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Le Québec blessé

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 2 décembre 2020

Je ne sais pas comment c'est pour vous, mais j'ai un profond attachement à ce mot simple qui décrit notre territoire et les gens qui l'habitent. Le Québec. Terre de mes ancêtres, lieu de ma vie et aussi, lieu où, selon ce qui me semble prévisible, se déploiera l'avenir de mes enfants et de mes petits-enfants. En ce temps de pandémie et de questionnement de nos certitudes d'hier, il faut garder à l'esprit que rien ne sera plus comme avant et qu'il faudra collectivement se réinventer et réapprendre à faire société tous ensemble. Réflexions libres sur l'ordinaire de nos vies.

Un monde qui s'efface...

Les faits de l'actualité nous le rappellent quotidiennement. Le monde d'hier n'est plus. Un nouveau s'offre à nous, mais il faut nous y adapter. Il n'y a pas si longtemps, nous avions des certitudes et des balises claires tracées dans le sillon des enseignements de l'Église catholique romaine. On nous disait comment vivre, on nous indiquait le nombre d'enfants que nous devions avoir et surtout que les discriminations et les offenses que nous vivions étaient la volonté de Dieu. Il fallait, disait-on, apprendre à vivre avec les difficultés mises sur notre chemin par la volonté divine et, qu'au jour béni, celui où nous irons rejoindre Dieu dans sa maison, nous en serions guéris. Cette épiphanie a été reléguée aux oubliettes dans la foulée de Vatican 2 et de la Révolution tranquille.

Une image contenant carteDescription générée automatiquementCela fut remplacé par une forme de modernité par laquelle l'État devenait le nouveau temple de notre libération collective. Dans cette formidable éruption du Politique dans notre vie collective qui a pris la forme d'une révolution tranquille, des pas de géants furent accomplis vers l'amélioration des conditions de vie de la population. Les discriminations que nous avions vécues en tant que Québécois francophones ont été lentement mais sûrement atténuées bien qu'il en reste encore des traces aujourd'hui dans la gouvernance canadienne. Puis, il y eut ce grand projet de faire du Québec un pays. Projet qui n'a jamais su rallier quoique l'on en dise une majorité franche de Québécois francophones. Ce projet de pays, qui est toujours vivant dans une frange minoritaire et vocale du Québec d'aujourd'hui, n'a toujours pas abouti.

Il risque de tarder à advenir devant la désaffection de plus en plus large envers le Politique et le scepticisme ambiant envers la démocratie et la politique. À ces difficultés que l'on peut qualifier d'habituelles dans les démocraties libérales, il y a l'apparition de nouvelles formes de revendications qui, dans un contexte de disparition des récits collectifs nationaux viennent mettre à mal cette volonté de certains de faire société autour de la figure de la nation.

Les discriminations intolérables

On se plaît à dire que les Québécoises et Québécois sont des gens affables et généreux et qu'ils sont dépourvus d'ADN guerrier. Cela peut sembler vrai puisque nous avons longtemps joué dans le registre de victime. Nous avons appris à fléchir la tête pour se soustraire au vent plutôt que de l'affronter. Ce qui ne signifie pas que cela n'est pas en train de changer. Vérité toute simple à se dire, le Québec contrairement à ce que certains ont voulu faire croire n'est pas un peuple élu, il vit comme société les mêmes déchirements et les mêmes débats que les autres sociétés. Par exemple, le racisme systémique dévoilé dans l'affaire Joyce Echaquan à Joliette est une blessure pour la fierté québécoise. Nous, un peuple pacifique et ami des Amérindiens, comme le raconte certains historiens, avons parmi nous des gens qui méprisent d'autres êtres humains en s'appuyant sur leur différence.

Nous refusons aussi de voir que nous sommes fermés à d'autres différences comme la couleur de peau et la religion. Je sais, vous n'êtes pas raciste, mais vous n'en pensez pas moins que certaines religions sont incompatibles avec nos valeurs comme la foi musulmane par exemple. Vous n'avez aucun problème avec les gens de couleur, mais vous n'en pensez pas moins que ces gens sont différents de nous. Dans tous les cas, ces gens sont moins présents sur nos écrans, Une image contenant personne, extérieur, homme, chapeauDescription générée automatiquementdans notre vie et dans nos entreprises. Il y a bien sûr des exceptions qui font la preuve de notre bonne âme, les Boucar Diouf, Rachid Badouri, Dany Laferrière, Mariana Mazza, Mehdi Bussadin ou Normand Brathwaite. Cela devrait être la preuve que le Québec est exempt de la présence d'un racisme que d'aucuns appellent systémique.

Que dire des atrocités commises par l'un de nous comme le drame de Polytechnique, celui de la Mosquée de Québec et récemment l'homme au sabre du Vieux-Québec ? Cela révèle dans une lumière crue que le Québec n'est pas exempt de fous de toute sorte et même de parents indignes qui martyrisent leurs enfants comme l'indiquent les cas portés à notre attention par les médias à Granby.

Convenons que le Québec en dépit de ses grandes qualités est un lieu de vie ordinaire qui partage la folie de son époque. Nous ne sommes pas un peuple élu et nous n'avons pas de destinée manifeste comme notre voisin du Sud. Comme le chantait Robert Charlebois, nous sommes ordinaires.

Accepter et changer...

Si nous ouvrons notre esprit à l'idée que des réalités présentées comme des vérités n'en étaient pas, nous pourrons alors entreprendre notre long chemin de la reconquête de nous-mêmes dans un nouveau dialogue avec celles et ceux qui sont différents de nous et qui refusent de faire leurs notre pensée prêt-à-porter.

Reconnaître que le Québec a été l'objet du colonialisme britannique qui porte en son germe des phénomènes comme le racisme, la violence, les injustices économiques et la misogynie serait un bon point de départ. Savoir que les relents de ce colonialisme ont pu s'infiltrer dans nos lois, nos coutumes et nos consciences sont aussi des prolégomènes indépassables. Dire cela, reconnaître ces faits historiques ne font pas de nous, du Québec, une terre moins accueillante, ni moins fréquentable.

Reconnaître et comprendre d'où nous venons et où l'on veut aller est la condition sine qua none d'une reconstruction d'un Québec qui pourra se guérir de son passé. Les premiers d'entre nous à en bénéficier seront les convaincus du projet de pays. On ne peut construire un pays véritable sans auparavant vaincre le refoulé de notre politique avilie par tant d'années de turpitudes et d'errements. Nous devons revisiter nos certitudes. Ouvrir le dialogue avec nos sœurs et nos frères du Québec et du Canada et chercher à trouver une voie d'avenir pour toutes et tous. La pandémie actuelle peut être propice au renouvellement de nos pensées et de nos façons de faire. Il faut nous relever tous ensemble et faire société à nouveau pour répondre à la problématique d'un Québec blessé...



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