Dans le grand concert de l'amertume de la défaite du Parti québécois aux élections québécoises de la semaine dernière, de multiples explications sont avancées pour expliquer la défaite du gouvernement de Pauline Marois.
Parmi les arguments les plus détestables que l'on peut entendre ou lire sur les réseaux sociaux de la part des déçus, il y a cette idée que le peuple a fait un mauvais choix, qu'il a eu tort de reporter au pouvoir des représentants moins compétents et surtout, ces libéraux corrompus. Autopsie d'une rhétorique fallacieuse.
Le client a toujours raison
Je suis dans les affaires depuis longtemps. Il y a longtemps que j'ai appris que le client a toujours raison. Même dans le cas où l'on doive faire face à un client plus difficile, il faut se rappeler que c'est lui qui a un besoin et que c'est lui que nous devons servir. Combien de fois ai-je dû rappeler tout au long de ma carrière professionnelle à un membre ou un autre de mon équipe qu'il ne faut jamais blâmer le client, mais qu'il faut s'efforcer de le servir au meilleur de nos capacités et de nos connaissances.
Lorsque j'entends des gens déçus critiquer le choix des électeurs et prétendre que ceux-ci ont fait un mauvais choix, je ne peux m'empêcher de trouver que c'est là une bien curieuse position puisque le blâme porte sur le client, l'électeur plutôt que sur le service, l'offre politique. Cela m'apparaît comme une bien mauvaise façon de chercher à améliorer son offre et la qualité de ses services que celle de critiquer le client plutôt que de se remettre en question. C'est comme si en tant que propriétaire d'une entreprise, je blâmais celles et ceux qui ne font pas appel à mes services pour expliquer mes insuccès.
Les méchants médias
On entend aussi chez les déçus l'argument tout aussi fallacieux que c'est la faute des médias. On peut pointer ici et là des faits ou des événements, mais il est évident que les médias ont fait leur travail comme ils le font toujours. On peut évoquer Ici Radio-Canada avec les révélations du journaliste Alain Gravel sur le paradis fiscal de Philippe Couillard et les collectes de fonds de Claude Blanchet auprès des firmes d'ingénieurs. On pourrait aussi parler de la couverture assez surréaliste de Québécor et TVA sur le dernier sondage de Léger prédisant une lutte serrée à trois de tous les instants.
On conviendra avec moi que chaque formation politique, chaque candidat, peut trouver des arguments démontrant le parti-pris d'un média ou un autre. Sans compter sur la surreprésentation des partisans de la souveraineté sur les réseaux sociaux qui font l'objet de reportages dans les médias traditionnels donnant ainsi la fausse perception que cette option est plus largement partagée qu'elle ne l'est en réalité.
Une chose demeure incontestable, c'est que les médias sont toujours à la course d'un lectorat ou d'un auditoire. Cette course effrénée aux revenus publicitaires se fait grâce aux outils à leur disposition soit les nouvelles dans les réseaux continus, la diffusion de contenu sur des plateformes multiples et la recherche de l'inédit pour séduire le public. J'ai déjà analysé ce phénomène que j'avais qualifié l'ère de la spectacularisation des médias dans une chronique précédente. Je n'y reviendrai donc pas, mais qu'il me suffise de dire que je suis convaincu que les médias ont joué leur rôle dans cette campagne et qu'ils n'ont pas favorisé un parti ou un autre, mais ils ont joué à fond le spectaculaire. On peut le déplorer, espérer mieux, mais c'est désormais notre réalité.
Le mode de scrutin
L'autre coupable identifié c'est le mode de scrutin. Le mode de scrutin uninominal à un tour qui est le nôtre favorise généralement le parti qui récolte le plus de votes en lui donnant une prime lui permettant des balayages. Il y a longtemps au Québec, depuis 1976 de façon intensive, que l'on discute de réformer notre mode de scrutin. S'il est vrai que celui-ci a des travers qu'il faudrait corriger, il n'est pas moins vrai cependant que nous devons être prudents et que réformer le mode de scrutin ne doit pas mener le Québec à des gouvernements minoritaires à perpétuité. Cela aurait pour effet de miner le débat démocratique et même à l'exacerber. C'est pourquoi il faut réformer le mode de scrutin, mais de façon à favoriser le plus souvent l'élection de majorité claire à l'Assemblée nationale. Chose certaine, il faut une représentation plus juste de toutes les tendances, mais pas au prix de la paralysie de nos gouvernements. Une certitude s'impose, le PQ et le PLQ ont eu de multiples occasions de proposer des réformes du mode de scrutin et jamais ils ne les ont pas saisies. Quel aurait été le résultat de l'élection si le gouvernement Marois par exemple avait été battu en chambre sur une proposition de réforme du mode de scrutin? Il est clair que la situation aurait été fort différente.
Fini l'astuce du bon gouvernement
Prosaïquement, nous pouvons affirmer que le Parti québécois a connu la défaite parce que son offre politique ne convenait pas aux électeurs. Plutôt que blâmer les clients que sont les électeurs, le Parti québécois devrait plutôt remettre en question son offre politique. Manifestement, ce parti devrait choisir entre gérer l'intendance ou faire du Québec un pays. Pendant longtemps, il a été possible de jouer sur les deux tableaux dans le cadre de l'offre d'un bon gouvernement souverainiste qui ferait un référendum lorsque les conditions gagnantes seront présentes ou quand la population sera prête. Il semble clair que cette époque est aujourd'hui révolue. Il est temps que les membres du Parti québécois se livrent à une véritable autopsie de leur défaite...