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Pour le meilleur ou le pire

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 22 novembre 2023

Dans les thèses qu'il a écrites sur Feuerbach, la XIe, le philosophe allemand Karl Marx disait : « jusqu'à maintenant, les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer. » S'il y a quelque chose d'universel à toutes les générations, c'est bien cette idée d'appel à l'action pour améliorer les choses. Toutes les générations ont ce projet chevillé au cœur. Il n'a pas qu'une façon pour parvenir à améliorer le monde dans lequel nous vivons.

De nombreux chemins s'offrent à nous. Certains permettent d'entrevoir des voies ensoleillées, d'autres ressemblent à des culs-de-sac. L'important pour la jeunesse c'est que l'espoir ne cède jamais devant la désillusion. Il faut toujours garder l'espoir, mais il faut aussi se défaire de nos illusions. C'est ce qu'avait dit un jour l'ancien premier ministre du Québec, René Lévesque : « Le défi c'est de perdre ses illusions tout en conservant l'espoir. » Réfléchissons à cela ensemble à partir de trois destins différents...

Trois itinéraires distincts...

Le décès prématuré de Karl Tremblay, l'icône des Cowboys Fringants et la lecture de la biographie de madame Louise Harel et de l'autobiographie de madame Catherine Dorion sont le prétexte à ma réflexion de ce matin.

Karl Tremblay et les Cowboys fringants

Une image contenant personne, chanter, concert, Équipement audioDescription générée automatiquementComme tout le monde, la disparition prématurée de monsieur Karl Tremblay a assombri ma dernière semaine. J'écrivais à ma fille qui est de cette génération que cela devait beaucoup la toucher. Il est rare que des membres de la génération y voient disparaître des icônes de la génération X qui font partie de leur repère culturel. Cela dit, les Cowboys Fringants par leur musicalité festive, par leurs textes engagés et par leur longévité ont réussi en durant à devenir quasi universels pour toutes les générations au Québec. Les textes, la musique, la voix douce de Karl Tremblay font partie aujourd'hui de l'ADN du Québec et ils ont aussi réussi à exporter cet ADN dans l'ensemble de la francophonie dans le monde. Le départ de Karl Tremblay est en ce sens une lourde perte pour le Québec tout entier. À cet égard, je suis d'avis que la proposition du premier ministre Legault d'offrir des funérailles nationales à Karl Tremblay, ce troubadour du Québec contemporain, est pleinement justifiée. La famille choisira alors ce qu'elle souhaite.

Les Cowboys Fringants se sont pleinement inscrits dans la mouvance universelle de transformer le monde dans lequel ils vivaient en le chantant et en le célébrant. Avec une modestie sans pareille, Karl Tremblay et ses comparses ont chanté nos espoirs, nos désespoirs et nos rêves comme peu d'autres interprètes. C'est pourquoi le départ prématuré de Karl Tremblay est si vivement ressenti par tous. Il nous reste à espérer que celles et ceux qui restent choisiront de poursuivre à interpréter notre monde afin de l'améliorer. Même si les manifestations ne changent rien comme le dit l'une de leurs chansons, il n'en demeure pas moins que leur prestation nous fait du bien et nous aide dans nos volontés d'améliorer le monde dans lequel nous vivons. La trajectoire de Karl Temblay et des Cowboys Fringants est tout à fait réussie.

L'iconoclaste punk... Catherine Dorion

Une image contenant texte, afficheDescription générée automatiquementCelle de Catherine Dorion est plutôt un échec. La diva de la gauche, la punkette de service, Catherine Dorion a publié ces derniers jours aux éditions Lux, Les Têtes brûlées, carnets d'espoir punk. Un livre que j'ai lu cette dernière semaine pour pouvoir le commenter intelligemment sans me faire le porte-voix de la détestation de madame Dorion. J'ai été amèrement déçu de son récit. En fait, celles et ceux qui disent que pour l'ex-député de Taschereau tout tourne autour de Catherine Dorion ont raison. Ce livre qui relate son expérience en politique est en fait le récit du ressenti de madame Dorion qui a pour centre le je, me, moi. Bien sûr, il y a de forts passages où elle dépeint Gabriel Nadeau-Dubois comme un mâle dominateur et manipulateur. Je n'ai pas de sympathies particulières pour Gabriel Nadeau-Dubois (nous ne sommes pas parents...) ni pour Québec solidaire, mais je trouve que les charges de Catherine Dorion contre Québec solidaire ou ses co-porte-parole Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois sont improductives.

