On ne pourrait trouver meilleure expression pour décrire l'état actuel de la politique américaine sous la présidence de Donald Trump. En poste depuis un an maintenant, Donald Trump exerce le pouvoir de président comme nul ne l'a fait auparavant. Le moins que l'on puisse dire à ce sujet, c'est une présidence atypique. Les commentateurs et les analystes de la politique américaine en perdent tous leurs moyens lorsqu'il s'agit de comprendre ou de prédire les actions posées par ce président et leurs répercussions sur la politique intérieure ou étrangère du gouvernement américain. Excursion au pays de Donald Trump.
Une société plus divisée que jamais...
Jamais depuis l'époque de la guerre civile, la société américaine n'est apparue aussi divisée contre elle-même. Les états du sud contre ceux du nord, les régions urbaines contre les régions semi-urbaines et rurales, les tenants d'un libéralisme de compassion contre les partisans d'un conservatisme néo-libéral, les partisans des droits individuels à tout prix contre les tenants d'un état régulé et celles et ceux qui croient à un rôle des États-Unis dans le monde contre ceux qui souhaitent voir ce puissant pays se replier sur lui-même.
Ces césures de la société américaine sont depuis longtemps présentes, mais jamais elles n'ont été aussi exacerbées que sous la présidence de Donald Trump. Ce président imprévisible souffle à la fois le chaud et le froid. Par exemple, avec son slogan « American First », il a entrepris de démanteler toutes les politiques américaines depuis la seconde guerre mondiale en matière de fleuron de la liberté et du libéralisme dans le monde. Les États-Unis sont à abandonner le monde que ce pays a construit à partir des valeurs américaines de liberté, de solidarité, d'entraide et de paix. Il faut dire que ce rôle n'était jamais étranger aux intérêts américains, mais il était parfois civilisateur dans certains coins du monde aux prises avec de violents conflits.
L'abandon du monde par les États-Unis d'Amérique
J'entends déjà certains me lancer la pierre en m'accusant de me porter à la défense de l'impérialisme américain, l'une des pires formes de colonialisme du 20e siècle. Pourtant, mon intention n'est pas de me faire le chantre de la puissance américaine perdue, mais de souligner plutôt le rôle important du pays le plus puissant du monde en matière de politique étrangère et de force régulatrice pour préserver la paix mondiale. Nous pouvons bien nous raconter des histoires, mais la stabilité de l'économie canadienne est largement tributaire de ce rôle de notre voisin du sud en matière de politique étrangère.
Au-delà du conflit rocambolesque des États-Unis avec le régime de la Corée du Nord, les Américains ont à jouer un rôle important dans la stabilité politique du Moyen-Orient et du maintien de la paix entre Israël et ses voisins. La décision du président Trump de prendre fait et cause pour Israël et de reléguer aux oubliettes la solution de deux États dans les territoires occupés de la Palestine et à Jérusalem constitue un changement draconien de politique dans ce coin de la planète où le moindre changement peut avoir l'effet d'un détonateur dans une poudrière.
La politique de Donald Trump envers ses alliés européens est aussi un marqueur d'un profond changement. En prenant ses distances avec la défense du territoire européen tel que l'avait fait le précédent régime du président Obama, Donald Trump donne du lest à la Russie de Poutine pour poursuivre sa politique agressive envers certains pays voisins. Que dire aussi du désengagement du régime de Trump envers les institutions internationales comme l'ONU, l'UNESCO et plusieurs traités, dont celui sur les changements climatiques. Tout cela ne fait qu'affaiblir les États-Unis d'Amérique tout créant des situations de tensions internationales. Même son meilleur ami le Canada fait les frais de la politique de Trump dans les dossiers concernant les échanges économiques entre ces voisins aux économies de plus en plus intégrées.
Trump et le Canada
Le dossier le plus chaud entre nos deux pays est sans conteste celui de la renégociation de l'ALENA, traité économique entre nos deux pays et le Mexique qui a donné de solides résultats en matière d'emploi et de création de richesse pour les classes moyennes américaines et canadiennes tout au moins. Les effets de ce traité au Mexique sont moins clairs quant à ses répercussions positives pour réduire les inégalités et les déséquilibres entre les Mexicains. La renégociation de ce traité à la demande du président Trump ne va pas bien. Les demandes américaines sont irréalistes et sont contraires aux intérêts de notre pays sur bien des aspects notamment en matière d'automobile, de culture et d'agriculture.
Si le Canada cédait aux demandes des Américains dans le cadre des négociations actuelles, nous mettrions en péril notre économie dans bien des secteurs notamment celui du commerce de détail en accédant aux demandes américaines concernant le commerce en ligne.
Pourtant, le traité de libre-échange avec les Américains, les chiffres le prouvent, laisse un bilan commercial en équilibre entre nos deux pays même si tel n'est pas le cas avec le Mexique pour les États-Unis. Malgré ce fait, le président Trump maintient sa ligne dure protectionniste même si cela est au détriment de sa propre économie. Dans ce cas, les faits n'ont que peu d'importance pour ce président qui vit dans le monde de Trump et dans sa réalité de faits alternatifs.
Heureusement la semaine dernière, le tribunal américain du commerce international a rejeté les prétentions fausses et injustes de Boeing envers Bombardier concernant la vente des avions de la CSeries en territoire américain et a aboli la surtaxe de près de 300 % que le département de commerce avait imposé aux avions de Bombardier. N'empêche que cette bonne nouvelle ne peut faire oublier nos tracas avec le bois d'œuvre, l'aluminium et l'industrie automobile qui sont menacés par les velléités protectionnistes du régime de Trump.
Reconnaissons néanmoins que dans ce contexte difficile et jamais vu, le gouvernement libéral de Justin Trudeau tire bien son épingle du jeu. La signature du traité Asie-Pacifique (TPP) est un bon coup et risque d'ennuyer Donald Trump et l'amener à de meilleurs sentiments à l'égard de l'ALENA, c'est du moins ce que peut laisser croire les propos qu'il a tenus la semaine dernière à Davos quand il a déclaré que « l'Amérique en premier » ne voulait pas dire « le monde sans l'Amérique ». Une petite avancée.
Le monde de Trump
Quoi qu'il en soit, la présidence de Trump commence à être moins amusante pour bien des pays dans le monde et pour nous au Canada. Sans nous mêler de politique intérieure américaine, nous ne pouvons qu'être inquiets par la paralysie du Sénat et du Congrès, de la montée du racisme au détriment de l'avancée des lois sur la liberté civile dans la foulée du régime du président Lyndon B. Johnson, de la libre circulation des armes meurtrières et des lois iniques de Trump sur l'immigration qui ne sont pas sans conséquence pour nos frontières comme l'a illustré la crise des illégaux l'été dernier. Sous Trump, on peut dire sans nuance qu'aux États-Unis, le diable est aux vaches...