C'est tombé comme ça, dans mon champ de vision, la semaine dernière. Un petit paragraphe, tout simple. Signé Marc Trévidic, ex-juge antiterroriste. Le texte est le suivant : « Proclamer qu'on lutte contre le l'Islam radical tout en serrant la main au roi de l'Arabie Saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table »
Assumer.
C'est le premier mot qui m'est venu à l'esprit.
On lit la phrase et on se dit : « voilà bien une logique implacable ». Et on se dit : « Que Trudeau aille chercher Raïf Badawi! La balle est dans son camp! »
Mais voilà. Ça, c'est ce qu'on se dit là, maintenant. Tantôt, ce sera peut-être autre chose. Parce qu'on cette tendance à avoir des positions diamétralement opposées sur le même sujet, le tout dépendant de l'angle emprunté.
Nous sommes tous Raïf. Ou presque (qui suis-je pour parler au nom de tous?). Donc, quand l'Arabie Saoudite refuse de libérer Raïf pour un crime qui n'en est pas chez nous, on est solidaires : coupons les liens avec l'Arabie Saoudite et voilà, le tour est joué!
Pas tant, je le crains.
Parce que faire ça, c'est accepter d'assumer une série de contrecoups économiques assez solides. Les ramifications contractuelles avec l'Arabie Saoudite sont telles qu'on peine à imaginer toutes les conséquences dans la vie des Canadiens.
Tout cela pour dire qu'il y a fort à parier que plusieurs d'entre celles et ceux qui disent « être Raïf » monteraient aussi aux barricades pour réclamer une action gouvernementale musclée pour pallier les conséquences d'un bris de lien commercial avec ce pays. Et là, on n'a même pas jasé diplomatie et ordre mondial!
Assumer ses choix est une notion bien ténébreuse pour nous. Qu'on le réalise ou non, nous vivons comme des enfants gâtés qui réclament que le plat de bonbons soit toujours plein.
Et le plat de bonbons n'a rien à voir, dans ce contexte, avec les soins de santé ou d'éducation. Pour moi, ce sont des choix de société qu'on a faits et qu'il faut continuer d'assumer. Sous le couvert des choix budgétaires incontournables, on est en train de sabrer ce modèle, en se disant qu'on n'a pas les moyens de l'assumer...
Je parle bien plus du fait que nous avons, individuellement (et grâce au crédit) accès à un confort bien au-delà de nos besoins. Le piège est là, d'ailleurs. On a tellement tout ce que l'on souhaite, on a accès à tellement de choses, qu'on finit par se dire que tout cela nous est dû.
C'est narcissique, à la limite, mais c'est ça!
Une fois ce constat fait, "je suis encore Raïf". Et je crois encore que je suis prêt à assumer certaines conséquences. Vous remarquez la prudence de ma phrase? Elle est liée au fait que je ne connais pas l'ampleur de ces conséquences.
Mais je me dis que pour que les choses changent, il nous faudra aussi modifier bien des trucs.
Et d'assumer bien plus.
Et il faut que les choses changent.
Clin d'oeil de la semaine
On règle nos différends en assommant plus qu'on assume...