Je sais bien, c'est l'été. Il fait beau. Je devrais simplement cirer mon pelage pour devenir un canard sur le dos duquel tout glisse. Je devrais me laisser flotter sur l'eau chlorée de la piscine en saluant le temps qui passe et en refaisant le jeu des formes dans les nuages par un bel après-midi...
Mais non. Pas avant d'avoir sorti un élan de colère qui gronde en dedans.
D'abord, on a démantelé les mezzanines dans les écoles primaires de Sherbrooke. Le Code du bâtiment* a gagné. Application d'un règlement. Dangereux pour le feu. Dangereux pour la hauteur. La sécurité d'abord. On a donc sauvé la vie de plusieurs enfants cette semaine. Je sais, ce dernier bout de phrase est de la mauvaise foi, mais des fois, quand la colère parle...
Pourtant, les mezzanines étaient non seulement utiles, mais elles étaient des éléments de motivation et de créativité de premier ordre. Et la créativité devrait être une priorité en éducation. Mais ne craignez rien, on a créé un comité pour récupérer ces éléments. Un comité? Encadrer la créativité dans un comité équivaut à mettre en place une structure qui va gagner le temps nécessaire pour que les gueulards arrêtent de gueuler. On aurait facilement pu encadrer les mezzanines de façon sécuritaire. En les conservant. Si on avait agi avec créativité comme l'enseignant instigateur du projet l'avait fait. Mais le Code du bâtiment a dit non.
Le Code, c'est la sécurité. Et l'important, c'est la sécurité. À tout prix. Vous comprenez? La sécurité. Un peu plus et je l'écris en majuscules. Je suis sûr que l'asphalte des cours d'école est bien plus dangereux que toutes les mezzanines réunies, mais le Code n'en parle pas, je crois bien...
Notez au passage qu'il est plus facile de jouer les grands défenseurs de la sécurité quand on frappe sur une clientèle qui ne brassera pas trop. Des enfants et des profs. Bof...
La sécurité... Quand il s'agit de Lac-Mégantic, là, on devient frileux. Contourner la ville avec la voie, ça coûte des sous. La ville a été construite autour de la voie ferrée. Je veux bien. Mais, à force de vouloir alléger les responsabilités des compagnies de chemin de fer (pour favoriser leur profit et ainsi créer de la richesse...), on a réduit, année après année, les critères de sécurité. Le nombre de chauffeurs, le lieu pour mettre un train à l'arrêt. Le fait de laisser tourner un moteur sans équipage à bord, de réduire le nombre d'interventions d'inspecteurs publics pour le maintien de la qualité des voies ferrées, etc.
Autrement dit, on a donné le mandat de la sécurité du public à des compagnies qui voient la sécurité comme une dépense. Une dépense qui réduit les profits. Les profits qui sont leur unique raison d'être. Le pyromane avec un casque de pompier.
Et là, on tergiverse. La sécurité est devenue relative. On a décidé de retirer des wagons dangereux de la circulation, mais dans un horizon de plusieurs années. En attendant, croisons tout ce qui se croise sur nous...
L'abbé Steve Lemay a raison. On a, à Lac-Mégantic, un cas d'espèce. Pour moi aussi, la voie doit être tassée. Ce n'est plus une question de livre de règlements, c'est une question de respect de l'évolution du deuil des personnes touchées et du deuil que doit faire une communauté. On ne demanderait pas à une personne qui a vu et entendu un proche se faire tirer par un tueur fou de réécouter la trame sonore de l'assaut chaque jour en espérant qu'elle évolue dans son deuil. Chaque fois que le train siffle, au centre-ville de Lac-Mégantic, c'est la plaie qui s'ouvre à nouveau.
C'est le concept de la sécurité à tout prix qui déraille, subitement!
Je sais qu'on ne peut comparer complètement les mezzanines et le train. Je suis en colère. Mais je maintiens le parallèle quand même.
Un jour, il faudra remettre un peu de bon sens dans nos actions. Et arrêter de se faire des comités gagneurs de temps et dont l'accouchement est toujours reporté...
Clin d'œil de la semaine
Un comité peut être utile. Mais il faut se rappeler que le zèbre est un cheval dessiné par un comité...
*Je devrais dire Code de la construction, mais j'y vais volontairement pour l'appellation populaire