La course à la direction du Parti québécois
est véritablement lancée. Et c'est à Sherbrooke que cela a eu lieu. Le weekend
dernier, les présidents des associations de comté du Parti québécois se sont
entendus sur les règles de la course au leadership qui durera huit longs mois.
Nous avons pu aussi assister au début d'une relation tumultueuse entre deux
prétendants à cette course : Jean-François Lisée et Pierre Karl Péladeau.
Monsieur Lisée a sommé Pierre Karl Péladeau de choisir entre la politique ou la
propriété de l'empire Québécor. Nul besoin de dire que PKP n'a pas apprécié et
que la poignée de main sollicitée par Jean-François Lisée a été reçue avec
beaucoup de froideur par monsieur Péladeau. À l'avenir, lorsqu'il sera question
des mauvaises relations entre Pierre Karl Péladeau dans nos médias, on se
rappellera que tout cela a commencé à Sherbrooke. En fait, bien des événements
de la vie politique des Québécoises et des Canadiens ont commencé à Sherbrooke.
Rappel historique.
L'Union nationale de Duplessis
Le chef de l'Union nationale et premier
ministre marquant de notre histoire Maurice Le Noblet Duplessis a été élu chef à
Sherbrooke en octobre 1933, Duplessis a alors défait sans mal (332 à 214 voix)
Onésime Gagnon, député conservateur à la Chambre des communes d'Ottawa, qui
favorisait des liens plus proches avec l'aile fédérale et « le chef
suprême, R. B. Bennett ». Faut-il voir dans cette victoire les premiers jalons
de l'autonomisme dont Duplessis fera montre plus tard alors qu'il se targuera
d'avoir établi un parti provincial libre de toutes attaches à un parti fédéral?
Quoi qu'il en soit, l'histoire palpitante
de ce chef politique marquant de notre histoire a débuté chez nous à
Sherbrooke. C'est d'ailleurs en vertu de ce fait historique que la taverne qui
y loge toujours sur la rue Dufferin s'appelle Duplessis.
La municipalisation de l'électricité à
Sherbrooke en 1908
Après de longues péripéties et des débats
politiques enlevants ainsi qu'un référendum, le conseil municipal de la ville
de Sherbrooke conduit par les conseillers Daniel McManamy et Donat Oscar Édouard
Denault la Sherbrooke Light and Power a été municipalisée et la Ville de
Sherbrooke est devenue propriétaire de ce réseau privé électrique. Cela
constitue un fait marquant de notre histoire locale, mais aussi de l'histoire
du Québec. On peut dire en prenant des raccourcis que la Ville de Sherbrooke a
donné la direction prise des années plus tard par le Québec qui a créé sous le
gouvernement Godbout Hydro-Québec. Par la suite, le gouvernement de Jean Lesage
a complété l'œuvre en nationalisant toutes les compagnies hydro-électriques en
1962. René Lévesque, le fondateur du Parti québécois et premier ministre du
Québec de 1976 à 1985, s'est tout particulièrement illustré dans cette campagne
électorale historique de 1962.
Le météore Jean Charest
Jean Charest a été élu député conservateur
de Sherbrooke en 1984 dans le gouvernement conservateur de Brian Mulroney. Il
fut l'un des plus jeunes députés à être élu au parlement fédéral. C'est aussi à
Sherbrooke, en 1997, à la salle du Vieux Clocher sur la rue Galt que Jean Charest
a annoncé aux mille personnes présentes qu'il faisait le saut en politique
québécoise et qu'il avait choisi le Québec. Par la suite, monsieur Charest a
été élu à trois reprises premier ministre du Québec, poste qu'il a occupé de
2003 à 2012. Une part importante de l'histoire politique de Sherbrooke s'est
écrite à partir de ce jour-là.
La première femme ministre des Finances du
Québec
Monique Gagnon-Tremblay a connu une
carrière politique marquée de succès. C'est cette Sherbrookoise d'adoption qui
a été nommée le 17 octobre 1993 ministre des Finances pour remplacer Gérard D.
Lévesque qui est décédé peu après. Monique Gagnon-Tremblay fut donc la première
femme a accédé au poste de ministre des Finances et elle a pavé la voie à d'autres
femmes notamment Pauline Marois qui a occupé ce même poste en novembre 1995.
Madame Gagnon-Tremblay s'est aussi distinguée en signant l'entente
McDougall-Gagnon-Tremblay donnant au Québec la pleine autorité sur son
immigration, reconduisant ainsi l'entente Cullen-Couture signée sous le
gouvernement souverainiste de René Lévesque avec le gouvernement du libéral Pierre
Elliott Trudeau. Madame Gagnon-Tremblay fut aussi celle qui a fait adopter à
l'Assemblée nationale du Québec la loi sur le patrimoine familial. L'une des
lois les plus progressistes adoptées par l'Assemblée nationale en matière de
promotion du droit des femmes. La carrière de Monique Gagnon-Tremblay fait elle
aussi partie des faits marquants de l'histoire politique québécoise.
Pierre-Luc Dusseault, le plus jeune député
jamais élu au parlement du Canada
Pierre-Luc Dusseault représente la
circonscription électorale de Sherbrooke au Parlement du Canada depuis mai
1991. Il a été le plus jeune député élu au Parlement du Canada à l'âge de 19
ans et 11 mois. On se rappelle qu'il a défait le député du Bloc québécois Serge
Cardin par plus de 3 642 voix. Ce fait sans précédent de l'histoire
canadienne constitue aussi une importante caractéristique de l'histoire
politique de Sherbrooke en lien avec le Québec et le Canada.
La Déclaration de Sherbrooke du NPD
Si vous
entendez parfois les politiciens fédéraux, notamment le chef du NPD, Thomas
Mulcair, faire allusion à la Déclaration de Sherbrooke, ne croyez pas que c'est
une erreur. C'est plutôt le rappel d'un geste fondateur du NPD envers les
droits nationaux des Québécoises et des Québécois. En 2005, la section Québec
du conseil général du NPD adopte la « Déclaration de Sherbrooke »,
ratifiée l'année suivante par le congrès fédéral.
La « Déclaration
de Sherbrooke » reconnaît notamment « le caractère national du Québec
et croit que ce caractère peut trouver son expression dans le contexte fédéral
canadien » et qu'il repose notamment sur « une société à majorité
francophone, dont le français est
reconnu comme langue de travail et langue commune de l'espace public » et
« une culture spécifique, unique en Amérique, qui s'exprime par un
sentiment d'identité et d'appartenance au Québec. » La déclaration prône
également un « fédéralisme asymétrique ».
Sherbrooke,
le centre du monde?
Vous aurez
compris que le ton de ce dernier sous-titre se veut humoristique et la
déclaration de guerre de Jean-François Lisée à l'endroit de Pierre Karl
Péladeau cette fin de semaine à Sherbrooke a été un prétexte pour rappeler des
pans importants de notre histoire locale qui fait la démonstration que bien des
choses au Québec et au Canada commencent à Sherbrooke...