Une
mesure historique dans l'histoire récente du Québec. Nous voilà soumis à un
couvre-feu. C'est une atteinte directe aux libertés individuelles. Vrai. Mais...
« Y
a pas de mais, c'est une des plus graves atteintes jamais vues! », clame
un quarantenaire qui m'avait dit la même chose lors de la mise en application
du règlement obligeant le port du masque dans les lieux publics.
« Tu
vois pas l'escalade dans l'amputation de nos libertés individuelles? T'es
aveugle ou quoi? »
Je ne
suis pas aveugle. Je suis donc « ou quoi », j'imagine.
« De
toute façon, si toi, t'aimes ça vivre dans un état policier où on n'a plus
aucun droit, ça te regarde. Moi, je me bats! »
Aux
grands mots...
Je ne me
réjouis pas de ce couvre-feu. Pas plus que des restrictions sanitaires. J'ai
aussi le goût de discuter certaines applications. C'est normal. Je veux être
proactif dans la vie de ma communauté, après tout.
Dans le
doute, avant de monter aux barricades et pour être proactif dans ma communauté,
justement, je ramène au centre de la table ce qui, dans ma compréhension des
choses, motive les normes : la multiplication des cas augmente
nécessairement les hospitalisations et l'utilisation des unités de soins
intensifs disponibles. Toujours dans ma compréhension, il faut ralentir le
nombre d'utilisateurs des soins hospitaliers jusqu'au moment où une immunité
collective minimale, conjuguée à une médication efficace, change les choses.
« Oui,
mais moi, là-dedans? »
Il y a
des moments où le « moi » s'efface un peu et laisse de la place au « nous ».
C'est un difficile, mais essentiel, équilibre à conserver.
Après
tout, la solidarité, ce n'est pas juste de déposer des denrées non périssables
lors d'une collecte annuelle!
« Pis
ça, ça justifie la mise en place d'un état policier? La vérité, c'est que ça
reviendra jamais comme avant! Ils ont pris le contrôle et toi, tu les encourages! »
Je n'en
peux plus de l'usage abusif des mots comme « état policier »,
« ostracisation », « totalitarisme » et autres pour décrire
ce qu'on vit présentement.
Dans un
état policier ou totalitaire, on ne laisse pas les gens chialer pendant des
mois. On leur impose le silence de façon brutale. Dans un état policier ou
totalitaire, il n'y aurait pas eu 1000 fois plus d'avertissements que de
constats d'infraction pour non-respect des règles en cours. Et il n'y aurait
pas tous ces recours de contestation qui sont mis à la disposition des gens qui
ont reçu un constat d'infraction.
Et
ostraciser un peuple, ce n'est pas lui demander poliment de se conformer à des
règles de distanciation susceptibles de donner un coup de main à la
collectivité.
Pis
notre société, on la veut comment, au fait?
Depuis
des années, nos gouvernements sont élus pour faire en sorte que l'économie
fonctionne, ce qui devrait ouvrir la porte à toutes les solutions, croit-on
"néo-libéralistement"...
On
constate que c'est épouvantable d'imposer autant de solitude pour les gens dans
les résidences de personnes âgées?
Avant de
tout mettre sur le dos des mesures sanitaires, il faudrait se mettre en tête
que la solitude chez les personnes plus âgées et chez toutes les personnes qui
peinent à performer assez pour conserver leur place au soleil était là avant
les mesures. On ne le voyait pas parce qu'on roulait trop vite, mais c'était
là!
Je vous
laisse sur deux images.
Quand
j'ai demandé aux gens des Petits frères des pauvres de Sherbrooke pourquoi ils
ont changé leur nom pour ne garder que « les Petits frères », la
réponse est venue instantanément : « parce que la solitude est plus
large que la pauvreté qui elle, est déjà trop largement répandue! ».
C'était
bien avant les normes sanitaires.
Finalement,
dernière image: qu'est-ce qui motive les partisans de Trump? Les libertés
individuelles à tout prix. Quand on bafoue la démocratie, qu'on encourage ses
ouailles à la violence, on met en terre la semence d'un état policier... au nom
des libertés individuelles! Quand la contradiction s'invite dans la joute!
Clin
d'œil de la semaine
Contradiction
vicieuse : une liberté personnelle qui exclut la notion de collectivité
exclut de facto la notion même de la liberté...