Nous sommes bel et bien en campagne électorale.
Elle sera longue. Nous y vivrons à coup sûr beaucoup de surprises et de
rebondissements. Bien malin qui pourrait prédire aujourd'hui l'issue de cette
élection.
Le premier coup de sonde de Léger Marketing, publié samedi dernier dans
le quotidien Le Devoir, nous laisse cependant
entrevoir des réalités que nous voyions se dessiner. Le parti conservateur de
Stephen Harper continue sa dégringolade au Canada dans les intentions de vote
et les néodémocrates de Thomas Mulcair semblent incarner plus que jamais le
changement désiré par les Canadiens. Justin Trudeau et ses libéraux progressent,
mais ils sont encore incapables d'incarner pour de nombreux Canadiens les
changements souhaités pour ce pays. Qui plus est, de tous les candidats en
présence, c'est Thomas Mulcair qui est vu comme le meilleur « premier ministrable ».
Au Québec, on s'apprête à vivre une seconde
vague orange sans Jack Layton. Étrangement, les seules bonnes nouvelles de ce
sondage pancanadien de Léger Marketing pour les conservateurs c'est leur force
dans la Capitale nationale et dans la Beauce. Sur la base de ce sondage, les
conservateurs pourraient ajouter des députés au Québec. C'est loin d'être fini
cette campagne!
Ce qui m'amène à vous parler des vraies
affaires pour les Canadiens dans cette campagne électorale...
Les enjeux
Le même sondage nous indique que les Canadiens
sont vivement préoccupés par la relance de l'économie canadienne et du sort
réservé à ce que la classe politique et les analystes qualifient de classe
moyenne. En fait, les gens sont préoccupés par l'économie et par leur capacité
de tirer leur épingle du jeu pour eux et pour leurs proches. Ce n'est guère
étonnant dans une société de consommation comme la nôtre que les principaux
obstacles à une bonne vie soient identifiés comme enjeux principaux :
relance économique 39 %, aide à la famille et à la classe moyenne 38 %,
création d'emplois 34 % et l'élimination du déficit et une bonne gestion
de l'État 24 %.
Pour les Canadiens, les vraies affaires c'est
cela : l'économie. La bonne vie. Bref, la capacité d'assurer son avenir et
celui de sa famille. Juste derrière apparaissent trois enjeux de grande
importance pour les Canadiens : la préservation de Radio-Canada et de
Postes Canada avec 18 %, la promotion et la défense de son coin de pays avec
16 % et finalement les changements climatiques avec 15 %. Plusieurs
autres enjeux sont importants pour les Canadiens comme la réforme du Sénat, le développement
des énergies vertes, de nouvelles infrastructures et tout au bas de cette liste
d'enjeux importants la lutte au terrorisme.
Les préoccupations du gouvernement Harper au
sujet de la loi et l'ordre et son refus d'intervenir pour aider les familles et
les Canadiens de la classe moyenne autrement qu'en distribuant des chèques aux
riches d'une main qu'il reprendra demain de l'autre main, par le biais de
l'impôt sur le revenu, semble donc le disqualifier lors de l'entrevue pour
l'emploi de premier ministre du Canada. Sur le plan des enjeux perçus par les Canadiens,
des vraies affaires comme le disent les libéraux du Québec, c'est le NPD de
Thomas Mulcair qui incarne le mieux, selon ces mêmes Canadiens, leur volonté de
changement suivi de près par l'équipe libérale de Justin Trudeau. Ce dernier
semble avoir de la difficulté à convaincre le comité de sélection que
représentent les Canadiens de lui confier le poste de premier ministre. Que ce
soit Mulcair ou Trudeau, les attentes sont grandes. Prenons quelques exemples.
Radio-Canada
Il n'y a pas de meilleurs moments pour redire
ici avec force comment le sort de Radio-Canada est important pour ce pays.
Déjà, à plusieurs reprises, j'ai manifesté avec d'autres mes inquiétudes quant
à l'avenir de Radio-Canada. Je fus avec mon regretté collègue et ami Yves Bellavance
et Jean Lacharité à l'origine d'une mobilisation estrienne en faveur de
Radio-Canada. Cette mobilisation s'est poursuivie et approfondie grâce au
travail de Sylvie Bergeron et de Jacques Raby avec de nombreuses activités pour
témoigner de notre attachement à Radio-Canada. Ces initiatives ne sont pas
uniques en Estrie. Le Québec et le Canada francophone dans son ensemble se sont
mobilisés pour Radio-Canada.
