre cette liste, mais je crois que
vous avez compris l'essentiel de mon propos. Il ne faut pas croire, mais vivre.
Dialoguer, découvrir, comprendre plutôt que décréter, rester sur son quant-à-soi
et croire en ses lubies au nom de principes sur lesquels on aurait de la
difficulté parfois à en tracer l'origine.
Retrouver nos âmes et le sens commun
Plutôt que de croire aux uns et aux autres, il nous faut
retrouver notre sens de l'humanité. Il faut que nous soyons capables de dire
non à l'indéfendable et à l'inexcusable. Face à ces petits enfants autochtones
dont on ne connait ni le nom, ni l'âge, mais que l'on imagine le drame, nous ne
pouvons rester les bras croisés et chercher des excuses à nos ancêtres pour
leur ignorance pour leur complicité. Pas besoin d'aller loin pour identifier
des coupables, le cas de Joyce Echaquan nous invite à la modestie quant à nos
qualités d'ouverture aux autres. Nous ne sommes ni pires ni meilleurs que les
autres, mais nous avons beaucoup de chemin à faire encore pour aller à la
rencontre de l'autre et de la différence. Au Québec, nous avons un défi
supplémentaire, car il n'y a pas si longtemps nous avons été victimes de ce
colonialisme blanc. Cela devrait faire en sorte que nous soyons plus
empathiques aux peuples des Premières Nations. Ce n'est malheureusement pas
toujours le cas.
L'une des choses les plus élémentaires que nous pouvons
faire c'est de devenir circonspect et méfiant envers celles et ceux qui nous
demandent de croire à l'avenir. Je veux bien que des gens continuent de croire
en toutes sortes de choses, mais je refuse de croire et en mourir...