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La bataille de Coventry

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Photo : Aujourd’hui, des questions environnementales font de ce lieu idyllique un champ de bataille épique mettant en jeu deux pays concernant la protection de l’eau potable puisée dans le lac Memphrémagog. - Daniel Nadeau (Photos gracieuseté Robert Benoit)
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 24 octobre 2018

Coventry est une petite municipalité paisible dans l'État du Vermont. Située dans le comté d'Orléans, au sud de Newport, et du lac Memphrémagog, dans le magnifique et pittoresque Northeast Kingdom du Vermont. Région sélectionnée par National Geographic dans le cadre de son programme de géotourisme pour des destinations durables.

La région de Coventry est idéale pour les activités de loisir toute l'année, comme le ski à proximité de Jay Peak et la motoneige sur les pistes. Les lacs sont parfaits pour la navigation de plaisance, la natation et la pêche pendant les mois les plus chauds. Bien sûr, n'oubliez pas l'affichage spectaculaire des couleurs pendant la saison des feuillages d'automne!

Aujourd'hui, des questions environnementales font de ce lieu idyllique un champ de bataille épique mettant en jeu deux pays concernant la protection de l'eau potable puisée dans le lac Memphrémagog. C'est un organisme bien d'ici, le Memphrémagog Conservation Inc., mieux connu sous l'abréviation MCI, qui mène le combat depuis plus de vingt ans. Le MCI a longtemps été présidé par Gisèle Lacasse Benoit et aujourd'hui par son mari, l'ex-député libéral et ex-président du Parti libéral du Québec, Robert Benoit. Pour fins de transparence, sachez, chères lectrices et chers lecteurs, que cet homme est un ami et un mentor pour moi. La question en cause est un enjeu fondamental pour l'avenir de l'accès à l'eau potable. Radioscopie d'une bataille complexe aux enjeux fondamentaux pour les citoyennes et les citoyens de l'Estrie, mais qui sera décidée ailleurs dans un autre pays.

De quoi s'agit-il?

Dossier classique. Une compagnie privée qui fait de l'argent dans l'industrie de la cueillette des déchets et de leur enfouissement veut agrandir les installations d'enfouissement de 51 acres. Cette entreprise souhaite déposer dans ce site agrandi pas moins de 500 000 tonnes par années de déchets durant les 22 prochaines années. Cela représente 71 000 camions par année sur le site.

Le problème de fond dans ce dossier est qu'il y a deux visions qui s'opposent eu égard à ce site d'enfouissement situé à sept cents mètres du lac Memphrémagog à Coventry dans l'État du Vermont. Pour le Québec et le Canada, le Memphrémagog c'est un réservoir d'eau potable. Aux États-Unis, ce n'est qu'un plan d'eau comme des milliers d'autres voués à des activités de plaisance et récréatives. Aux États-Unis, aucune municipalité ne puise son eau potable dans un lac. Il s'ensuit donc des compréhensions fort différentes de la situation. Ce qui se complexifie davantage par le fait que cet enjeu majeur pour nous est décidé dans un pays étranger et qui de surcroît a, en ce moment, des sensibilités environnementales bien moins affirmées du point de vue de l'État fédéral et de la présidence actuelle de Donald Trump.

L'agence des Ressources naturelles (ARN) du Vermont a donné le feu vert au projet d'agrandissement de 51 acres du site d'enfouissement, qui appartient à la New England Waste Service of Vermont (NEWSVT). Cette décision peut être contestée dans les trente jours qui suivent. La compagnie appartient à la famille Casella et existe depuis près de 25 ans.

La principale crainte à avoir pour l'eau potable que représente le lac Memphrémagog pour nous dans la région c'est le déversement du lixiviat (le jus des ordures) dans le lac. Aujourd'hui, l'usine d'épuration de Newport traite l'équivalent de deux camions-citernes ou 15 000 litres par jour en provenance du site de Coventry avant de le rejeter dans la partie américaine du lac Memphrémagog.

