Notre monde est fait de matière.
De la matière à comprendre. À prendre. Apprendre.
Apprendre, c'est mettre à l'avant-plan la matière grise. Celle qui contient le gros bon sens quand l'expression devient populaire.
Apprendre, c'est avoir l'humilité de ne pas considérer qu'on sait tout. C'est ajouter de la profondeur à la pensée. C'est développer un esprit critique. Pas critique dans le sens de chiâleux, critique dans le sens qu'on ne gobe pas automatiquement tout ce qui est dit sans se demander si au moins c'est fondé sur quelque chose de défendable. Ou encore, critique dans le sens de prendre en compte et prévoir, dans la mesure du possible, les conséquences qu'auront, demain, les gestes qu'on pose aujourd'hui.
Apprendre, c'est se donner la possibilité de prendre un peu de recul et de réfléchir à une situation plutôt que de laisser l'émotion du moment dicter sa route.
Je réfère souvent à un exemple qui a été déterminant dans ma compréhension de la notion de conséquence dans les gestes qu'on pose.
Il y a plusieurs années le gouvernement avait trouvé une manière irrésistible et incontestable d'aller chercher de nouveaux fonds pour financer l'appareil public. Il allait augmenter de manière majeure la taxe sur les cigarettes. Qui peut être contre cela? Le fumeur est reconnu comme étant à haut risque dans une longue et triste liste de maladies. Et comme le fumeur n'a plus la cote, l'équation fonctionne : on impose une taxe majeure qui devient un modérateur de consommation (l'argent parle, non?) et, en plus, les fumeurs ne peuvent pas se plaindre, ils n'ont pas la cote. « Qu'ils arrêtent de fumer, c'est tout! »
Vous voyez, dans cet exemple, on fait de la petite politique. Celle qui arrive avec quelques idées préconçues qui recevront l'aval des électeurs qui, eux, sont occupés à courir leur vie et ne cherchent pas trop à analyser les conséquences. « Après tout, diront ceux-ci, les politiciens sont payés pour analyser pour nous, non? »
Ce qui est arrivé ensuite ne ressemble pourtant pas au scénario original.
En fait, on a sous-estimé la capacité de réaction des commettants. En moins de temps qu'il en faut pour le dire, le réseau du marché noir s'était organisé. Du coup, le gouvernement laissait filer une manne, s'éloignant de la transaction au point de ne plus pouvoir inhaler les millions de dollars prévus en taxes nouvelles. En même temps, et comme les cigarettes de contrebande échappent aux contrôles de qualité, le gouvernement, à son tour, échappait les leviers lui permettant de s'assurer de la qualité minimale des produits offerts.
L'exemple est terre à terre. Mais il peut s'appliquer au réseau des garderies qu'on déstabilise. En plus, on le fait « à crédit », c'est-à-dire que les familles paieront plus tard, sur leur déclaration d'impôts, pour un service reçu aujourd'hui.
On sous-estime la capacité des parents à se trouver des moyens plus ou moins légitimes de s'arranger autrement.
Même chose pour les coupures en santé. Et toutes les autres. Toutes, celles, et elles sont légion, qui ont été annoncées dernièrement.
Apprendre, disais-je, c'est se donner une chance d'agir en citoyen responsable.
Et le citoyen en moi s'inquiète. Ce n'est pas une question de bannière politique. C'est une question de compréhension : il m'apparaît clair que le gouvernement, sous le prétexte d'atteindre, tout de suite, le déficit zéro, est en train de briser les fondations d'une sociale démocratie qu'on a mis des années à construire.
Le tout, sans se soucier d'annoncer ses couleurs à l'avance et de susciter un débat.
Le citoyen en moi se rappelle très bien que M. Couillard a répété qu'il fallait briser le cynisme que les électeurs ont pour la classe politique. Si ces agissements déterminent sa façon d'y arriver, on vit, lui et moi, dans des mondes parallèles.
À la case départ, ne coupons pas dans le programme scolaire dans lequel sont inscrites des matières comme l'histoire, la philo, la géographie et autres.
Notre monde est fait de matière. Apprendre, par le biais de différentes matières, contribue à façonner des citoyens responsables qui éliront, un jour, des gens qui mettront de l'avant le principe de la responsabilité sociale.
Clin d'œil de la semaine
Mise en garde électorale obligatoire dorénavant : « Attention, les paroles des politiciens sont constituées de fumée. Éviter d'inhaler. »