Le 22 mars dernier, le nouveau gouvernement de Justin Trudeau présentait son premier budget. Il est vrai que cet important geste du gouvernement libéral a été largement éclipsé par les attentats de Bruxelles. Il ne faudrait cependant pas négliger l'important geste de rupture posé par le gouvernement fédéral en matière d'orientations économiques. Par ce budget, d'une tonalité nouvelle, le ministre des Finances, Bill Morneau affirme haut et fort que désormais le Canada s'inscrit en dehors de la logique néo-libérale et des théories économiques monétaristes au profit d'une vision social-démocrate. Comme pour le reste, le gouvernement de Justin Trudeau fait le pari du vrai changement...
Un budget expansionniste
Le budget présenté par Bill Morneau est nettement expansionniste. Avec des dépenses de 346,5 milliards de dollars, le déficit prévu pour l'année budgétaire actuelle s'élèvera à 29,4 milliards. Une somme beaucoup plus importante que les 10 milliards de déficits évoqués durant la dernière campagne électorale. D'ailleurs, le ministre des Finances Bill Morneau et le gouvernement Trudeau promettent des déficits pour chacune des années de leur mandat soit une somme de près de 100 milliards qui se rajoutera à la dette canadienne de 619,3 milliards de dollars en 2015-2016. Celle-ci atteindra 718,2 milliards de dollars en 2019-2020. Pour nous rassurer, les ténors du gouvernement Trudeau indiquent que le taux de la dette fédérale restera stable en fonction de notre PIB passant de 31,2 % aujourd'hui à 31,6 % en 2019-2020.
Ces prévisions budgétaires sont faites à partir de prévisions économiques très conservatrices et on peut raisonnablement croire que les résultats réels des opérations budgétaires du gouvernement seront meilleurs que les prévisions budgétaires. C'est en quelque sorte une marge de manœuvre cachée sous un amas de données afin de pouvoir affirmer que la stratégie libérale aurait été payante. La politique n'est jamais loin des exercices budgétaires pour un gouvernement. Au-delà de ces statistiques, ce qu'il faut regarder ce sont deux éléments fondamentaux qui se résument à deux questions : est-ce que les déficits prévus sont faits pour véritablement relancer l'économie ou pour payer l'épicerie? Et le gouvernement de Justin Trudeau respecte-t-il ses engagements électoraux?
Le gouvernement Trudeau fidèle à lui-même...
Justin Trudeau et son parti ont pris beaucoup d'engagements lors de la dernière campagne électorale et le budget déposé par Bill Morneau semble accréditer la thèse qu'il cherche à les respecter tous, même au prix de déficits plus importants que prévu. Choses promises, choses dues comme dit le proverbe, le gouvernement de Justin Trudeau prend un net virage envers les familles, la classe moyenne, les autochtones et le renouvellement des infrastructures, notamment le transport collectif et les infrastructures vertes.
Les premières nations
Les premières nations, grandes négligées depuis toujours, auront droit à une bonne part du gâteau avec des investissements de 8,4 milliards de dollars sur 5 ans, dont près de 4 milliards en éducation, et 2 milliards pour les infrastructures d'approvisionnement en eau et pour la surveillance de la qualité de l'eau potable. Des sommes sont aussi prévues au chapitre de la Commission d'enquête sur les femmes autochtones assassinées ou disparues. Depuis le temps où l'inaction crasse de nos gouvernements influe sur les membres des premières nations, il nous faut saluer ce geste de réconciliation du gouvernement Trudeau envers les nations autochtones. Il importe que nous cessions d'avoir sur le sol canadien des personnes qui vivent dans des conditions similaires à celles des gens des pays les plus pauvres de la planète.
La classe moyenne
Ça fait longtemps que les politiciens promettent de s'occuper des intérêts des gens de la classe moyenne. Outre la baisse d'impôt déjà votée dans les premières semaines du gouvernement Trudeau, là aussi les libéraux tiennent parole avec des mesures comme l'allocation canadienne pour enfants qui permettra à plusieurs familles de compter sur des revenus plus élevés de la part du gouvernement du Canada. Une mesure innovatrice qui favorisera la sortie de la pauvreté de milliers d'enfants canadiens. Il y a aussi des mesures pour les chômeurs qui sont consentis dans ce budget permettant de réduire la période d'attente et d'augmenter le nombre de semaines où les prestataires recevront des revenus. Une mesure bienvenue dans l'Ouest canadien où le chômage fait des ravages, situation bien connue des populations du Québec et des Maritimes depuis de nombreuses années. On retrouve aussi dans ce budget une volonté de rendre plus accessibles les études postsecondaires au Canada et, on réintroduit l'âge de la retraite à 65 ans. Autant d'éléments qui viendront aider les Canadiens de la classe moyenne tout en leur permettant d'avoir plus d'argent dans leurs poches. Ce qui ne sera pas sans effet sur la croissance économique.
Les infrastructures
Comme promis, le gouvernement du Canada investira près de 60 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Ainsi, le gouvernement Trudeau investira 5,1 milliards cette année et une somme supplémentaire de 5 milliards l'an prochain. De cette somme, 2,7 milliards seront affectés aux infrastructures vertes tels les usines de traitement des eaux, les infrastructures sociales ainsi que le transport en commun. Sur la question du transport collectif, le gouvernement Trudeau prévoit investir 3,4 milliards de dollars sur trois ans. De ce montant, le Québec pourrait se voir accorder le tiers de la somme. De bonnes nouvelles pour la ligne bleue de métro à Montréal ainsi que pour le train léger du pont Samuel de Champlain. Outre le respect de cet engagement, Bill Morneau fait aussi preuve d'ouverture pour augmenter la part du fédéral dans le financement des infrastructures municipales. Cela fera l'affaire, j'en suis persuadé, de bien des municipalités au Québec. Attendons de voir maintenant si notre gouvernement du Québec ne voudra pas profiter de cette nouvelle manne d'argent fédérale à son propre profit.
Outre ces grands postes de dépenses, le gouvernement Trudeau tient aussi parole en ce qui concerne son réinvestissement dans la Société Radio-Canada et dans les arts et la culture. Il injecte également des sommes nouvelles pour nos anciens combattants et pour notre politique généreuse envers les réfugiés.
Trudeau tient parole...
Bref, au terme de l'examen de ce budget, il est possible d'affirmer que Justin Trudeau tient parole. Il mène une politique expansionniste dans un contexte économique difficile et où les taux d'intérêt sont historiquement bas. Il fait table rase de plusieurs mesures conservatrices du gouvernement Harper et ne craint pas de faire des déficits pour venir en aide à la classe moyenne canadienne. En fait, le gouvernement de Justin Trudeau présente le premier budget social-démocrate de l'État canadien depuis l'ère de Pierre Elliott Trudeau. Par ce budget, le gouvernement de Justin Trudeau marque une rupture avec les politiques néo-libérales qui ont tant marqué les consciences partout en Occident depuis l'ère Reagan et Thatcher et ressuscite en quelque sorte les lettres de noblesse de l'économiste John Maynard Keynes. Le budget du gouvernement Trudeau c'est en quelque sorte la rentrée de Keyne au Canada...