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  CHRONIQUEURS / L'Agora

La tête dans le sable…

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Au lendemain des inutiles attentats de Paris, nous avons eu droit à la récupération politique de la publication du Charlie Hebdo ainsi qu'à des manifestations violentes contre ce même Charlie Hebdo dans plusieurs pays musulmans. Triste à mourir. Nous n'avons rien compris! Le cirque continue.

Dans le sillage de la tuerie chez Charlie Hebdo, il y a aussi eu l'assassinat de gens parce qu'ils étaient juifs. L'événement de la prise d'otage dans l'épicerie Kasher est en fait un événement antisémite. Nous revoilà avec la question juive au haut de l'actualité. En quoi cela peut-il nous concerner nous les Québécois francophones d'Amérique du Nord?

La réponse courte est de plusieurs façons. À commencer par le débat qui a eu lieu chez nous sur la charte de la laïcité et que vient de relancer Bernard Drainville dans la course à la chefferie du Parti québécois et par le rappel de larges pans de notre histoire. Plongée dans le passé trouble des Québécois francophones avec la question juive.

Les juifs, peuple maudit...

Aussi loin que l'on puisse se souvenir, les juifs n'ont jamais eu bonne presse chez les catholiques. On a toujours eu du mal à pardonner à Judas d'avoir vendu son ami Jésus pour trente deniers. C'est un peuple déicide.

Au moyen-âge, le juif est victime de discrimination et ne peut pas pratiquer de métier manuel et n'a pas le droit de posséder des terres. Il doit alors pratiquer des métiers liés à la médecine et aux finances. Depuis très longtemps, les juifs sont persécutés et victimes de toutes sortes de discrimination. Je n'aborde même pas l'insoutenable question de la Shoah alors que des millions de juifs ont été exterminés par la folie sanguinaire d'Adolf Hitler.

Il n'est donc pas si étonnant que la presse internationale n'ait pas lourdement insisté sur le caractère antisémite de l'assassinat perpétré par Amedy Coulibaly dans une épicerie Kasher. On a plutôt évoqué la tuerie d'otages. Or, ce n'est pas des otages au hasard qui ont été exécutés de sang-froid par l'assassin Coulibaly, mais des juifs. Le silence de la presse française sur ce sujet en dit long sur la relation entretenue avec les juifs par nos sociétés occidentales. Heureusement, vous direz-vous en lisant cela, nous ne sommes pas comme cela au Québec, nous le territoire par excellence des droits de la personne et de la générosité sociale. Pas si vite mes cocos!

Le nationalisme québécois et la question juive

Il y a toujours eu une relation trouble entre le nationalisme des francophones du Québec et la question juive. Des leaders intellectuels comme Lionel Groulx et André Laurendeau ou encore des politiciens comme René Chalout ont exprimé assez clairement des propos antisémites. L'historien Pierre Anctil, spécialiste de la question juive au Québec, rapporte dans ses ouvrages des faits comme la discrimination systémique des juifs par nos universités dans les programmes de médecine. Sans compter les campagnes d'achat chez nous dirigés contre les commerçants juifs durant la Deuxième Guerre mondiale. Plus près de nous, il y a eu l'Affaire Michaud ou certains ont accusé le brillant tribun nationaliste d'avoir tenu des propos antisémites.
Quoi qu'il en soit, un débat fait rage parmi les historiens sur la signification que l'on doit donner à ces courants anti-juifs dans l'histoire du Québec. Tout n'est pas noir ni blanc. Il serait largement exagéré de présenter le Québec et le Canada comme des lieux antisémites, mais il serait malhonnête de refuser d'examiner cette relation trouble du Québec avec la question juive.

L'abbé Gravel

Une récente biographie de l'abbé Pierre Gravel publié chez Septentrion par l'historien Alexandre Dumas est une fort belle occasion pour nous interroger sur cette période trouble de l'histoire du Québec concernant les relations des francophones que nous sommes avec les juifs.

Pierre Gravel a été un homme d'action de droite. Ultranationaliste et syndicaliste, il a œuvré auprès des mineurs de Thedford et d'Asbestos. Il s'est fait le chantre de la syndicalisation de l'industrie de l'amiante. À l'aube de la Seconde Guerre mondiale, il s'est aussi fait l'apôtre d'une révolution nationale qui s'inspirait des dictateurs européens de l'époque : Salazar, Franco, Hitler.

Il était clairement antisémite et ultranationaliste. Il était un grand admirateur de Lionel Groulx et de Charles Maurras. Ce livre d'Alexandre Dumas jette un regard pénétrant sur la droite nationaliste québécoise à une époque de grande tourmente dans l'histoire du Québec. Une chose est certaine, après avoir lu cette biographie, on est plus convaincu que jamais que le Québec n'en est pas à une contradiction près.

Assumer son héritage

La question n'est pas de savoir si le Québec dans son ensemble a été ou non antisémite. Encore moins de trancher le débat houleux sur le caractère antisémite du nationalisme québécois. L'enjeu ici est de comprendre que l'histoire des peuples et des nations est ponctuée d'événements complexes et que nul n'est à l'abri de dérives. Une leçon que l'histoire nous livre que je juge fort à propos à une époque où tout est noir ou blanc et que nous sommes portés à juger rapidement alors qu'au fond nous savons tous que notre univers est plutôt une mosaïque de plusieurs teintes de gris. La lecture de la biographie de l'abbé Pierre Gravel est un bon outil pour prendre conscience de cela. Un moyen comme un autre pour retirer notre tête du sable...

Lectures recommandées :

Alexandre Dumas, L'ABBÉ PIERRE GRAVEL SYNDICALISTE ET ULTRANATIONALISTE, Québec, Éditions Septention, 2014, 309 p.

Pierre Anctil, Le rendez-vous manqué : les juifs de Montréal face au Québec de l'entre-deux-guerres, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1988, 366 p.


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