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La mémoire politique

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Photo : La déclaration cette semaine du conseiller municipal de la Ville de Sherbrooke, Jean-François Rouleau, disant que le Centre de foires était un échec, a de quoi faire sourire qui a de la mémoire.
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 22 mars 2017

Le défunt premier ministre du Québec, Robert Bourassa, avait l'habitude de dire que six mois en politique c'était une éternité. En disant cela, il entendait que la mémoire politique des citoyennes et des citoyens est très courte et que souvent ce qui indignait hier était oublié aujourd'hui.

La déclaration cette semaine du conseiller municipal de la Ville de Sherbrooke, Jean-François Rouleau, disant que le Centre de foires était un échec, a de quoi faire sourire qui a de la mémoire. Celle aussi de son collègue Serge Paquin qui a dit : « C'est une drôle de décision gouvernementale de financer un centre de foires si près d'un autre avec des fonds publics. Je ne l'ai jamais comprise. » (Jonathan Custeau, « Le marché des congrès se rétrécit, » La Tribune, édition tablette, 14 mars 2017.)

C'est une évidence que le Centre de foires de Drummondville est un concurrent de celui de Sherbrooke comme le dit si bien le directeur général de Destination Sherbrooke Denis Bernier : « Oui le Centre de foires de Drummondville est un concurrent direct et il est agressif dans le marché. Le Centre est configuré comme un centre de congrès. » La réalité est que dans son rapport d'activité, Destination Sherbrooke informe que le nombre de congrès est passé de 53 en 2015 à 41 en 2016 et que le nombre de nuitées a chuté de 20 %. (La tribune, 14 mars 2017, loc.cit.)

Plongée dans la mémoire politique récente pour essayer d'expliquer pourquoi le Centre de foires de Sherbrooke n'a pas le succès escompté.

La foire d'empoigne du Centre de foires de Sherbrooke

Rappelons que le Centre de foires de Sherbrooke avait fait l'objet d'un grand débat à Sherbrooke en 2009. Une véritable foire d'empoigne mettant aux prises le groupe Custeau, alors client du Cabinet de relations publiques et de communication Nadeau Bellavance, et le groupe Immex de Jean-François Morin. Immex était soutenu par le maire Jean Perrault ainsi que par la mouvance libérale autour de Jean Perrault incarné par Jean-Yves Laflamme et sa conjointe Louise Allard. Le 4 mai 2009, le conseil a tranché en faveur du projet Immex après la volte-face du maire actuel, alors conseiller municipal et chef du nouveau parti politique, le Renouveau sherbrookois et de Serge Paquin. Ces deux conseillers ont changé de position le samedi précédant le lundi du vote, pavant ainsi la voie à la victoire du projet d'un Centre de foires sur le Plateau Saint-Joseph.

À l'époque, certaines personnes avaient dénoncé la campagne menée par le Groupe Custeau à la faveur de leur projet. Plusieurs les avaient alors accusées d'avoir divisé la ville. Au terme du vote, plusieurs conseillers avaient parlé de la nécessité de travailler à la réunification de l'Est et de l'Ouest et déploré la polarisation dans ce dossier. L'ancien maire m'avait même accusé personnellement d'avoir « divisé sa ville ». Mon client le Groupe Custeau avait offert de donner le terrain à la ville la veille du vote. C'est dire l'intensité de la foire d'empoigne qui a eu cours dans ce dossier.

Plusieurs aiment bien se rappeler cet événement comme le résultat d'une guerre entre deux promoteurs et de luttes intestines personnelles au sein de la famille libérale. Ce n'est pas exact. Nous avions droit à l'opposition de deux visions différentes du développement de la Ville de Sherbrooke. Aujourd'hui, les faits semblent donner raison à ceux qui ont alors perdu le combat politique. D'autant que le coût du choix du site du Plateau Saint-Joseph était estimé à 3,8 M$ de plus à l'époque.

Deux visions s'affrontent

D'une part, il y avait le milieu des affaires, regroupé autour de Daniel Beaucage, qui souhaitait doter Sherbrooke d'un centre de foires pour attirer des expositions d'automobiles, de matériels lourds et pour répondre en même temps aux besoins de nos salons locaux comme ceux du livre, de l'habitation, de l'artisanat, etc. Cette idée d'un nouveau Centre de foires était aussi liée à l'existence d'un programme gouvernemental de Québec. On a donc bâti un projet autour d'un programme de subventions. On a profité de l'occasion pour consolider le pôle commercial du Plateau Saint-Joseph qui tardait malgré sa promesse à donner les résultats promis quant à son développement.

D'autre part, le Groupe Custeau avait un projet de centre de congrès plutôt qu'un centre de foires. Il défendait aussi l'idée d'un développement urbain équilibré. La vision défendue alors par le Groupe Custeau était collée aux préoccupations du Sherbrooke économique de l'innovation et aux concepts des filières-clés qui seront très prisés au cours des années subséquentes. Une ville de savoir. Une ville d'étudiants devait se doter d'un centre de congrès ultramoderne. S'il en eût été ainsi, la concurrence de Drummondville n'existerait pas aujourd'hui. Je parie même que nous aurions un immense succès avec ce centre de congrès, mort-né dans les planches à dessin du Groupe Custeau. Ce projet était aussi appuyé par le doyen de la Faculté de médecine à l'époque, Réjean Hébert : « Quant au doyen de la Faculté de médecine, Réjean Hébert, il estime que le CHUS Fleurimont générera passablement d'activités scientifiques ou sociales pour le futur centre de foires s'il se trouvait à proximité. »

Que dit notre mémoire?

Se rappeler, se souvenir est toujours utile pour nous aider à guider nos actions du présent et pour orienter notre avenir. La leçon qu'il faut tirer du Centre de foires de Sherbrooke c'est que le choix du site du Plateau Saint-Joseph, le choix du concept a beaucoup été coloré par la volonté politique du maire de l'époque, Jean Perrault. L'autre vision, celle du Groupe Custeau, soutenue par de larges segments de la population de la ville a perdu le combat politique inégal de l'époque. Cela parce que des gens comme Bernard Sévigny et Serge Paquin ont changé d'idée aux derniers instants. C'était leur droit d'élus et j'ai respecté leur décision à l'époque. Je la respecte encore aujourd'hui.

Néanmoins, on doit quand même reconnaître que ce choix ne fut pas le plus judicieux et que ce n'est pas parce qu'ils étaient des élus qu'ils ont eu raison. Aujourd'hui, les résultats semblent leur donner tort. C'est amusant tout de même que l'on invoque comme argument la décision de Québec de financer deux centres de foires aussi proche alors que cela était écrit dans le ciel à l'époque.

Il est à espérer que l'on apprenne du passé. La décision imminente d'agrandir le périmètre urbain du Plateau Saint-Joseph pour permettre le déménagement de Costco et le maintien du caractère industriel de l'ancienne usine Lowney's, derrière la super clinique de la rue King Ouest, constitueront à mes yeux d'excellents tests pour mesurer la véracité de la déclaration qu'avait faite le maire actuel de Sherbrooke, Bernard Sévigny, le 5 mai 2009 dans le quotidien La Tribune; « J'aime mieux mourir pour mes idées que par opportunisme politique. » L'un des meilleurs remèdes à l'opportunisme politique est d'être fidèle à ses principes, alors on peut rester en vie avec notre pleine mémoire politique...

 


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