En ces temps d'inflation, l'argent, celui que l'on a ou
celui que l'on a plus, est au cœur de bien des conversations. Il ne faut donc
pas s'étonner du nombre d'écrits et de commentaires en marge de la promesse de
la baisse d'impôt par le gouvernement Legault. Baisse d'impôt qui sera annoncée
selon toute vraisemblance par le ministre des Finances, Éric Girard, lors de
son discours du budget prévu pour le 21 mars prochain. Une belle occasion
pour réfléchir à la question de la fiscalité en matière de taxes et d'impôts.
Quelques réflexions autour de la taxation de nos gouvernements.
Le
Québec, la province la plus taxée
L'une des vérités partagées par presque tout le monde c'est
que le Québec est la juridiction dans laquelle les contribuables paient le plus
de taxes et d'impôt en Amérique du Nord. Cela est à la fois vrai et faux. Il
est vrai que nous versons à nos gouvernements une part appréciable de notre rémunération
à chaque déclaration de revenus. Encore faut-il mettre cela en perspective. Au
Québec, nous avons la fiscalité la plus égalitaire au Canada. La proportion de
riches, ─
qu'est-ce qu'un riche en fait ? ─, est moins élevée chez nous qu'aux
États-Unis par exemple. Au Québec, près de 40 % des contribuables ne
paient aucun impôt. Cela est un fait qui se fonde sur les choix qui ont été
faits et que l'on résume sous le vocable de modèle québécois. Nous avons fait
le choix de vivre dans une société plus égalitaire où de nombreux services sont
offerts gratuitement à toutes les citoyennes et à tous citoyens. Que l'on songe
à notre système de santé, à l'assurance médicaments, à la question du no-fault
en matière d'assurance automobile, aux lois sur les accidents de travail, aux
congés parentaux, à l'assurance médicaments et tutti quanti. En contrepartie de
ce panier de services, un filet social presque aussi important que ce que l'on
peut retrouver dans les régimes sociaux-démocrates de l'Europe du Nord, nous
payons des impôts élevés. C'est ainsi que se vit la justice sociale au Québec.
Or, nous vivons à une époque où les choix d'hier sont souvent remis en question
par les nouvelles générations. C'est normal que chaque nouvelle génération
fasse le débat sur ce que nous coûtent les services que nous offre notre État.
La promesse de la CAQ de réduire les impôts fait donc l'objet de débat.
Baisser
ou non les impôts
La baisse d'impôt promise par la Coalition avenir Québec
lors de la dernière campagne électorale fait l'objet de débat. De nombreuses
voix s'élèvent pour s'insurger contre cette éventuelle baisse des impôts. On
rappelle, comme je viens de la faire, que les impôts élevés au Québec sont le
résultat d'un choix, de notre conception collective de la justice sociale. Par
ailleurs, on s'interroge sur l'opportunité d'une baisse des impôts alors que
nos programmes de santé, de services sociaux et d'éducation ont besoin de
réinvestissement majeur étant donné l'état de délabrement de nos grands
ministères.
Poser la question ainsi c'est faire l'impasse sur le fait
que depuis de nombreuses années, nous ne cessons de réinvestir dans nos
systèmes d'éducation et de santé et la qualité des services offerts ne cesse de
se détériorer. Pourquoi sommes-nous incapables de redonner du lustre à nos
programmes de santé, d'éducation et de services sociaux malgré nos investissements
importants ? Probablement que la raison de cet échec relatif est que tout ne
s'achète pas et que ce n'est pas une simple question d'argent. Par exemple, le
changement de culture que nous vivons par rapport au travail fait partie de
l'équation. Aujourd'hui, beaucoup de personnes ne veulent plus consacrer
l'essentiel de leur vie au travail. Ils valorisent un équilibre entre leur vie
professionnelle et leur vie personnelle. Ce fait tout simple explique entre
autres pourquoi de nombreux professionnels de la santé ne veulent pas
travailler les soirs et les fins de semaine, que des médecins travaillent à
temps partiel, etc.
Par ailleurs, le panier des services offerts organisé
souvent sur une base de sept jours 24 heures sur 24 ne répond peut-être
plus à notre époque. Bien sûr, les patients dans les hôpitaux ne cesseront pas
d'être malades le soir et les fins de semaine, les accidents d'auto ou d'autres
événements ne peuvent s'insérer dans un horaire équilibré entre vie
professionnelle et vie personnelle. Néanmoins, il faut repenser l'organisation
du travail. Cela est aussi important selon moi que l'argent que l'on pourra
réinvestir dans le système de santé par exemple.
Dans ce contexte, je crois que baisser les impôts est un bon
moyen pour nous discipliner collectivement et pour nous rappeler que ce n'est
pas que l'argent qui fera le bonheur de nos systèmes de santé et d'éducation.
Les
autres taxes
Au-delà des taxes et des impôts que nous réclament nos
gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, il y a aussi la taxation
municipale de nos propriétés. Cela fait aussi couler beaucoup d'encre à chaque
début d'année. Cette année, les municipalités ont décrété des hausses
significatives des taxes foncières. À Sherbrooke, nous avons eu droit à 3 %.
Ce qui est fort raisonnable dans le contexte d'inflation que connaissent les
villes. Il demeure cependant que le gouvernement du Québec devrait revoir la
fiscalité municipale afin de donner plus d'autonomie à nos élus municipaux et ainsi
mettre fin à ce paradigme où les villes doivent constamment quémander de
nouvelles ressources financières au ministre des Affaires municipales Québec
pour de nombreux projets d'investissements et d'infrastructures. Un bon début
pourrait commencer par le fait que les gouvernements du Québec et du Canada
paient des taxes aux municipalités comme tout le monde. Il n'y a aucune raison
qui justifie que les gouvernements supérieurs soient exemptés de payer leurs impôts
fonciers aux municipalités et aux villes dans lesquelles ils ont des
installations, des propriétés ou des activités. Ce qui est vrai pour les
gouvernements est aussi vrai pour les Églises ou autres œuvres philanthropiques
qui sont exemptées de taxes. Cela créé de drôles de situations comme celle que
nous avons vécue à Sherbrooke où la Ville doit payer le fort prix pour acquérir
une église dans un marché concurrentiel alors que le vendeur, l'Église, n'a pas
payé de taxes foncières par le passé. Il faudrait au moins que l'Église paie un
montant forfaitaire à la vente de ses biens. Sans quoi, nous nous retrouvons à
financer les fonds de pension des membres des communautés religieuses, même si
nous ne partageons pas les croyances de cette organisation. Quelques exemples
qui indiquent qu'il est important de faire un débat sur la fiscalité qui ne
concerne pas que les taxes et les impôts payés à nos gouvernements, mais qui
prennent en compte l'ensemble des éléments en cause dans une vision 360 degrés.
Payer
notre juste part
Vivre en société signifie beaucoup de choses dans la vie
d'un individu. Cela veut dire entre autres payer sa juste part. Cette part au
Québec tient compte des inégalités et cherche avec un modèle bien à nous à
traduire notre volonté de vivre dans une société plus juste. Cependant, des
débats méritent d'être faits sur les fondements de cette société juste et une
campagne électorale est rarement un bon moment pour mener de tels débats. Il
est clair que des débats il y en aura, des désaccords aussi, mais peut-il en
être autrement lorsque l'on veut discuter de nos revenus et de notre capacité
d'avoir une vie bonne ? Ce n'est pas simple, mais débattre est la meilleure
voie pour se sortir de la traditionnelle rengaine Ah les taxes et les impôts...