Dans 4 jours, le Québec ira aux urnes. Dans 1108 municipalités
et villes du Québec, la population se choisira des élus afin de gérer leurs
affaires qui relèvent de la responsabilité municipale. Si nous sommes
généralement bien informés de ce qui se passe dans les grandes villes plus
populeuses, souventes fois nous ignorons les enjeux qui se posent à de
nombreuses municipalités au Québec. L'année 2021 ne fait pas exception à
la règle. Néanmoins, on peut constater de nombreux changements. D'abord, les
femmes sont de plus en plus nombreuses à se présenter non seulement comme
conseillère municipale, mais au poste de maire. Cela est particulièrement
visible dans les grandes villes comme Gatineau, Saguenay, Longueuil,
Sherbrooke, Montréal, Laval et Québec. Puis, c'est connu, le taux de
participation des électeurs serait autour de 50 % ou moins dans la plupart
des municipalités et des villes. Il y a encore beaucoup à faire pour intéresser
les citoyennes et les citoyens du Québec aux élections municipales. Enfin,
l'autre révélation de ce rendez-vous électoral c'est l'émergence de la question
des changements climatiques, comme enjeu dans ces élections. Réflexions libres
sur le monde municipal en campagne.
Des courses serrées à prévoir
Dans plusieurs villes du Québec, il y aura un renouvellement
au poste de maire. Cela sera le cas à Gatineau, à Laval, à Québec et à
Longueuil. Ailleurs, les courses s'annoncent serrées comme à Montréal où
Valérie Plante et Denis Coderre sont nez à nez dans les sondages de même qu'à
Sherbrooke où le maire sortant Steve Lussier est, selon un sondage publié il y
a quelques semaines, troisième derrière Luc Fortin et Évelyne Beaudin qui se
présente à la tête d'une formation politique Sherbrooke citoyen. À Québec, le nouveau
venu Bruno Marchand fait une remontée importante dans les derniers sondages
pour caracoler à 22 % avec le représentant de l'opposition Jean-François
Gosselin. La dauphine de Régis Labeaume mène toujours avec 31 % des
intentions de vote. Bref, un peu partout au Québec dans les grandes villes, les
courses sont, ou serrées ou à l'avantage des nouveaux venus qui sont souvent
des femmes. C'est dire qu'il y a un vent de changement qui souffle sur les
villes et les municipalités du Québec et que ce changement prend souvent le
visage d'une femme. C'est rassurant pour l'avenir de prendre acte du
renouvellement de la classe politique municipale au Québec et d'y voir en plus
grand nombre des femmes et des représentants de la diversité.
Sherbrooke, la ville de toutes les
surprises
Les Sherbrookoises et les Sherbrookois feront aussi entendre
leur voix quant au choix de leur prochain conseil municipal le 7 novembre
prochain. J'ai trop de considération à votre égard pour vous dire comment
exercer votre droit de vote. Je préfère vous livrer quelques observations sur
la campagne électorale à Sherbrooke et vous laisser libre de juger ce que vous
en pensez. Vous ne retrouverez donc pas dans cette chronique le dévoilement de
mes propres choix électoraux dans mon quartier et à la mairie. D'ailleurs, je
me suis prévalu de mon droit de vote par anticipation dimanche dernier. Une chose
est certaine, on peut s'attendre à tout à Sherbrooke. Depuis l'élection de
députés du Nouveau parti démocratique au palier fédéral, d'une députée issue de
Québec solidaire et de la victoire surprise en 2017 d'un maire jusque-là
inconnu de tous qui est venu infliger la défaite au maire sortant Bernard
Sévigny alors président de l'Union des municipalités du Québec (UMQ). Tout est
possible à Sherbrooke et je crois que nous ne sommes pas à l'abri de nouvelles
surprises.
