Je n'aime pas l'utilisation du mot tolérant. Il me semble toujours que celui qui dit tolérer est en situation de pouvoir sur le toléré. Mais bon. Je comprends que l'usage courant confond la tolérance avec « l'ouverture à la différence ».
La campagne électorale fédérale bat son plein. J'essaie de prêter l'oreille. De lire sur le sujet. J'essaie de me faire une idée.
C'est ça le plus difficile: se faire une idée. Se bâtir une opinion.
Les sources de communication sont plus nombreuses que jamais. La majorité des citoyens canadiens traînent un écran dans leur poche! Ils passent de plus en plus de temps en mode consultation de leur bidule électronique.
Si on part du concept que l'accès à l'information est tributaire de la saine démocratie ou, dit autrement, qu'un peuple informé est un peuple qui est difficile à manipuler, on ne peut que se réjouir que l'accès à l'information soit à ce point démocratisé.
Ouin, mais...
Il ne faut pas confondre information et communication.
On attribue à George Orwell, journaliste et écrivain décédé en 1950, la phrase suivante : « Faire du journalisme, c'est publier ce que quelqu'un d'autre ne voudrait pas qu'on publie. Tout le reste tient des relations publiques » (traduction libre de : « journalism is printing what someone else does not want published; everything else is public relations »
Nous sommes dans une ère de relations publiques. Une ère où les nouvelles fausses viennent orienter les débats. Le téléphone dit intelligent (ou tout autre bidule du genre) peut vous aider, via des algorithmes efficaces, à ne lire que les textes qui vous renforcent dans votre pensée.
Ça, ça fait du bien! Mais ça exclut l'esprit critique, les nuances et les éléments qui mènent à la prémisse de la première phrase de cette chronique, soit le principe de se faire une idée.
Une société tolérante
La tolérance, ce n'est pas un acquis. C'est évolutif. Ça bouge dans le temps. Ce n'est pas comme un diplôme qu'on reçoit et qui nous est acquis. C'est une notion qui exige un apprentissage continuel, une capacité de comprendre autrui. Une volonté de faire des rapprochements.
Mais si, par le biais des médias sociaux et des statuts et textes que je choisis de lire, on me répète que le Canada est, par définition, une société tolérante, l'équation se fait toute seule : les Canadiens sont tolérants; je suis Canadien: donc, je suis tolérant.
Si je tiens pour acquis que je suis tolérant et que je ne lis que des statuts et textes publiés par des gens qui pensent comme moi, il y a de bonnes chances, si je tombe un jour sur une personne qui pense différemment de moi, que je réagisse en disant : je suis tolérant, faque ta gueule!
L'image n'est pas trop forte, croyez-moi! Le raisonnement continue : « je suis tolérant, je ne suis pas raciste, mais là, y a des limites! Adapte-toi, fais comme on te dit, rallie-toi en tout et ça va bien aller! Tu entreras alors, toi aussi, dans la confrérie des Canadiens tolérants. Pas compliqué, ça, me semble! »
Pas simple, la tolérance.
Se dire tolérant, en prenant une bière avec des amis qui sont aussi blancs que nous et qui pensent comme nous, c'est facile! Côtoyer la différence, c'est autre chose!
S'isoler, dans un monde qui change de visage au gré des ans, c'est une belle façon de semer la haine en soi. La peur de l'autre et de son opinion est un engrais fameux pour que la semence pousse!
Clin d'œil de la semaine
Je me suis déguisé en tolérant. Je m'excuse auprès de tous les vrais tolérants...