Si vous me lisez depuis un certain temps, vous le savez, certaines phrases m'irritent.
C'est le cas pour le tristement célèbre « on va se dire les vraies affaires ». Non seulement c'est vide, mais c'est un vide prétentieux bien plus que sanitaire! Je connais les vraies affaires, donc, on va se les dire.
Peut-être suis-je (ou deviens-je un peu trop rapidement) un vieux grincheux, mais toujours est-il que certaines phrases m'écorchent.
C'est le cas du « Non, non, tu comprends pas, là! »
Une mise en contexte est nécessaire. Il faut un ton avec la phrase. Il ne s'agit pas d'un bienveillant personnage qui souhaite apporter un éclairage nouveau sur la compréhension que fait un pair d'une situation donnée. Nenon. Il s'agit plutôt de quelqu'un qui, devant une situation pour laquelle une règle de conduite est prévue, s'insurge et affirme sa dissidence en laissant entendre que rien, mais là rien d'autre, n'est acceptable que sa position à lui.
- Il faut faire la file, monsieur.
- Non, non, tu comprends pas, là! J'ai appelé tantôt et on m'a dit que je pouvais passer, faque, les autres, je m'en fous! Moi, je veux être servi là, maintenant, j'ai autre chose à faire. T'as pas idée de comment je ferai pas la file, toé-là!
Et la réplique s'accompagne d'un rire gras qui laisse aussi entendre qu'il est en contrôle de la situation et que la personne qui lui a répondu de faire la file est une, en fait, un genre de conne.
Ce que je décris là est courant. Et désolant. Désolant par le manque de savoir-vivre-en-société, mais désolant parce que la notion d'acheter la paix est devenue tellement omniprésente que généralement, ça marche et on se débarrasse de la personne qui gueule en lui donnant raison.
« Non, non, tu comprends pas, là! » est une réaction que pourrait avoir, par exemple, un enfant-roi devenu adulte. Vous savez, le type avec qui les parents ont négocié jusqu'au fait de ramasser ses jouets en retour de quelque chose? Quand toute conséquence est négociée depuis ta tendre enfance, il devient normal que tu ne veuilles pas accepter une conséquence une fois adulte.
Cette semaine, c'est la rentrée scolaire.
Ouch...
La génération des enfants-rois est maintenant adulte. Ceux qui sont restés accrochés au concept ont eu des enfants à leur tour. Une enseignante me disait que ce sont les enfants-empereurs. Non seulement la conséquence n'est pas une option, mais voilà que le parent est encore plus outré que l'enfant. Le roi a modelé un empereur et voilà que le défi commence.
J'espère que je généralise à outrance et que la majorité des parents n'est pas comme ça.
Mais, cette semaine, j'ai une bonne pensée pour les enseignants. Vous êtes aux premières loges de ces écarts comportementaux et, dans plusieurs cas, votre appui de la part des parents (qui était souvent limité) devient nul.
Mais je vous invite à ne pas lâcher. Surtout pas.
Et je vous souhaite une année exempte de ces parents qui vont vouloir postillonner leurs « on va se dire les vraies affaires » et les « non, non, tu comprends pas, là! Mon enfant fera pas ça... »
Clin d'œil de la semaine
« Bonjour, Madame, votre enfant sera en retenue ce soir. Il a insulté un autre élève. »
« Bon... Merci de me le dire. Je ferai le suivi. »
J'ai été aussi puni à la maison, cette fois-là. Je me souviens encore...