L'amitié et la Terre. Voilà bien deux concepts vieux comme le
monde, mais qui n'ont jamais été autant nommés que maintenant.
L'amitié. Ce lien particulier entre deux personnes. Un lien
qui va au-delà des (et du) sexes, des générations, des couleurs, etc. L'amitié,
telle que je la vois, transcende les différences, les humeurs, le temps, la
distance. Je pense à cette sensation étrangement agréable que de revoir un ami
après une longue période et d'avoir cette impression qu'on reprend exactement
là où on avait laissé la dernière fois. Et ce, même s'il s'est passé une très
longue période dans l'espace-temps.
Aujourd'hui, l'amitié prétend se vivre, tête baissée, yeux
rivés sur un écran à haute définition. On est « amis Facebook »,
c'est hot, non? Oui. Et c'est pratique. Et utile. Et parfois même, aidant. Mais
si on avait juste pu trouver un autre mot qu'« ami », ça, ça aurait
été hot!
Le fait est que l'amitié vit sa plus haute définition au
moment du contact humain, vrai et attentif entre deux personnes. L'amitié, en
2015, survit à travers de tous ces artifices technologiques. Mais elle ne
survivra, comme c'est le cas pour tout être vivant, que si elle est nourrie.
La Terre, c'est pareil et différent en même temps.
Ce n'est que récemment (disons une centaine d'années) que
nous avons commencé à parler de la fragilité de la Terre comme habitat de
l'humain. Que certains (et nous sommes de plus en plus nombreux) ont commencé à
lever la main pour dire : « attention à l'évolution qu'on glorifie en tous
points, on est en train d'abuser des ressources de la planète bleue ».
Comme l'amitié, la Terre cherche une façon de se redonner
une valeur auprès de la majorité. Et des dirigeants. Ceux-là mêmes qui, à mon
plus grand désarroi, nient les changements climatiques accélérés et continuent
de plaider pour un développement soutenu et borgne, prétextant que la ressource
n'est là que pour être exploitée. Ils gouvernent la tête bien enfouie dans le
sable bitumineux qu'ils appellent l'or noir.
En 2015, l'amitié et la Terre se cherchent des appuis.
Cherchent des manifestations de gros bon sens à gauche et à droite.
C'est André Nault, il y a plus de 15 ans, qui m'a fait
prendre conscience de l'importance des enjeux. André ne parlait pas comme un
prophète ou comme un possesseur de vérité. Vraiment pas. Il prêchait par
l'exemple. L'exemple de celui qui pose des gestes autant qu'il pose des
questions.
Au fil de nos discussions, j'ai appris à un peu mieux
connaître le bonhomme. Comme c'est le cas pour tous ceux qui prennent la parole
ou qui innovent par des gestes un peu hors normes (je pense au Marché de
solidarité, entre autres), André a été critiqué, certains voyant en lui un
idéaliste irrévérencieux. L'irrévérence, cela dit, n'est pas totalement mauvaise
si elle est opposée aux révérences qu'on nous demande de faire devant des gens
et des situations qui ne le méritent pas.
Le André que j'ai connu n'était pas un « pelleteux »
de nuages. C'était un homme qui avait déjà nagé dans l'océan de la performance
et des sous qu'il fallait faire entrer en grand nombre pour bien définir sa
réussite. Il a un jour réalisé que l'équité et la solidarité étaient nécessaires
pour la cohabitation sur Terre. Et que la performance telle qu'on la glorifie,
ne fait qu'user son homme, ne lui laissant pas le temps pour les petits
bonheurs. Et, par-dessus tout ça, la performance a pour effet de concentrer de
façon malsaine des ressources sur un groupe de personnes alors que ces
ressources devraient, en toute amitié pour la Terre, appartenir à tout le
monde.
André, moi, il m'épatait. Comme m'épatent tous ceux qui
posent des gestes qui font une différence. Mais André savait que sans l'appui
de ses pairs, chaque geste était un coup d'épée dans une eau de plus en plus
brouille. J'ai compris l'importance de la souveraineté alimentaire. De l'achat
local. Du respect de notre environnement. J'ai compris que les ressources qui
nous sont vitales ne sont pas renouvelables.
Aujourd'hui, je comprends que l'amitié a besoin d'être
nourrie. Et que la Terre ne nous nourrira que si nous sommes ami avec.
Merci de l'enseignement, André. Merci beaucoup.
Clin d'œil de la semaine
La question de l'environnement est grande. Mais la réponse
commence par deux mots : ici, maintenant.
Note : André Nault est décédé en avril 2015.