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Se souvenir…


On l’oublie trop souvent, mais la vie quotidienne et les événements qui la ponctuent sont le socle de notre présence au monde et c’est ce qui forge notre identité.
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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 8 mai 2019

Parfois, les événements sont de parfaits révélateurs de ce que nous sommes. S'il en est un exemple, on peut évoquer l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Oublions les bêtises que nous avons entendues de la bouche du président américain Donald Trump ou de l'ancienne candidate vedette de Québec solidaire, Ève Torres et concentrons plutôt toute notre attention sur la portée de cet événement non seulement en France, mais partout dans le monde. On l'oublie trop souvent, mais la vie quotidienne et les événements qui la ponctuent sont le socle de notre présence au monde et c'est ce qui forge notre identité. Ce triste événement de Paris est une invitation à nous plonger dans le difficile exercice de comprendre ce que nous sommes en cherchant à voir les ressorts de nos motivations. Le véritable chef-d'œuvre du philosophe Paul Ricœur, un livre publié en 2003, intitulé La mémoire, l'histoire et l'oubli sera notre boussole pour ce périple aux tréfonds de notre conscience. Faisons un exercice de lucidité pour comprendre pourquoi cet événement est important dans notre vie même s'il est apparemment loin de nous.

Notre-Dame de Paris : l'incendie

Le 15 avril dernier, consternation. La cathédrale Notre-Dame de Paris brûle. Véritable commotion dans toutes les salles de presse du monde, le monument si prisé par les touristes, ce lieu de culte ou de grands personnages politiques français ont été sacrés, intronisés, célébrés était la proie des flammes. Une grande partie du trésor de l'humanité risquait d'être réduit en cendre. Heureusement, les sapeurs-pompiers ont évité le pire et ils ont sauvé la cathédrale au cœur de l'île de la Cité. On n'a pu faire l'économie de perdre la flèche de la cathédrale, l'un des symboles de Paris avec ses 93 m de hauteur qui s'est effondrée. En quelques heures à peine, la très grande partie du toit de bois a été réduit en cendres. Un incendie purement accidentel lié à des travaux de construction en cours. Le président de la France Emmanuel Macron a annoncé que le monument sera reconstruit en cinq ans. Ce qui apparaît à bien des observateurs comme un échéancier limite.
N'empêche ce qui a suivi, et c'est ce qui nous importe le plus, ce sont les témoignages qui se sont multipliés, les dons qui ont afflué, cela de partout dans le monde. Cette solidarité prouve hors de tout doute que la Cathédrale Notre-Dame de Paris a une grande signification pour l'ensemble de la civilisation occidentale et pour toutes les religions. Un symbole puissant. Comment peut-on expliquer cela ?

Les bâtisseurs de lumière

Dans un livre collectif sous la direction du regretté médiéviste Jacques Le Goff, il nous est révélé que les cathédrales étaient des œuvres d'art en perpétuel mouvement doté par la suite d'un destin national. Surgissant au Moyen-Âge, ces édifices furent d'abord des œuvres romanes avant de devenir des monuments gothiques. Ces cathédrales abritent à la fois un monde de vie et de création. Un lieu continu de manifestations artistiques dans ses grands décors, ses vitraux et ses trésors. Jacques Le Goff dit que « en dépit des drames et des destructions, la cathédrale demeure un immense musée vivant au cœur des villes. Malgré son omniprésence, la cathédrale reste le lieu d'études inédites et de découvertes à venir. » (Jacques Le Goff et coll., Vingt siècles en cathédrales, Paris, Éditions du Patrimoine, 2001, 577 p.) Pour Jacques Le Goff, « la cathédrale est le monument par excellence de la longue durée, des continuités et des renaissances. Lieu de mémoire collective, mais aussi lieu de vie. » (Loc. cit.)

