Le départ de Pierre Karl Péladeau de son poste de chef du Parti québécois signifie donc une nouvelle course au leadership dans le parti fondé par René Lévesque. Je ne suis pas un militant de ce parti, bien au contraire. Néanmoins, je m'intéresse à cette course, car elle est liée à notre vie politique, mais surtout parce qu'elle est potentiellement un « accélérant » à l'accession du Québec à son destin national. Le PQ n'est pas un parti comme les autres, mais il ne cesse de nous tenir en haleine sur un avenir possible pour le Québec. Analyse sommaire d'un début de course au leadership...
La mémoire défaillante...
De nombreux commentateurs de la chose politique ont la mémoire défaillante. Ils situent le début de la fin de la question nationale au résultat du référendum de 1995. Référendum perdu de peu par Jacques Parizeau et Lucien Bouchard. Référendum volé, clament les souverainistes, avec l'argent des commandites. Pourtant, l'incohérence et les valses-hésitations du PQ sur l'avenir du Québec au sein du Canada datent depuis bien plus longtemps. J'affirmerai même que cela est parti de l'ADN de ce parti.
Au milieu des années 1950, les intellectuels québécois souhaitent une réforme en profondeur des institutions politiques québécoises. Ils veulent sortir le Québec « de la grande noirceur duplessiste », noirceur pas si évidente, nous disent les plus récentes recherches historiques, mais bon, ce n'est pas le sujet ici. Regroupés autour de Cité libre, les Trudeau, Pelletier, Marchand et Godbout souhaitent une plus grande démocratie pour le Québec. Un plus grand respect du pouvoir pour les droits des individus. Une approche libérale et nationaliste.
Cette vision du monde ne tardera pas à être contestée par des plus jeunes à partir de la revue Parti pris, les Vallières, Maheu, Piotte et Chamberland s'inscriront en faux contre le libéralisme et chercheront à rompre avec cette idéologie en prônant un socialisme de décolonisation.
C'est dans ce contexte que s'opposeront les premiers pressés et les premiers non pressés de notre histoire. Le RIN de Bourgault, D'Allemagne et Ferreti incarnera une vision forte et sans compromis pour l'indépendance nationale du Québec servie à la sauce d'une social-démocratie musclée. D'autre part, René Lévesque quittera le Parti libéral du Québec pour fonder le Mouvement souveraineté-association qui véhiculera une totale adhésion aux valeurs libérales et au capitalisme même si l'on souhaite la création d'une bourgeoisie québécoise francophone.
La fondation du PQ en 1968, le compromis historique et la question de la mécanique référendaire
La suite de l'histoire est connue. Le PQ a permis la convergence, tiens tiens un mot familier, de toutes les forces indépendantistes de l'époque qui ont rallié les rangs du Parti Québécois. Dès sa fondation, ce nouveau parti politique, allié à la jeunesse et aux forces sociales progressistes du Québec, portait en lui cette tension dynamique entre une vision sociale-démocrate et une vision nationaliste. La tension a été de tout temps un casse-tête pour René Lévesque et tous les autres chefs qui ont suivi. Les tentatives les plus audacieuses de l'amener hors des sentiers fondateurs furent celles de l'affirmation nationale de Pierre-Marc Johnson et celle du nationalisme civique d'André Boisclair. Tous les autres chefs se sont fait un devoir de vivre dans cette tension dynamique et il s'est ajouté à ce compromis historique la question lancinante de la mécanique référendaire. C'est cette question qui sera au cœur de la présente course au leadership quoi qu'en disent les protagonistes.
La souveraineté du Québec, loin d'être un problème à résoudre urgemment...
Le Québec doit-il devenir souverain, indépendant, se séparer du Canada pour être capable de vivre pleinement son destin? Là est la question. Pourquoi faire la souveraineté? En quoi le fait que le Québec soit un territoire-province dans le Canada l'empêche-t-il de voir au bien-être de sa population? Comment convaincre la population de choisir de faire du Québec un pays? Faut-il ou non un référendum? Quand? Comment? Pourquoi?
On a déjà joué dans ce film-là. Les vraies questions urgentes selon moi sont les suivantes : pourquoi la population a-t-elle perdu confiance en ses femmes et ses hommes politiques? Pourquoi les gens ont-ils perdu toute confiance dans leurs institutions? Que pouvons-nous faire pour recréer le goût des nôtres à un « vivre ensemble » et en quoi ce « vivre-ensemble » va-t-il permettre d'améliorer la vie de nos enfants et de nos petits enfants à l'avenir?
La politique c'est la politique du vivre ensemble
Le seul sens qu'a la politique est le suivant : c'est par cet outil que l'on peut créer des conditions d'égalité et d'équité pour tous. C'est un lieu pour assurer une plus grande justice, un meilleur partage du fruit de nos activités économiques. La politique doit être le lieu d'arbitrage de nos intérêts individuels antagoniques pour un intérêt commun meilleur pour tous. C'est grâce à la politique que l'on peut construire une vie bonne pour tous.
Or, de nos jours, nous vivons dans une société plus individualiste que jamais. Nous sommes tous sous l'emprise d'un monde de consommation effrénée où nous préférons être un consommateur ou un client qu'un citoyen. Nous voulons tout, mais ne voulons rien donner. Nous refusons de comprendre et nous préférons assister au spectacle de nos vies plutôt que d'en être les acteurs. Nous vivons dans une société du spectacle et la politique est vue comme l'un des éléments de ce spectacle et non pas comme une solution.
Le surplace...
C'est le contexte qui prévaut aujourd'hui. Il faut être fou pour s'engager dans la vie politique avec un tel état des lieux. Nous devons refonder la politique et ça passe par le politique. Les femmes et hommes politiques doivent changer d'approche s'ils veulent reconquérir la population et associer les gens à cette refondation du politique. Proposer avec un trait d'union, un délai, une pétition ou je ne sais quoi à un projet de souveraineté dont les gens ne veulent pas entendre parler, est-ce propice à la refondation politique?
Si le PQ réussit la quadrature du cercle et à se présenter comme celui qui fera l'indépendance en douceur sans la faire, sans en parler et sans référendum, il aura tout de même raté le principal défi qui se présente devant lui et devant nous : la refondation du politique pour qu'il redevienne un outil de développement politique, culturel, social et économique. C'est pourquoi je prédis que l'on va continuer un bon temps à tourner en rond...