Le Sherbrookois d'origine et ministre du Patrimoine
canadien, Pablo Rodriguez, se débat comme un diable dans l'eau bénite pour
civiliser les grands du Web et venir en aide aux médias qui peinent à survivre
dans un nouvel environnement qui met à mal leur modèle économique. Les médias
d'information se meurent et la démocratie ne peut qu'en faire les frais.
L'adoption par le gouvernement Trudeau de la loi C-18 est un geste phare,
mais qui rate son objectif en posant le bon diagnostic, mais en peinant à
offrir une véritable solution. Réflexions libres sur la loi C-18.
C'est quoi la loi C-18 ?
Si l'on se réfère au projet de loi lui-même publié sur le
site de Justice Canada, voilà ce que l'on apprend eu égard au projet de loi C-18 :
Loi concernant les
plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de
nouvelles aux personnes se trouvant au Canada : « De nombreux Canadiens consultent du contenu de nouvelles
rendu disponible par des intermédiaires de nouvelles numériques. Le projet de
loi C-18 vise à promulguer la Loi sur les nouvelles en ligne (la
"Loi"), qui propose l'établissement d'un cadre pour réglementer les plateformes
numériques qui servent d'intermédiaires dans l'écosystème de médias
d'information au Canada afin de renforcer l'avoir sur le marché canadien des
nouvelles numériques. Ce projet de loi établit un nouveau cadre de négociation
visant à aider les entreprises de nouvelles à obtenir une indemnisation
équitable lorsque leur contenu de nouvelles est rendu disponible par des
intermédiaires de nouvelles numériques qui dominent le marché et que ces
intermédiaires en tirent des avantages économiques. Ce cadre a pour but de
favoriser l'équilibre des négociations entre les exploitants d'intermédiaires
de nouvelles numériques qui dominent le marché et les entreprises de qui
relèvent les médias d'information qui produisent ce contenu de nouvelles. Le
projet de loi prévoit également un processus d'arbitrage sur l'offre finale qui
peut être utilisé en dernier recours dans les cas où les parties ne parviennent
pas à négocier un accord, si l'une d'elles souhaite entamer ce processus. Le
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le "Conseil")
sera chargé de l'exécution et du contrôle d'application de la Loi. »
Si l'on prend cette explication du
projet de loi au pied de la lettre, on comprend que l'on pose comme hypothèse
principale que les géants du Web font un profit sur le travail des autres en
l'occurrence des journalistes rémunérés par les médias d'information. On
profite donc du travail des uns (les médias traditionnels) pour enrichir les
autres (les géants du Web). On parle d'une indemnisation équitable des médias
pour leur contenu. Or, il n'est pas établi que la source des profits des
réseaux sociaux que l'on veut partager avec les médias dits traditionnels soit
le contenu des médias diffusés sur le Web. Si cela s'avère, la décision de Méta
de retirer ces contenus de son réseau devrait se traduire par une baisse
appréciable de ses revenus. Or, si les dirigeants de ces réseaux sociaux
prennent la décision de retirer le contenu des médias d'information plutôt que de
les dédommager, c'est peut-être signe qu'ils ne craignent pas de voir leurs
revenus fléchir, ne croyez-vous pas ?
En fait, les motifs qui expliquent
l'échec du modèle économique traditionnel sont plus structurels que
conjoncturels. On assiste dans le monde des médias au même phénomène que dans
la location à court terme avec les Airbnb, dans l'industrie du taxi avec UBER
ou du streaming pour le cinéma. Les changements technologiques induits
par la révolution de l'information et le triomphe du numérique viennent
profondément changer nos modes de vie, de produire et de consommer. Ce qui ne
signifie pas pour autant que les gouvernements ne doivent pas agir pour réglementer
ces nouvelles industries.
Mariage obligé
malgré l'absence d'amour...
Le rôle des grands du Web et des médias
traditionnels est essentiel dans la diffusion de l'information et l'influence
sur l'opinion publique. Voici quelques éléments à prendre en compte concernant
ces acteurs :
Grands du Web :
Diffusion de l'information : Les géants du Web,
tels que Google, Facebook, Twitter et YouTube, ont une portée mondiale et
permettent de diffuser rapidement et efficacement des informations à un large
public.
