Trump a dit toutes les platitudes, les bêtises, les
malveillances, les méchancetés, les mensonges qu’il a pu au fil des années. Et
ne craignez rien, ce n’est pas fini! Le personnage qu’il a créé est plus grand
que lui-même. Un être médisant qui calcule son succès aux sous qu’il a et aux
conquêtes qu’il a faites. L’intérêt d’autrui compte pour très peu quand
l’objectif est l’accumulation de richesse. Disons que ce sont deux concepts
contradictoires.
Mais tout ce qu’il a dit et dira ne me dérange pas autant
qu’un élément qui revient, tenace, résolument moderne : le
« je ». Dans tous les débats, il disait encore et toujours :
« je ». Je vais faire ceci, je vais agir comme cela. Je me fous de
tous les autres (de mon propre parti comme de mes adversaires), je sais ce qui
est bon et je vais faire ce qu’il faut pour que le « je » que j’aime
tant fasse tout cela.
On ne construit pas un pays au « je ». C’est cette
arrogance qui m’agace. Cette façon de tout ramener à soi. Toujours.
Et c’est symptomatique de notre époque, j’en ai bien peur.
« I » phone, « I » pod… le « I » ou le « je »
est le centre de l’univers. Tous les outils qui servent aux médias sociaux sont
résolument tournés sur la personne qui l’utilise. C’est par les médias sociaux
qu’on évite le plus les contacts réels.
Dans son discours, la nuit suivant le jour fatidique où à
peine la moitié des Américains ont cru bon aller voter, il a parlé d’un
mouvement. Mais on comprend bien que le mouvement est en fait une parade de
gens qui suivent le grand Trump.
Non, on ne bâtit pas un pays au « je ».
Le premier mandat de René Lévesque, en 1976, a laissé des
réformes et lois qui fonctionnent toujours. L’assurance automobile obligatoire
(no fault system) qui a mis fin à des injustices alors qu’on devait, jusque-là,
poursuivre autrui pour obtenir réparation lors d’un accident. Mon grand-père
Bibeau a perdu sa fille de 2 ans dans un accident et il a perdu l’essentiel de
ses liquidités quand il a voulu poursuivre pour obtenir réparation. Les petits
gagnent moins souvent que les grands, en cour, encore maintenant. L’assurance
automobile a réglé cette situation. Dans ce même mandat, on a protégé les territoires
agricoles, inscrit une loi pour protéger le français et bien d’autres encore.
Au cœur de ce mandat, le bien commun primait. Lévesque a
travaillé au « nous ». L’espoir accompagnait les gestes. Les débats
étaient houleux, parfois, mais aucune de ces réformes n’a été défaite ensuite.
Parce que le rôle de l’état est de voir au bien commun et non d'assurer la
gloire et la puissance de la patrie.
Je pourrais remonter aux années 1960 avec les Libéraux de
Jean Lesage. Une révolution tranquille qui a pavé la voie à une société qui
misait subitement sur sa jeunesse et ses ressources. Le « nous »
régnait.
Le ministre Castonguay avait alors piloté un projet
rassembleur devant permettre à chaque citoyen de se faire soigner sans se
soucier de l’argent que les soins demandent. Une application du principe du
bien commun. Aujourd’hui, le ministre Barrette réforme le système tout seul,
prend lui-même chaque décision et joue de démagogie en affirmant, main sur le
cœur, que ses coupes budgétaires n’affectent en rien les soins des patients. Le
"je" est une notion tenace, visiblement.
On ne construit ni ne répare un pays au « je ».
Je regrette déjà Barack Obama. Pour sa classe, le respect
des gens et des institutions. Il a été systématiquement bloqué dans ses grands
projets par un Congrès majoritairement contre lui. Pourtant, il a maintenu le cap en essayant de
convaincre élus et citoyens de la nécessité de programmes et normes favorisant
le bien commun. En perdant, il a eu le réflexe honorable d’inviter les gens à bâtir
avec le nouveau président. Le nouveau président a dit « je serai le
président de tous les Américains ». J’en comprends :
« laissez-moi aller, retournez dans votre quotidien, mon oncle Donald
s’occupe de tout. » J’ai vu plus
rassembleur. Il croit à la liberté, celle que chacun défend avec une arme à feu
à la ceinture. S'il perdait, il contestait l'élection parce qu'elle est
truquée. Il a gagné, elle est donc correcte. Mais bon. Quand on possède la
vérité, pourquoi s’encombrer de démocratie?
Vous êtes un homme d’État, M. Obama. Ce que Trump ne sera
jamais. Vous allez me… nous manquer…
Clin d’œil de la semaine
Trump me rappelle Ti-Mil qui parle à son fils dans la célèbre
pièce Broue : « Moé, chus trop intelligent pour mes capacités! »