Branle-bas de campagne
Il faut dire que la campagne électorale qui s'achève à
Sherbrooke a donné lieu à de nombreux rebondissements. Le retrait du candidat
Vincent Boutin qui était un candidat de choix, l'arrivée de l'ancien
député-ministre Luc Fortin pour assurer une troisième voie entre Steve Lussier
et Évelyne Beaudin furent à mes yeux les éléments les plus marquants de cette
campagne. Indéniablement, la palme de la meilleure campagne revient à
Sherbrooke citoyen et à sa cheffe Évelyne Beaudin. Luc Fortin a mené une
campagne terrain et il a su faire preuve de sa capacité de rassembler, mais il
n'a pas impressionné par sa connaissance des dossiers municipaux et de ses
engagements électoraux. Le maire sortant, Steve Lussier, a pris beaucoup de
temps à se manifester et à lancer sa campagne. Néanmoins, à ma grande surprise, le
maire sortant Steve Lussier est le candidat le plus amélioré de la campagne
électorale qui s'achève. Entre aujourd'hui et sa campagne de 2017, c'est le jour
et la nuit.
Évelyne Beaudin, de Sherbrooke citoyen, a mené pour son parti
une excellente campagne qu'elle a alimentée avec plusieurs idées et projets
liés à ses diverses prises de position tout au long du dernier mandat. Enfin,
Luc Fortin, nouveau venu dans cette campagne qui a agi en quelque sorte comme
frappeur de relève du candidat et conseiller municipal Vincent Boutin, a lui
aussi connu une bonne campagne en faisant appel à son expérience politique et
le maire sortant Steve Lussier a été égal à lui-même en faisant preuve de peu
de vision et de peu leadership si ce n'est de se coller aux réalisations du dernier
conseil municipal.
La question de l'urne de dimanche prochain est loin d'être
limpide. Il faut dire qu'au cours du dernier mandat du conseil municipal,
marqué par de stériles querelles sur des sujets souvent oiseux, le monde
municipal n'a pas été réinventé. Le manque de leadership était flagrant dans
plusieurs dossiers. Souvent, les citoyennes et les citoyens avaient
l'impression que la Ville de Sherbrooke était laissée sans timonier et que ce
sont les membres de la fonction publique sherbrookoise qui dictaient le
programme politique. L'un des enjeux de cette campagne devrait à mon sens
reposer sur ce pilier : donner du leadership et une vision claire de
l'avenir à notre ville. C'est à mon avis le principal enjeu de cette
campagne : le leadership et une vision claire pour l'avenir.
Votre choix du
7 novembre
À la mairie à Sherbrooke quatre choix s'offrent aux électeurs
soit Évelyne Beaudin, Luc Fortin, Steve Lussier et Patrick Tétreault. Ce
dernier a fait une campagne très discrète et il n'a même pas participé à tous
les débats pour des raisons sanitaires. D'entrée de jeu, on peut donc
l'éliminer parmi les choix crédibles. Il reste donc deux candidats et une candidate.
Steve Lussier, le maire sortant, même s'il s'est amélioré un peu durant cette
dernière campagne, est à mon sens un choix qui restera marqué par sa
méconnaissance de la scène municipale et par son manque de leadership. Si bien
qu'à mes yeux, la course est une vraie course à deux entre Évelyne Beaudin et
Luc Fortin.
J'ai beaucoup d'estime pour Évelyne
Beaudin. Jeune femme dynamique qui connait ses dossiers, madame Beaudin est une
première de classe. Son parti, Sherbrooke citoyen et elle, ont mené la
meilleure campagne électorale. Les thèmes chers à ce parti et à Évelyne Beaudin
ont été mis à contribution. La transparence, la protection de l'environnement,
la place des vélos, l'économie circulaire, la volonté de mettre au pas les
promoteurs immobiliers, une gouvernance plus efficace, des finances plus
transparentes, une décentralisation accrue vers les arrondissements, l'idée de
faire revivre les arrondissements abolis par la réforme Paquin, une gestion
plus serrée des dépenses, des augmentations de taxes plus prévisibles et une
plus grande participation citoyenne sont au cœur du projet politique de madame
Beaudin et de Sherbrooke citoyen.