Contrôle des plateformes : Ces entreprises
détiennent des plateformes où les utilisateurs peuvent publier et partager du
contenu, ce qui leur confère un pouvoir important dans la modération et la
curation de l'information.
Algorithme et personnalisation : Les grands du
Web utilisent des algorithmes pour personnaliser l'expérience des utilisateurs,
en leur recommandant du contenu en fonction de leurs préférences. Cela peut
créer des bulles de filtres et renforcer les biais cognitifs.
Publicité et monétisation : Les géants du Web
génèrent une grande partie de leurs revenus grâce à la publicité en ligne, ce
qui peut influencer la manière dont l'information est présentée et promue.
Médias traditionnels :
Crédibilité et vérification de l'information :
Les médias traditionnels, tels que les journaux, les chaînes de télévision et
les stations de radio, sont souvent perçus comme des sources d'information
crédibles et font l'objet de processus de vérification journalistique.
Ressources et expertise : Les médias
traditionnels ont généralement des ressources plus importantes pour mener des
enquêtes approfondies, effectuer des reportages sur le terrain et fournir une
analyse détaillée de l'actualité.
Responsabilité éditoriale : Les médias
traditionnels sont soumis à des normes éthiques et professionnelles, ainsi qu'à
des réglementations gouvernementales qui encadrent leur fonctionnement et leur
contenu.
Hiérarchie de l'information : Les médias
traditionnels déterminent souvent l'ordre et la présentation de l'information,
en sélectionnant les sujets qui méritent d'être couverts en première page ou
dans les émissions principales.
Il est important de noter que le paysage médiatique
évolue rapidement et que les frontières entre les médias traditionnels et les
géants du Web deviennent de plus en plus floues. De nombreuses publications
traditionnelles ont également une présence en ligne et utilisent les réseaux
sociaux pour diffuser leur contenu. La question de la réglementation et du
contrôle de ces acteurs est également un enjeu majeur, notamment en ce qui
concerne la désinformation, la confidentialité des données et la concentration
du pouvoir médiatique.
On constatera que les médias dits traditionnels ont
besoin des géants du Web et que la société, la démocratie a besoin de ces
médias pour vivre sainement dans le cadre d'un meilleur vivre ensemble. Le
problème avec le projet de loi C-18 ce n'est pas le diagnostic posé, mais
la solution proposée qui vise à obliger des tiers à s'entendre et à demander
par la suite à des bureaucrates, le CRTC, de juger si cela est acceptable ou
non. Les règles du jeu sont alors floues et ne permettent pas à une industrie
la prévisibilité, ce qui est essentiel à toute planification digne de ce nom.
Y a-t-il une solution alors ?
Si la solution n'est pas la loi C-18, quelle
est-elle alors me direz-vous ? Je ne le sais pas plus que vous. Néanmoins, je
crois qu'il est important que les utilisateurs des réseaux sociaux aient accès
au contenu de nos médias d'information. Je crois aussi que la solution réside
dans un meilleur partage de revenus publicitaire entre les médias traditionnels
et les géants des réseaux sociaux. C'est pourquoi je pense qu'il serait
judicieux de trouver une solution qui s'attaque aux problèmes à la source soit
les décisions de milliers d'entreprises qui choisissent de placer leur
publicité sur Google ou sur Méta plutôt que dans les médias traditionnels.
C'est là que le bât blesse. La solution plutôt que de créer un nouveau terrain
de jeu pour des bureaucrates fédéraux c'est à mon avis d'imposer une taxe de 50 %
du coût sur toutes les publicités mises sur les réseaux sociaux. Cela viendrait
faire infléchir la propension des entreprises à investir sur ces plateformes.
En même temps, les médias traditionnels doivent améliorer leurs produits s'ils
veulent attirer ces dollars publicitaires. Il faut passer à l'offensive plutôt
que de se comporter comme des mendiants. Le changement de nos modes de vie est
là pour de bon. Il faut s'adapter et adapter nos médias d'information en
conséquence. Le gouvernement Trudeau pose le bon diagnostic, mais propose la mauvaise
solution. Il se trompe de cible...