Il y a peu d'endroits dans le monde qui ressemblent au
Québec. Si l'on souhaite s'en convaincre, nous n'avons qu'à parcourir la revue
de presse du dernier budget du ministre des Finances du gouvernement Legault,
Eric Girard. Imaginez dans tous les commentaires et éditoriaux que l'on peut
retrouver à peine trois, trois le chiffre établi par le journaliste du journal Le
Devoir Marco Bélair-Cirino est le nombre de textes favorables à la
volonté du gouvernement de baisser les impôts dont celui du populaire animateur
et chroniqueur politique Mario Dumont. Pourtant, lors de la dernière élection
générale, trois partis proposaient des baisses d'impôt. Le Parti libéral du
Québec de Dominique Anglade proposait des baisses d'impôt de 1,5 % alors
que le Parti conservateur d'Éric Duhaime proposait 2 % de baisses d'impôt.
La CAQ de François Legault a été la chiche des trois partis en ne proposant que
1 %. La différence c'est que la Coalition avenir Québec a été élue et
forme présentement le gouvernement et qu'elle a tenu parole et annoncé la
baisse des impôts de 1 %. Il n'en fallait pas plus pour que tous vouent
aux gémonies la décision du gouvernement Legault. Pas le bon moment, il faut
d'abord réduire le déficit, on ne peut pas toucher aux fonds des générations
c'est notre REER, c'est injuste pour celles et ceux qui ne paient pas ou paient
peu d'impôt, cet argent devrait plutôt être réinvesti dans les missions de
l'État, en santé, en éducation, dans le logement social ou en santé mentale.
Tutti quanti... Pourtant, le Québec est l'une des juridictions dans le monde
occidental où les contribuables sont les plus taxés. Discussions sur les
impôts.
Les cochons payeurs de taxes
Faisons un exercice en inventant un couple fictif sans
enfants. La femme est professeure à l'Université et l'homme est technicien en
informatique au gouvernement du Québec. Des gens privilégiés eu égard au
salaire moyen des hommes et des femmes au Québec en 2022 alors que le salaire
d'une femme s'établissait à 31 900 $ et celui d'un homme à 38 400 $.
Notre couple de Sherbrooke gagne un salaire commun de 178 000 $. La femme professeure
a un salaire de 124 000 $ alors que le technicien en informatique gagne 54 000 $.
Des riches si l'on en croit les porte-parole de Québec solidaires, mais pour
moi ce sont des gens représentatifs de la classe moyenne au Québec.
Avec un salaire de 178 000 $, combien ce couple
paie-t-il d'impôt en 2022 ? Si je me fie à un tableau du taux marginal
décomposé fédéral et provincial pour 2022, la professeure d'université paierait
48 % de son salaire en impôt soit 49 926 $ d'impôt. Son époux le
technicien en informatique paierait quant à lui la somme de 38 % en impôt
soit la somme de 20 520 $. Le couple ensemble versera, à part les taxes à
la consommation et les taxes municipales et scolaires, la somme de 70 446 $
à l'état québécois et canadien. Une part appréciable de leur revenu soit plus
de 42 % de leurs revenus. Pour ce même exemple, la baisse d'impôt annoncé
par le ministre Éric Girard lors de son dernier budget est de 814 $ pour
la femme et de 368 $ pour l'homme soit la somme totale de 1182 $.
Après la baisse d'impôt, ce couple versera tout de même la coquette somme de 69 264 $
aux deux gouvernements. Est-ce trop ? Qui se soucie vraiment de cette classe
moyenne. Ce sont toujours les mêmes de la classe moyenne qui casquent avec les
différents gouvernements. Ils paient la grosse part des impôts et sont rarement
éligibles aux différents programmes gouvernementaux sauf les programmes
universels pour les familles (garderie, congés parentaux) et en santé et en
éducation. Je vous le dis d'emblée, je suis très favorable à cette mesure du
budget Girard. Il est plus que temps que quelqu'un se soucie de ces cochons
payeurs de taxes...
L'équité fiscale
L'autre sujet en marge de cette baisse d'impôt est l'équité
entre les contribuables. Est-il acceptable comme l'affirme le porte-parole de
Québec solidaire que des gens qui paient plus de 75 000 $ d'impôt par
année peuvent obtenir de plus grandes réductions que ceux qui paient moins ?
Fausse question et pure rhétorique. D'abord, les 35 % de Québécoises et de
Québécois qui ne paient pas d'impôt ne sont pas éligibles à une baisse de ce
qu'ils ne paient pas. Reste un 65 % de ce que nous appelons la classe
moyenne et la classe moyenne supérieure. Parmi celles-ci, il y a bien sûr les
riches, ce fantasme de la gauche québécoise. Au Québec, comme le disait le
regretté commentateur politique Jean Lapierre, « nous sommes pauvres en riches
et riches en pauvres ». Il y a très peu de riches au Québec et ceux qui le sont
ne sont pas éligibles à l'allégement fiscal annoncé par le ministre Éric Girard.
Je ne suis pas d'avis que Québec manque de considération à l'égard du principe
d'équité fiscale parce qu'il annonce une réduction de 1 % des impôts pour
les gens qui gagnent 100 000 $ et moins par année. Le Québec n'est-il pas
le paradis fiscal des familles ? N'avons-nous pas une fiscalité parmi les plus
progressistes en Amérique du Nord ? Non, le discours sur le manque d'équité des
baisses d'impôts ne tient pas la route.
Financer les missions prioritaires de l'État
Enfin, le dernier volet de la rhétorique anti-allégement
fiscal regroupe des arguments de celles et ceux qui veulent que l'État
québécois réduise son déficit, que l'on craigne la poussée inflationniste de
ces baisses d'impôt ou encore que le gouvernement devrait investir ces sommes
en logement social ou en santé mentale par exemple. Avec la hausse consentie en
éducation et en santé, ces arguments ne sont pas très recevables. Par ailleurs
celles et ceux qui veulent que l'on réduise encore plus vite le déficit devraient
lire de la professeure d'économie et de politiques publiques à l'Université
Stony Brook. Figure de proue de la théorie monétaire moderne, la professeure
Skelton propose de cesser de croire à la théorie des déficits, elle propose de
passer du récit du manque à celui de la possibilité. Elle utilise une amusante
analogie pour illustrer l'obsession du déficit de certains : « Nous gérons
notre économie comme une personne d'un mètre quatre-vingt qui se déplace courbé
en deux en permanence sous un plafond qui est à deux mètres cinquante, parce
qu'on l'a convaincue que si elle tente de se redresser, elle subirait un
terrible traumatisme crânien. » (Stephanie
Kelton, The Deficit Myth: Modern Monetary Theory and the Birth of the
People's Economy, New York, Public Affairs, 2020, 274 p.)
Quant à la
poussée inflationniste potentielle, il faut comprendre que cet allégement
fiscal entrera en vigueur à partir de juillet 2023. Un moment où le taux
d'inflation, si l'on en croit les tendances actuelles, aura continué de baisser
et de se rapprocher de la cible espérée par la Banque du Canada. Non, décidément
les arguments contre les baisses d'impôt ne tiennent pas la route et sont
l'expression d'une idéologie militante soit de gauche ou d'une théorie
économique monétaire révolue. Il est donc faux de s'écrier : Scandale,
Québec réduit les impôts...