« Ô Canada ! Terre de nos aïeux,
Ton front est ceint, de fleurons glorieux! »
Il est possible que notre front soit ceinturé de fleurons, aussi glorieux puissent-ils être. Métaphore, quand tu nous tiens! Mais, pour le moment, disons qu'on a un fleuron qui nous serre la ceinture plus qu'autre chose.
Bombardier est un fleuron de notre économie québécoise. À ce titre, nous ne pouvons pas la laisser tomber. Sans aucune hésitation, le chèque de 1,3 milliard de dollars a été promis par Québec. Et on sait que ça en prend un autre du Fédéral. Au moins du même montant.
Mais on n'a pas le choix.
Comment en vouloir au président de Bombardier? Il est pris entre deux « pas le choix ». D'une part, il n'a pas le choix de demander de l'argent, mais d'autre part, il doit répondre aux actionnaires de façon positive.
Résultat?
D'un côté de la bouche, il demande des deniers publics pour financer une entreprise privée. Les deniers des contribuables. Et de l'autre, il annonce à ces contribuables qu'il transférera des milliers d'emplois ailleurs dans le monde. Mais, dit-il, ce ne sont pas des emplois dits de pointe. Comme si on faisait son épicerie seulement avec des dollars issus des emplois dits de pointe. Et, mentionnons au passage que pour le président, ce ne sont pas vraiment des coupes de postes, c'est un plan de valorisation des ressources humaines. Même chèque de chômage, cela dit.
On n'a pas le choix, disais-je.
On a le fleuron flétri pas mal, il me semble. Un fleuron qui répond aux règles d'un marché qui est basé sur l'actionnaire. Celui-là est déconnecté de la réalité des contribuables. En fait, il ne se reconnecte que pour lui demander de l'argent. De l'argent qui servira, peut-être, si on n'a pas le choix, à valoriser à nouveau notre déploiement de ressources humaines en transférant de la production ailleurs.
Oui, mais quand même, on n'a pas le choix! Il faut investir maintenant pour assurer l'avenir de nos enfants.
Alors, on prend l'argent dans le même portefeuille qui sert à financer les CPE et les écoles. Ce n'est pas de l'avenir, ça? On coupe dans les services directs (et qu'on ne me serve pas la rhétorique selon laquelle on ne coupe que dans du gras, ce n'est pas vrai) et on se sert de cet argent pour investir dans une compagnie qui ne garantit à peu près rien en retour. Surtout pas les emplois ici.
Mais oui, je sais, je ne comprends rien à rien. Ce n'est pas la même enveloppe budgétaire. C'est trop gros pour mes petites connaissances...
Je sais, on me l'a dit : l'économie est, en soi, un bateau qui contrôle sa flottaison à merveille. À peine a-t-il besoin, de temps en temps, d'une injection de dollars comme carburant d'appoint. Si le bateau va bien, tout ira bien autour. On peut laisser partir des milliers d'emplois, ce n'est pas grave. Rien ne se perd. Tout se compense. Le système entier s'autorégulera et, dans le sillon du navire, la justice sociale sera au rendez-vous.
C'est pas beau, ça?
Vous savez quoi? Je ressens tout de même un bout de fierté quand je vois le nom de Bombardier quelque part. Mais je me dis que la fierté, c'est comme la confiance : quand on en abuse, on risque de la détruire.
Ah! J'oubliais. On m'a rappelé, cette semaine, que la justice sociale est un concept de perdants. La réussite et la performance sont les valeurs les plus nobles. Oubliez la solidarité, l'équité et le respect d'autrui. C'est pour les faibles. Si, chacun pour soi, on arrivait à performer plus, on n'aurait plus à se soucier de la collectivité. Simplement parce que chacun serait correct. Et chacun, c'est tout le monde. On nait égaux, non? Bon. Le reste est du pelletage de nuages.
Et oui, je sais, il ne sert à rien de m'emporter. Mon médecin me le déconseillerait. Si je pouvais le voir...
Allez, allons au front, ceint de nos fleurons. Et tout ira bien.
Clin d'oeil de la semaine
Et pis de pelleter des nuages, pour que le soleil brille enfin. (Alexandre Poulin)