Le groupe de travail sur la production de bois et l'aménagement durable des forêts de l'Estrie, composé de différents intervenants, a répondu à l'initiative de Domtar et du Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec. Ils se penchent sur la possibilité de prélever de la forêt estrienne quelque 50 % de matière ligneuse d'ici trois ans, annonçait Sylvain Rajotte, directeur général de l'Aménagement forestier et agricole des Sommets. Ceci permettrait de créer trois cents bons et permanents emplois qui s'ajouteraient aux 8 500 dénombrés actuellement.
Le groupe de travail propose d'augmenter la quantité de bois tirée des forêts de l'Estrie sans toutefois toucher au «capital», sa réserve en matière ligneuse. « On veut stimuler la récolte pour en arriver à prélever tout ce qu'il est possible d'utiliser », décrit M. Rajotte. On vise la conservation de la forêt, l'éducation les gens relativement à sa richesse et à son potentiel. Du même coup, les partenaires œuvrent de concert pour atteindre ces objectifs. Ils misent sur l'acceptabilité sociale, voient à satisfaire les besoins des propriétaires et à les mobiliser. Ils veulent trouver de la relève tant chez les travailleurs forestiers que chez les opérateurs de machineries spécialisées et les camionneurs. Former une main-d'œuvre qualifiée, développer l'harmonisation dans la réglementation des différents paliers de gouvernement, à la fois pour régir les abus sans être limitatif s'ajoutent aux buts. La bonne pratique sylvicole prime.
Pour expliquer ce concept de productivité accrue, M. Rajotte donnait l'exemple d'un jardin. L'horticulteur y cueille les tomates mûres, laissant les vertes sur pied. Au passage, il en retire celles qui sont malades. Ce plan, qui constitue le capital, reste sur pied et reçoit tous les soins nécessaires. Dans la comparaison, ses fruits en sont les intérêts.
Le projet de récolte accrue de la matière ligneuse, jusqu'à 50 % en trois ans, rejoint cette image, mais le facteur en est supérieur de dix. La tomate est prête en soixante jours tandis qu'il faut soixante ans dans l'optique de la croissance du bois. M. Rajotte suggérait même qu'on pourrait extraire jusqu'à 100 % de sa capacité de production, les intérêts, sans même toucher à son potentiel, son capital.
L'industrie forestière rapporte actuellement quelque deux milliards de dollars en Estrie. Il s'agit de la plus importante avec l'agriculture. Prélever 10 % de plus de bois équivaudrait à ajouter 187 000 mètres cubes solides (m3s) par an. Il faudrait quelque 4 600 camions pour déplacer ce volume vers les usines estriennes. Malgré une récolte de 720 000 m3s en 2014, sur une possibilité de 1,8 M m3s/an, les entreprises de transformation doivent s'approvisionner aux États-Unis et à l'extérieur du territoire. Elles sont variées en Estrie ces industries. Cette qualité leur permet d'utiliser le bois sous plusieurs formes, ce qui, justement, nécessite de bonnes ressources et des essences différentes. Le président donnait en exemple celles qui en tirent différents produits comme Domtar, Perron Palettes, Menuiserie Angus, Blanchette et Blanchette, etc. Ce qui en fait leur force, c'est que la majorité a une dimension familiale. Ils développent des créneaux particuliers, soulignait-il.
La forêt estrienne s'étend sur 77 % du territoire, soit 810 000 hectares. Pour sa part, l'agriculture en utilise 18 %.
L'écosystème sylvestre représente 1 % des forêts du Québec où les feuillus occupent 34 % du volume. Le résineux est estimé à 17 %. Les mélanges à dominance de l'une où l'autre essence vaut près de 43 % de la masse ligneuse. En régénération, on l'évalue à 6 %.
On compte 9 200 propriétaires qui possèdent 91 % de la forêt, soit une superficie de 730 000 hectares. Parmi ces derniers, 40 % sont enregistrés à la Fédération des producteurs de bois du Québec. M. Rajotte disait d'eux que, contrairement à ce qui se passait il y a quelques décennies, ils conservent leur propriété en moyenne vingt ans. Ils recourent aux services de professionnels et d'ingénieurs forestiers, qu'ils fassent partie de groupements reconnus ou non. Ils sont de plus en plus conscients de la valeur de ce patrimoine.
Sur le territoire, on dénombrerait quelque 150 entreprises de transformation en plus de celles qui ont des activités d'aménagement. S'ajoute la fabrication de produits du bois et de papier. Ils forment tous la base d'une solide économie régionale. L'Estrie est « éminemment forestière » tant par son histoire que par son économie à laquelle s'additionnent ses pratiques d'aménagement. La beauté de ses paysages, sa biodiversité et son leadership en certification FSC en font un territoire à part. La forêt n'a pas fini de livrer ses trésors. L'exploitation de sa matière non ligneuse ouvre de nouveaux horizons.