Des acteurs efficaces

Grâce au MCI, depuis plus de vingt ans on mène le combat pour empêcher l'expansion de ce site d'enfouissement ou pour règlementer ces activités afin d'éviter des rejets malheureux dans le lac Memphrémagog. Gisele Lacasse Benoit a sonné la charge il y a longtemps. Aujourd'hui, son mari, Robert Benoit, a repris le flambeau. Il s'est fait entendre récemment au Conseil municipal de Newport et il s'est allié avec des citoyens du Vermont regroupés dans l'organisme DUMP pour Don't Undermite Memphremagog Purity. Ensemble, ils ont obtenu l'adoption d'une résolution à l'unanimité du conseil municipal de Newport contre l'agrandissement de ce site.

Le député de Brome au fédéral, Denis Paradis, a lui aussi joint sa voix pour dénoncer ce projet de la New England Waste management Service of Vermont. Il a déclaré dans le journal La Presse+ : « Le lac Memphrémagog est l'un des deux lacs transfrontaliers sur le territoire de Brome-Missisiquoi. La plus grande partie de ce lac se trouve au Canada et il sert de source d'eau potable pour près de 200 000 personnes, notamment les citoyens de Sherbrooke et de Magog. S'il fallait que le site d'enfouissement de vidanges se mette à fuir, dans trente ans d'ici par exemple, ça pourrait avoir des conséquences extrêmement graves sur la qualité de l'eau du lac Memphrémagog et menacer la santé publique à Sherbrooke et à Magog. J'invite tous les niveaux de gouvernement à se mobiliser... pour stopper ce projet. »

Le gouvernement de Justin Trudeau a exprimé ses préoccupations à ce sujet de vive voix aux autorités américaines. Des représentants d'Affaires mondiales Canada et d'Environnement et Changements climatiques Canada suivent le dossier de très près. La ministre régionale, Marie-Claude Bibeau est aussi de la partie. Le nouveau député d'Orford de la CAQ, Gilles Bélanger, a également exprimé ses vives préoccupations à ce sujet. À ne point douter qu'il ralliera à sa cause tous les autres députés de l'Estrie et même la nouvelle ministre de l'Environnement du gouvernement nouvellement élu de François Legault.

Même l'organisme indépendant que constitue la Commission mixte internationale (CMI) qui a pour mandat de régir l'utilisation des eaux communes aux États-Unis et au Canada mène actuellement une étude sur la qualité des eaux des lacs Champlain et Memphrémagog étudie la situation. Il remettra les résultats de son étude aux autorités américaines et canadiennes.

Il reste un espoir, c'est que ce projet doit obtenir l'aval selon le processus prévu à la Loi 250 de l'État du Vermont. Rien n'est encore joué, mais le temps presse...

Sonner la charge

Bref, il faut sonner la charge dans ce dossier et toutes les parties prenantes doivent se mobiliser d'un côté et de l'autre de la frontière. La Ville de Sherbrooke devrait être l'un des principaux leaders dans ce dossier. C'est la population de cette ville qui est la plus nombreuse et qui a le plus de moyens financiers. Elle devrait assumer le leadership dans ce dossier. Cela veut dire mobiliser la population, sensibiliser nos voisins et convaincre nos gouvernements de faire pression sur les autorités américaines. L'heure n'est plus aux discussions techniciennes de nos fonctionnaires, mais à la mobilisation énergique de nos représentants élus. Monsieur Lussier, l'avenir vous appelle. Faites preuve de leadership dans ce dossier. Impressionnez-nous par votre réseau d'appui et faites que cet agrandissement n'ait pas lieu, tout en vous assurant que l'encadrement des activités actuelles de ce lieu ne soit pas une menace à notre eau potable, l'une des meilleures au Canada comme nous rappellent souvent les études.

Merci aussi à Denis Paradis et Robert Benoit qui ont attiré notre attention et ont appelé à notre vigilance sur ce dossier vital pour notre avenir. Il faudra se rappeler que ce sera un peu à cause d'eux si jamais nous remportons la bataille de Coventry...

 


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