Plus que jamais, aujourd'hui, il est temps
pour nous de demander des engagements fermes de la part tous les candidats et de
tous les chefs des partis politiques en présence. Comme l'Estrie a joué un rôle
précurseur du mouvement des Amis de Radio-Canada au Québec, je mets du défi
tous les candidats de tous les partis politiques en présence de prendre
l'engagement ferme de travailler à assurer Radio-Canada d'un financement public
stable et récurrent au même niveau que ce qui se fait de mieux ailleurs soit 100 $
par citoyen.
Que tous les citoyens qui rencontrent un
candidat lui demandent s'il est prêt à travailler à convaincre sa formation
politique et son chef de sauver Radio-Canada.
Bien sûr, ce qui serait plus intéressant c'est
que les différentes formations politiques en présence s'engagent formellement à
l'endroit de l'avenir de la SRC et pas par des vœux pieux ou des formules de
circonstances. Pour de vrai. Il faut assurer les Canadiens d'un service de
télédiffusion et de radiodiffusion public avec un financement stable et
récurrent de 100 $ par citoyen.
Postes Canada
L'image forte du maire de Montréal armé d'un
marteau piqueur détruisant une dalle de ciment destinée à accueillir des « superboîtes
postales » pour remplacer la distribution du courrier à domicile suffit à
démontrer la stupidité du geste posé par Postes Canada d'abolir son service de
courrier à domicile. Décision prise sans discussion et sans dialogue avec la
population canadienne. Une décision inique appuyée par le gouvernement Harper
qui doit être annulée. Postes Canada doit revoir sa décision et amorcer un
dialogue avec les Canadiens sur le type de services qu'ils veulent recevoir en
matière postal. Après tout, ce sont les Canadiens qui paient pour ces services.
On ne doit pas accepter que seuls les rôles d'employeur de Postes Canada et la rationalité
des relations de travail soient pris en compte. Une large consultation doit
être menée auprès de tous les Canadiens de toutes les régions de ce pays.
Le Sénat, le Québec
et le mûrissement des fruits
Enfin, il est clair qu'il faut réformer le Sénat
et les institutions canadiennes, mais cela c'est une tout autre histoire. On
devra se résoudre dans ce pays à parler à nouveau de constitution et de la
question nationale québécoise. C'est une question en suspens. On devra aussi
aborder les questions très difficiles de la reconnaissance des nations
amérindiennes et de la nation acadienne sans négliger pour autant des questions
plus difficiles encore de l'intégration des nouveaux arrivants et du sort des
francophones ailleurs au pays. Il faudrait aussi débattre de la place des
religions dans l'espace public, du multiculturalisme canadien et bien sûr de
nos lois sur la liberté d'expression et de la mobilité des personnes en
relation avec notre paranoïa quant au « terrorisme musulman ».
L'avenir de la planète
Et je n'ai pas encore abordé la question
fondamentale : aurons-nous encore une planète si nous n'agissons pas face
aux enjeux des gaz à effet de serre et plus globalement de la question des
changements climatiques. Avons-nous le droit moral de ne pas agir sur ces
questions? Pouvons-nous détruire un bien qui nous est prêté au seul profit de
notre intérêt immédiat? Ma réponse c'est non.
Combattre les politiques du carbone passe
aussi par une autre politique notamment en matière de politique étrangère. L'eau
et le pétrole étant le carburant de tous les conflits. Seuls nous ne pouvons
rien face à ces cataclysmes annoncés. Il faut penser ces problèmes globalement
et agir localement comme nous le rappellent les écologistes.
En fait, si comme John Lennon le chantait déjà
brillamment dans sa populaire chanson : Imagine, si l'on
imaginait un monde sans guerre, sans peur, sans larmes et sans famine. Si l'on
imaginait un monde transformé, remodelé. Si, à tout hasard, ce monde nouveau,
pour advenir, avait besoin comme porte-parole des femmes et des hommes
politiques qui voudraient changer le monde, si ces femmes et ces hommes étaient
nos candidats actuels alors et simplement alors, nous pourrions vivre ensemble une
grande campagne électorale. Là, on parlerait vraiment des « vraies
affaires »....