Dans une entrevue donnée à l'OBS en 2006, le médiéviste s'est longuement expliqué sur sa vision des cathédrales dans notre civilisation occidentale. D'abord, il nous explique que les premières cathédrales ont été construites au IVe siècle lorsque le christianisme s'enracine dans l'Empire romain de Constatin. Elle est liée à un territoire, à l'autorité d'un évêque. Ce diocèse n'est pas alors religieux, mais un territoire administratif et urbain. Puis, au fil du temps, il y a eu une émergence des cathédrales aux XIIe et XIIIe siècles. Irruption liée à une forte croissance démographique, à une réforme religieuse, la réforme grégorienne qui viendra renforcer la fonction épiscopale et marquera une séparation nette entre les laïcs et les religieux. Cela viendra confirmer la concurrence entre le pouvoir religieux et laïc qui s'est notamment traduit par le désir de bâtir de somptueux édifices remplis de lumière. Ces édifices viendront confirmer le prestige de l'Église dans une société où s'amorcera bientôt un furieux combat entre le pouvoir religieux et le pouvoir laïque qui a connu son sommet avec le combat contre la théocratie de Philippe Le Bel. Mais cela c'est de l'histoire. Croissance démographique, réforme grégorienne et montée du pouvoir des villes sont les trois phénomènes qui expliquent le temps des cathédrales. (Josette Alia, André Burgière, Ils étaient des bâtisseurs de lumières. Entrevue avec l'historien Jacques Le Goff, reproduit dans l'OBS, édition 2841 du 18 au 24 avril 2019, p. 32 à 35.)

La cathédrale Notre-Dame de Paris a été construite sur plus de deux siècles de 1163 au milieu du XIVe siècle. Monument gothique, Notre-Dame de Paris a longtemps été la plus haute construction de la ville de Paris et l'une des plus grandes cathédrales d'Occident. Dédiée à la Vierge Marie, Notre-Dame de Paris a été intimement liée à l'histoire de Paris et de la France. Elle a aussi inspiré de nombreuses œuvres artistiques dont le célèbre Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. Plus près de nous, il y a eu aussi l'œuvre de Luc Plamondon et Richard Cocciante, la comédie musicale inspirée du roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris. Chaque année, la cathédrale de l'île de la Cité est visitée par 13 à 14 millions de personnes en faisant l'un des monuments les plus visités dans le monde. Faut-il s'étonner de la prégnance de cet incendie dans l'opinion publique internationale ?

Paul Ricœur notre guide

Dans son livre, La Mémoire, l'histoire et l'oubli, Paul Ricœur laisse plus de questions ouvertes qu'il ne fournit de réponses au sujet difficile de la représentation que nous nous faisons du monde. Un livre difficile et peu accessible, Paul Ricœur nous a légué un véritable chef-d'œuvre dans cet ouvrage de 660 pages qui repose sur la philosophie. Il cite pas moins de 213 auteurs et discute de la mémoire, de la façon dont on écrit l'histoire et de l'oubli de certains événements pour les remplacer par d'autres, plus prégnants, dans nos vies et moins douloureux à se remémorer. Je ne compte pas faire un traité de philosophie dans cette chronique, mais je veux tout de même écrire que ce que l'on est à même de tirer comme leçon de cet éminent philosophe français du 20e siècle c'est que l'on ne peut par simple volonté effacer de nous les traits des sociétés qui nous ont modelés. La mémoire est toujours collective et elle doit être partagée par autrui pour exister et devenir part de notre identité.
La communauté est le pont essentiel entre la mémoire individuelle et collective. « Les proches, ces gens qui comptent pour nous et pour qui nous comptons... Ce sont eux qui ont le souvenir de notre naissance, qui est d'ailleurs l'événement qui commence à la fois mon existence personnelle et mon existence comme membre d'une communauté. »(Paul Ricœur, La Mémoire, l'histoire et l'oubli, Paris, Seuil, 736 p.)

Pour Ricœur, notre vie se situe aux confins de l'individuel et de la communauté et transite par les discours et les récits écrits par des historiens ou des romanciers, les deux discours sont différents, mais n'en sont pas moins le socle de notre identité comme individu et comme membre d'une société. L'incendie de la cathédrale de Notre-Dame de Paris est un événement clé pour se rappeler que nous appartenons à une société, une civilisation chrétienne et que la tragédie actuelle ne fait que nous permettre de Se souvenir...


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