- Moi, c'est le respect, tu sais...
- Moi, c'est plus la tarte au sucre...
Deux phrases vides.
Le respect a la vie dure. Très dure. Pourtant, ce n'est pas si difficile, non? Si je dis que, pour moi, le respect est essentiel, comment être contre? Peut-on être contre la vertu?
Oui.
Enfin. Peut-être pas contre la vertu, mais il n'y a rien de vertueux dans le fait d'évoquer le respect. Je vais plus loin. Si vous mettez le respect, comme ça, au centre de votre vie, ça n'aura pas une grande valeur. Étonnant? Pas tant.
Exemple. Si vous considérez que le gouvernement de M. Couillard manque de respect pour une bonne partie de la population par ses politiques économiques, vous avez bien le droit. Si, lors, d'une manifestation visant, justement, le respect des différences, vous faites un geste d'agression envers M. Couillard, vous manquez de respect. Mais voilà, vous faites ça pour respecter votre façon de voir. Et comme vous dénoncez ce gouvernement et le précédent depuis des années, vous finissez par vous dire : « Fallait que je fasse quelque chose, fallait que je me respecte là-dedans. »
Difficile respect.
Quand on est en campagne électorale et qu'on exige haut et fort que quelque chose soit fait pour Raïf Badawi, on plaide que Raïf est un citoyen qui mérite le respect. C'est dégueulasse de faire de la prison pour un blogue somme toute inoffensif. Mais quand on arrive au pouvoir, il faut aussi respecter les ententes commerciales avec l'Arabie Saoudite. La médaille du respect, soudain, a plusieurs faces. M. Trudeau patauge dans cette choucroute...
On peut aussi être contre la différence d'orientation sexuelle de notre voisin. Et ce, par respect pour des textes saints. On peut, en toute connaissance de cause, être violent dans un propos et, même dans nos gestes, au nom de ce respect profond qui nous anime par rapport à ces textes sacrés.
Difficile respect, donc.
En plus, le mot est utilisé à toutes les sauces. Il est à la mode. Quelqu'un fait quelque chose qui sort de l'ordinaire et voilà que les commentaires fusent : « Wow, man... respect! » Subitement, on se sert du respect pour manifester notre admiration par rapport à un événement, un geste.
Plus j'y pense et plus je me dis que le respect, seul, n'est pas si utile. Seul, il est comme du tofu qui prend toutes les saveurs qu'on veut bien lui donner. Seul, il peut servir toutes les causes. Des plus nobles aux plus disgracieuses.
Si je dis ceci : il faut conduire sa voiture avec respect, j'ouvre la porte à tout et rien, bonne et mauvaise foi confondues. Par contre, si je vous dis ceci : il faut conduire sa voiture en respectant le Code de la route, je change la donne. Le Code de la route a été fait en pensant au bien commun. Subitement, le respect n'est plus un artifice derrière lequel je cache mes conneries, c'est un engagement.
Le respect n'a de sens que s'il est jumelé à d'autres valeurs ou principes qui se veulent universels. Comme la liberté (de l'un et de l'autre, c'est engageant, ça), la démocratie, la solidarité.
C'est quand il est au service de valeurs nobles que le respect prend tout son sens. Pas quand il sert les intérêts personnels.
Clin d'œil de la semaine
« Je respecte ton opinion », dit l'un, réprimant un haut-le-coeur et juste pour que l'autre se taise...