Des fois, je me dis que je m'en fais trop.
Avec tous ces thérapeutes plus ou moins thérapeutiques qui prescrivent de profiter de notre chance, de ce qu'on a, de se centrer sur son "soi intérieur", d'écouter son corps, de faire plaisir à son esprit, je me dis que je devrais juste suivre la parade et me laisser bercer. Que ce serait plus simple. Moins demandant. Moins engageant.
Juste profiter du temps qui passe. Juste jouir de la richesse que la vie a mise sur ma route. Et là, n'allez pas croire que je sois indépendant de fortune. Nenon! Mais, si je me compare à bien des gens dans ce vaste monde, honnêtement, je suis privilégié. Après tout, je déambule dans des épiceries qui regorgent de produits venus de partout sur la planète. Le tout dans une atmosphère d'abondance incroyable. Et je ne peux plus tourner les « postes » de mon téléviseur sans croiser le regard d'un chef cuisinier qui me propose des recettes incroyables!
Vous voyez, il est là, le questionnement : pourquoi est-ce que je n'arrive pas à jouer le jeu des cuisiniers, tout simplement? Pourquoi faut-il toujours que ma raison me rappelle à l'ordre en me disant que c'est ridicule de voir des chefs rivaliser de vitesse pour jouer avec de la bouffe et satisfaire les conditions d'autres chefs qui les jugent? Pourquoi faut-il toujours que je fasse le parallèle entre ces abus de table successifs et la situation mondiale? Pourquoi ne pas juste jouer le jeu?
La vérité, c'est que je ne pourrais juste pas faire autrement. Je suis de même!
Remarquez, ma vie n'est pas poche! Loin de là!
Mais parfois, je me sens un peu "rejet" de ne pas suivre les tendances dictées par les courants de société.
J'ai de la misère à faire semblant qu'une télé-réalité en est vraiment une. De la misère (encore plus!) à trouver intéressant de voir évoluer (le mot est peut-être fort) des gens qui vivent des trucs devant moi, de me taper tous leurs gestes épiés et retransmis. J'ai de la misère à trouver ça intéressant parce que j'ai l'impression que ça me fait juste tourner en rond. Que ça ne m'avance à rien. Alors, je n'écoute pas de télé-réalités. Ce qui m'exclut de bien des conversations. Pas que ce soit grave, mais bon.
Je devrais peut-être consulter.
Ah, oui, juste pour être clair: je ne parle que de mon cas, ici. Je ne juge rien ni personne. Et je ne dis surtout pas que le fait de jouer le jeu rend systématiquement insensible à son entourage de vie. Je ne crois surtout pas être une meilleure personne parce que je ne joue pas toujours le jeu. Pas pantoute.
En fait, je réalise juste que je suis une sorte d'organique. Que j'ai souvent besoin d'un contact réel avec un artiste pour entrer dans son monde. Que je m'enrichis au contact d'un producteur dans un marché public. Je réalise que le virtuel (télé, ordi et autres) est une courroie qui doit me diriger vers quelque chose de réel, de vrai, de palpable. Je réalise que si le virtuel ne me fait pas bouger vers le réel, je deviens juste une personne dont la vie est virtuelle et qui se fait croire que c'est la vie...
À l'ère des communications instantanées, nous sommes inondés de messages du type : « Le cancer est une maladie qui touche plein de monde autour. Je suis de tout cœur avec celles et ceux qui sont aux prises avec la maladie! » Et ça continue en disant : « Clique j'aime si tu es d'accord! »
Et plusieurs cliquent « J'aime ». Peut-être en se disant que ça fait du bien. Ou en se disant « enfin, quelqu'un qui dit les vraies affaires! » Moi, c'est toujours pareil quand je lis ces trucs. Non seulement je ne clique pas « J'aime », mais j'ai le goût de crier : si tu es d'accord, lâche le mur virtuel, appelle un proche qui est malade, va le voir, implique-toi pour vrai auprès d'une personne ou auprès d'un organisme, rends-toi utile, sors de chez-vous, bénévole, bouge! »
Remarquez, tout n'étant pas inutile, ma réaction me sert de miroir et j'essaie de me rendre utile dans le monde réel. Comme quoi tout n'est jamais complètement mauvais.
Alors, si vous me voyez ne pas jouer le jeu, dites-vous que c'est ma façon de rester ouvert à la précarité de notre équilibre en société, à la menace réelle de nos abus en lien avec les ressources naturelles, à notre façon de vivre qui est résolument centrée sur soi au détriment des autres.
Chacun a sa manière de réagir.
Mais je continue de croire qu'il est incontournable et vital de réagir.
Clin d'œil de la semaine
Qu'est-ce que mon petit geste peut bien changer dans ce vaste monde? Si on est un milliard à se demander ça, ça peut changer quelque chose...