L'information rebondit sur les parois de nos appareils électroniques. Elle arrive de toutes parts. De toutes sources. Il faudrait souvent s'en méfier, mais l'information a un atout de taille dans son jeu : on n'a pas le temps.
Pas le temps de commencer à lire un exposé sur quelque chose. À peine le temps de lire deux phrases sous le titre d'une nouvelle publiée électroniquement ou de façon plus classique.
Pas le temps, donc, de se faire une opinion. Mais on en veut une quand même!
Il faut bien alimenter les conversations au bord de la cafetière du bureau. Il faut bien alimenter nos statuts Facebook. Il faut bien!
Alors, on accepte n'importe quoi, tout et son contraire. Pas grave.
Il s'en trouve toujours un ou deux pour croire une nouvelle publiée sur le Journal de Mourréal. Je ne badine pas : de Mourréal. C'est ainsi que s'appelle le site Internet qui diffuse des nouvelles absurdes, mais avec la forme graphique d'un journal sérieux. Hier, j'ai vu passer la nouvelle selon laquelle les Maple Leafs de Toronto proposent un jeu tellement soporifique qu'un arbitre s'est endormi sur la glace. Et il y a une photo. Un gros titre, une photo et « pas le temps », ça fait que quelqu'un, quelque part, va « partager » la chose en se formalisant de ce qui arrive...
Plusieurs l'ont dit dans l'histoire moderne : un mensonge publié 10 fois demeure un mensonge. Publié 10 000 fois, il devient une vérité. Et 10 000 fois, ce n'est pas un exploit de nos jours, avec les médias sociaux qui nous suivent partout.
Voilà qui devient dangereux.
Je réfléchis à tout cela, ce matin, après avoir vu les reportages sur l'arrivée des premiers immigrants syriens.
Rarement une nouvelle a pris tant d'ampleur. Moins rarement, malheureusement, a-t-on vu autant de balivernes véhiculées sur un sujet. Balivernes qui deviennent autant de vérités. Fausses, mais devenues des vérités pareil...
Le courant médiatique entourant l'arrivée de ces 25 000 réfugiés contenait une quantité incroyable de sédiments semant la haine et le rejet au fur et à mesure que l'érosion de notre jugement se faisait.
Pourtant, ce ne sont pas 25 000 criminels qui arrivent.
Oui, je sais, il se trouvera sûrement des criminels dans le lot. S'il y a, dans l'échantillonnage de notre population, un pourcentage de criminels, pourquoi en serait-il autrement pour eux?
Mais, va-t-on fermer toutes les frontières pour cela?
Lors des attentats d'Ottawa, au moins un québécois de la Rive-sud de Montréal était impliqué. Il s'est vraisemblablement radicalisé, bien appuyé par le Web dans sa démarche. Alors quoi, on fait une clôture électrifiée autour du secteur?
Ouais, je sais, des fois, en me choquant, je deviens sarcastique...
Mais revenez au paragraphe sur les attentats d'Ottawa. Vous vous êtes probablement dits : « Ah, ben oui, Ottawa, c'est vrai, y a eu ça! »
Et là est justement l'autre pan de la réflexion de ce matin : le temps. Malgré l'ampleur de l'événement médiatisé, le temps vient limer les dents de notre opinion, lui enlevant pas mal de mordant. Et cela prend de moins en moins de temps.
Inquiétant.
On se fait une opinion à partir de tout et rien, on crache le venin que l'opinion nous inspire et on se met à oublier lentement.
Il y a quelques semaines, la levée de boucliers visait de toutes parts l'arrivée de réfugiés. L'intolérance régnait. Quelques semaines plus tard, on voit les gestes de solidarité posés envers ceux qui arrivent et on se dit qu'au fond, il y a quelque chose de beau, là-dedans.
Dommage qu'on n'ait pas pris le temps de se faire une opinion d'abord. Les effets collatéraux auraient été moins lourds.
Clin d'œil de la semaine
Sortons du « fast food » médiatique et migrons dans la réalité. Celle qu'on peut toucher et influencer...