Si en ce qui a trait au contenu et à la présence, la campagne
électorale de Sherbrooke citoyen et de la candidate à la mairie Évelyne Beaudin
a été un excellent parcours, on peut néanmoins s'inquiéter de certains
silences. Ainsi, sur le plan du développement économique surtout en matière
industrielle et d'exportation, Sherbrooke citoyen et sa candidate n'ont pas
énoncé clairement leur vision. Le développement économique ne se résume pas au
développement immobilier d'une ville ni au commerce local. L'absence d'une
vision claire quant au développement de l'industrie manufacturière est à mon
sens un silence lourd qui a de quoi rendre dubitatif tout électeur. Quant au
leadership, madame Beaudin a encore aujourd'hui à faire la preuve qu'elle est
capable de travailler en équipe avec des gens qui ne partagent pas ses points
de vue. Diriger une équipe qui a les mêmes opinions n'est pas la même chose que
de gérer un groupe de gens avec des visions et des valeurs différentes. Cela
demande un doigté particulier. Si jamais madame Beaudin remporte la confiance
des gens de Sherbrooke, elle devra faire ses preuves en cette matière. Je crois
cependant qu'Évelyne Beaudin fera la preuve, le cas échéant, qu'elle est
capable d'adaptation. L'histoire qui reste à être écrite nous le dira.
Luc Fortin est arrivé comme un cheveu
dans la soupe dans cette campagne. Il a remplacé au pied levé le candidat
Vincent Boutin. Politicien d'expérience, Luc Fortin a un certain charisme et le
milieu sherbrookois avait plutôt une bonne opinion de lui lorsqu'il était
député libéral de Sherbrooke et ministre dans le cabinet de Philippe Couillard.
Par ailleurs, l'équipe de campagne de Vincent Boutin s'est jointe à Luc Fortin,
tant et si bien que l'on peut penser que la campagne menée par Luc Fortin
ressemble à celle qu'aurait menée Vincent Boutin s'il était demeuré dans la
course.
Luc Fortin a mené une bonne campagne et
il s'est fort bien défendu dans les débats pour quelqu'un qui était moins
familier que certains de ses opposants avec les rouages de la politique
municipale. Il n'a pas été trop atteint par ses allégeances libérales et son
bilan comme ministre de la Famille, même si le débat fait rage en ce moment
dans l'actualité dans le sillage des négociations entre le gouvernement et le
syndicat des travailleuses en petite enfance. De manière générale, Luc Fortin a
mené une bonne campagne, mais qui manquait parfois de contenu et de vision si
l'on compare à celle de Sherbrooke citoyen. Néanmoins, on ne peut lui en tenir
rigueur, car il a énoncé des engagements clairs pour le développement
économique de Sherbrooke, le marché d'exportation et le rayonnement de
Sherbrooke comme troisième pôle urbain au Québec. Il s'est aussi commis sur des
questions comme les maisons intergénérationnelles, les taxes et de nombreux
autres sujets qui sont plus des engagements nichés que d'une vision globale du
développement de Sherbrooke pour l'avenir. Luc Fortin a une capacité de
rassembler les gens autour de ses objectifs. Luc Fortin a aussi un sens de la
famille et sait comment parler à cette clientèle électorale importante surtout
dans les arrondissements de Fleurimont et de Rock Forest─Saint-Élie─Deauville. En
ce sens, il sera au cœur de la lutte jusqu'à la fin. Il était en avance dans
les sondages et c'est la capacité de son organisation à bien identifier ses
électeurs et à faire sortir le vote qui fera la différence. Luc Fortin pourrait
remporter l'élection le 7 novembre même si sa principale adversaire, Évelyne
Beaudin, a gagné la campagne électorale. Une situation similaire à celle qui
avait opposé Paul Gervais et Jean-Yves Laflamme à la mairie de Sherbrooke en 1990.
Votre choix...
Dimanche prochain, ce sera à chacun de vous de
faire votre choix. Croyez-vous à un leadership de type rassembleur comme celui
que Luc Fortin semble nous proposer ou à un leadership de contenu et de vision
comme celui que propose Évelyne Beaudin et son équipe de Sherbrooke citoyen ?
Peut-être voulez-vous accorder une seconde chance en accordant votre confiance
à nouveau au maire sortant, Steve Lussier, pour sa bonhommie légendaire et à
son sourire contagieux ? Moi, mon avis c'est que la course se jouera entre Évelyne
Beaudin et Luc Fortin. Je prévois que nous allons veiller tard dimanche soir,
car le résultat risque d'être aussi serré que celui de la campagne de 2009
mettant aux prises alors Bernard Sévigny et Hélène Gravel. Quelle sera l'ampleur
à Sherbrooke du vent de changement qui souffle sur les municipalités et villes
du Québec ? À vous de le décider...