Tout jeune, j'apprenais par cœur les monologues d'Yvon Deschamps. Je les récitais en mettant les intonations aux bons endroits, c'est-à-dire les endroits où lui en mettait! C'est comme ça, en écoutant et en répétant ces textes, que j'ai saisi bien des règles sociales qui prévalaient autour de moi...
J'ai toujours aimé qu'on me raconte des histoires.
Mais quand venait le temps d'apprendre l'histoire, à l'école, plus rien ne fonctionnait. Les dates, les liens, les dynamiques, rien ne prenait forme et ne se gravait dans ma tête. J'étais poche en histoire.
Puis un jour, en secondaire III, je crois bien, le Séminaire de Sherbrooke mettait sur ma route un bonhomme qui m'a profondément marquée : Robert Milot. Lui, il me racontait l'histoire. Je l'aurais écouté des heures (je l'ai fait, d'ailleurs...), parce que j'étais intéressée par ce qu'il disait. Son ton était juste, parfois drôle, mais surtout imagé. J'ai compris l'importance des communications dans le monde grâce à lui. Que les régimes totalitaires sont basés sur deux choses : le contrôle de l'éducation et celui des communications. Un peuple non éduqué ne peut se prendre en main. Il reste dans ses terres et se met en mode survie. Il connaît ses limites : le dictateur lui a dit... Mais, et surtout, il ne sait pas ce qui se passe ailleurs. Le gouvernement s'assure de couper les communications avec l'étranger. Le peuple n'a aucun moyen de mesurer la différence entre ses conditions et celles des autres.
J'entends Robert Milot multiplier les exemples pour notre compréhension : « ... vous êtes chez vous et un malfaiteur entre pour une prise d'otages. Il fait deux choses en entrant : il arrache le fil du téléphone et coupe l'alimentation de la radio et de la télé... Vous êtes alors faits comme des rats... »
Cette semaine, je repense à mon professeur d'histoire avec beaucoup de respect. Ce sont les images qu'il a créées dans ma tête qui ont provoqué une forme de compréhension qui m'est personnelle. Je lui dois ça! Je pense à lui en me demandant ce qu'il pense de ce qui se passe dans le monde aujourd'hui, maintenant. Moi, j'ai vraiment l'impression de voir l'histoire s'écrire.
Obama a été élu en bonne partie grâce à des actions utilisant les réseaux sociaux. Facebook et les autres ont été des outils de rassemblement incroyables. Mais, plus près de nous dans le temps, je m'intéresse à l'évolution du soulèvement populaire en Tunisie. Les réseaux sociaux, Internet et la téléphonie cellulaire ont déjoué un gouvernement qui ne savait plus trop comment s'y prendre pour opprimer son peuple. Les repères traditionnels ont disparu. Contrôler l'accès à l'Internet devient impossible. Arracher le fil d'un téléphone qui n'en a pas, c'est compliqué. Contrôler une tour de retransmission des ondes, c'est une chose, mais contrôler un satellite en est une autre!
Mais il y a plus! Ceux qui décident de descendre dans la rue sentent l'appui des autres. Et, lentement, ceux-ci descendent dans la rue aussi. La vague emporte les dictateurs. Je reviens à mon prof : pour garder une mainmise sur un peuple, il faut couper deux choses : éducation et communication. Les Tunisiens sont scolarisés et ont accès aux moyens de communication. Ils n'acceptent plus de compromis. Le chef n'est plus, mais la pression populaire continue. Et c'est tant mieux. Et voilà que l'Égypte emboîte le pas.
Oui, j'ai vraiment l'impression que l'histoire est en train de s'écrire, là, devant moi! Et je remercie Robert Milot pour des notions de base qui durent toujours.
Clin d'oeil de la semaine
Harper a compris qu'il ne contrôlerait pas les moyens de communication. Il contrôle le message de façon totalitaire. J'ai hâte de voir combien de temps il va tenir...