Le récit de madame Dorion aurait pu s'intituler : « Récit de l'expérience de Catherine Dorion, député non pas de Québec solidaire, mais de Québec solitaire ». En somme, madame Dorion nous livre le témoignage excentrique d'une femme perdue en politique. Le débat qu'elle mène sans le nommer est celui qui confronte l'action réformiste à l'action révolutionnaire. Un vieux débat de la gauche qu'elle ne sait pas nommer dans son livre. Une trajectoire décevante de madame Dorion. Elle voulait changer le monde, mais elle ne l'a que distrait. Le meilleur résumé que nous pourrions faire du témoignage de madame Dorion nous vient de l'un de ses ex-collaborateurs, Phillippe Bouliane qui sur le réseau X écrit en la comparant à madame Manon Massé : « Au département des marginaux au parlement, elle a réussi là où Catherine a échoué. Le centre de gravité de l'action politique de Catherine, c'est elle-même. Celui de Manon, c'est les autres. » Je le crois sur parole.

La rebelle : madame Louise Harel

Une image contenant texte, Visage humain, habits, sourireDescription générée automatiquementDans un tout autre registre, on peut aussi regarder la trajectoire de madame Louise Harel qui a été un pilier du Parti québécois durant de nombreuses années. La voix discordante du Montréal-centre, l'éternelle opposante de René Lévesque alors qu'il était un prince incontesté, la femme allergique aux compromis, mais qui a réussi à en faire avec des adversaires comme madame Monique Gagnon-Tremblay, ministre libérale de la condition féminine sous le gouvernement de Robert Bourassa, pour faire adopter la Loi sur le patrimoine familial. Louise Harel était une leader étudiante au temps de l'Union générale des étudiants du Québec. Elle fut aussi une inlassable combattante pour ses électrices et ses électeurs du comté de Maisonneuve pour lesquels elle avait une loyauté sans faille.

Madame Harel s'est distinguée par sa force de conviction et son ardeur au travail. Elle a mené à bien la fusion des municipalités, dossier éminemment complexe sous le gouvernement de Lucien Bouchard avant de se retrouver sur la scène politique municipale à Montréal. Louise Harel apparaît dans la biographie qu'a écrite Philippe Schnobb, aux éditions La Presse, il y a quelques semaines, comme « une femme complexe qui a su survivre... à force de conviction. » (Philippe Schnobb, Louise Harel. Sans compromis, Montréal, Éditions La Presse, 2023, 377 p.)

Une trajectoire plutôt réussie pour madame Louise Harel qui a su comme rebelle transformer le monde dans lequel elle a vécu.

Transformer ou interpréter le monde...

La phrase de Karl Marx tiré de sa critique sur les thèses de Feuerbach était la question de l'examen de mon cours de sociologie au Collège de Sherbrooke que j'avais suivi avec le professeur Jacques Gagnon. À cette époque, ma réponse était teintée d'un idéalisme qui vu d'aujourd'hui est attendrissant. Du haut de mon expérience et de mon âge, j'estime aujourd'hui que ma volonté de changer le monde n'a pas été aussi concluante que j'aurais voulu l'imaginer à mes 20 ans. À l'image de ce que souhaite la jeunesse aujourd'hui, j'estime avoir apporté ma contribution pour améliorer le monde dans lequel je vis. J'ai perdu certes des illusions, mais conservé l'essentiel : l'espoir d'un monde meilleur. Néanmoins, force est de reconnaître que changer le monde c'est aussi accepter d'être transformé par lui... Pour le meilleur ou pour le pire...



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