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  JOURNAL LE HAUT-SAINT-FRANÇOIS / Actualité

Quarante producteurs laitiers à Lennoxville

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Jean-Claude Vézina Par Jean-Claude Vézina
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Mercredi le 20 avril 2016

Une quarantaine de producteurs laitiers se sont rendus au Club de golf Lennoxville, à l'invitation de Marie-Claude Bibeau, députée de Compton-Stanstead et ministre du Développement international et de la Francophonie. Mme Bibeau souhaitait mieux connaître le dossier du lait diafiltré afin de le défendre adéquatement auprès de ses confrères libéraux lors des caucus ruraux Québec/Canada. « On comprend que les enjeux sont majeurs », indiquait-elle à ses invités. « Il faut qu'il [gouvernement libéral fédéral] règle ce problème rapidement et une fois pour toutes », ordonnait Marcel Blais, vice-président des Producteurs de lait de l'Estrie, à la députée et ministre. « Le printemps va être chaud, si ça se traite pas », promettait-il.

M. Blais, dans un discours ferme, mais courtois, a porté les doléances des agriculteurs qui exigent que le gouvernement fédéral de Justin Trudeau trouve rapidement une solution à l'imbroglio qui permet l'importation dédouanée de ce lait enrichi en protéines utilisé principalement pour la fabrication de fromage, de yogourt et de crème glacée. Plusieurs d'entre eux ont fourni des exemples précis sur les conséquences de cette situation et qui handicapent sérieusement la vitalité de l'industrie laitière. Un d'entre eux faisait remarquer d'ailleurs que l'insécurité due à cet état de fait se reflétait sur les jeunes qui s'interrogent sur le bien fondé de s'investir dans les études pour reprendre la ferme de leurs parents.

En raison de sa classification, il peut entrer au pays sans que les exportateurs aient à souscrire des frais de douane. Les surplus engendrés par cette importation massive obligent les agriculteurs à payer pour les vendre à perte, par la suite, vu la gestion de l'offre (système de quota) qu'a conclue l'UPA en leur nom. « On est tanné d'être l'entrepôt des États-Unis », déclarait, d'un ton péremptoire, le vice-président estrien. Ce faisant, on priverait les agriculteurs de revenu de plus de 1 000 $ par mois. Les plus grands estiment même ce manque à gagner à quelque 3 000 $. Les industriels en quête de profits plus importants menaceraient l'équilibre par l'achat du lait diafiltré moins cher, avançaient certains d'entre eux. Les produits qui en sont composés sont vendus comme des aliments canadiens même s'ils proviennent partiellement des É.-U.

Mme Bibeau considère ce dossier comme « priorité nationale ». Elle rappelle que le ministre de l'Agriculture, Lawrence MacAulay, s'est défendu publiquement du fait qu'il « n'a jamais été question dans les intentions que le lait diafiltré soit utilisé au lieu du lait. Nous travaillons afin d'assurer que les règles sont claires pour tous », déclarait-il à La Terre de chez nous du 5 février dernier. Mme Bibeau siège sur le Caucus rural Québec/Canada avec une quarantaine d'autres élus canadiens. À raison de trois rencontres mensuelles, elle qui se sent concernée, va défendre leurs intérêts. Elle souhaite les [producteurs] « dégager du poids du PTP ». Jean-Claude Poissant, député de Saint-Hyacinthe et adjoint parlementaire à l'Agriculture, ajoutait qu'il voulait profiter des consensus des PDZA pour alimenter ces discussions. Cette problématique tarifaire avait trouvé sa solution en 1995, mais avec l'arrivée de la nouvelle technologie du lait diafiltré, le débat a été rouvert en 1999. Il aurait été classé, par erreur, au même rang que les colles et les enzymes, et ça traîne depuis. D'autres accords ont été négociés en 2007 et ils sont entrés en vigueur en 2008. On limitait à 10 000 tonnes cette importation. Les États-Unis, l'Union européenne n'y sont pas tenus en raison des accords de l'ALENA. Les pays du Partenariat transpacifique (PTP) s'y soustrairaient aussi pour les mêmes raisons. M. Blais fulmine. « Si on n'est pas capable de faire respecter les normes, comment on va faire pour faire respecter les ententes ? On est inquiet face au PTP si on ne peut pas s'entendre sur les normes. » Les manifestations vont se poursuivre.

Certains agriculteurs avancent même que ce serait une tactique du fédéral pour mettre fin au régime de la gestion de l'offre de l'UPA. Cette dernière hypothèse a balayé du revers de la main: « Au contraire. La gestion de l'offre a été mise sur place par le PLC et nous continuons à l'appuyer. Ce dossier est considéré comme une priorité pour notre gouvernement et nous continuons à défendre les intérêts de nos producteurs, y compris l'intégrité de la gestion de l'offre », répondait Jacqueline Belleau, attachée politique de la ministre Bibeau.

D'un côté, l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) considère que le lait diafiltré, dont la teneur en protéines est de 15 %, est l'équivalent, quand il est séché et réduit en poudre, aux isolats de protéines laitières (IPL) qui en contiennent 85 %. De l'autre côté, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) le considère comme du lait frais qui peut être ajouté sans limites aux recettes de fromages, yogourt et crèmes glacées, deux réalités antinomiques.

Diafiltré ou en IPL (lait en poudre) ces deux sous-produits déjà écrémés entrent dans de nombreux aliments destinés aux animaux et aux humains. Cette dernière technique de transformation permet d'extraire 87 % d'eau, 5,7 % de lactose et minéraux, 4 % de matière grasse et 3,3 % de protéines. Les IPL doivent être réhydratés avant de servir. Le lait diafiltré, composé essentiellement de protéines et d'eau, est plus simple à utiliser.

Pour maintenir efficace la gestion de l'offre, le contrôle des importations prend tout son sens. Elle ne cesse de croître. Elles sont passées de 16 250 tonnes en 2013 à 32 550 tonnes en 2015. Les producteurs canadiens estiment à plus de 220 M$ les pertes qu'ils doivent individuellement supporter. Les surplus non gras sont séchés pour être vendus à perte. Ce dernier élément divise ceux de l'Ontario et des autres provinces. En Ontario, on souhaiterait que les deux grandes entreprises de séchage du lait poursuivent leur travail et se modernisent tandis que les producteurs visent à contrôler les importations et la tarification, tenant compte surtout du fait que les É.-U. subventionnent fortement l'agriculture.

La ministre a témoigné de la qualité de la rencontre qui s'est déroulée dans un climat posé, respectueux. « Je sais que vous avez les nerfs à fleur de peau, ce que vous vivez c'est très difficile », concluait-elle. « C'est une priorité, on va continuer à pousser ; on va vous tenir au courant, j'espère très rapidement. »


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