J'ai passé une grande partie de ma vie
professionnelle à faire de la politique au sein du Parti libéral du Québec. En
fait, j'y ai œuvré plus de 20 ans, de 1982 à 2003, la très grande majorité du
temps comme militant bénévole.
J'ai eu le bonheur de travailler avec des gens
qui m'ont marqué par leur rigueur et leur dévouement à la chose publique. Des
gens, pour n'en nommer que quelques-uns, comme Robert Bourassa, Gérard D.
Lévesque, Daniel Johnson, Claude Ryan, Monique Gagnon-Tremblay, Jean Charest,
Yvon Vallières, Robert Benoit et même Philippe Couillard.
Des inquiétudes
En 2003, juste après l'élection de Jean
Charest comme premier ministre, j'ai quitté le monde de la politique active. Je
n'avais plus le feu sacré de la politique. J'ai néanmoins toujours gardé un
intérêt comme observateur attentif. En 2012, j'ai comme citoyen dénoncé la
politique du gouvernement de Jean Charest par rapport à la hausse des frais de
scolarité et surtout je me suis inscrit en faux contre la loi spéciale qui
restreignait les droits et libertés des Québécois dans la mouvance du conflit
qui opposait ce gouvernement aux étudiants. Je disais alors ne plus reconnaître
le Parti libéral du Québec.
Malgré tout, en avril dernier, j'ai salué
avec beaucoup de joie l'élection d'un gouvernement libéral dirigé par Philippe
Couillard. Six mois après l'élection de Philippe Couillard comme premier
ministre, des inquiétudes m'habitent quant à l'action de ce gouvernement. Avant
de le critiquer, j'ai pensé dresser la liste des travaux de Philippe Couillard
pour remettre le Québec sur la voie de la prospérité et de la justice sociale. Aujourd'hui,
je partage cette liste avec vous. Libre à vous de faire votre propre liste...
L'économie
Sur le plan de l'économie, il y a beaucoup
à faire. Les finances publiques crient famine, les emplois à temps plein sont
remplacés par des emplois à temps partiel et l'écart entre les plus riches et
les plus pauvres s'accentue même au Québec. La recette que semble privilégier
le gouvernement Couillard est un retour au néo-libéralisme et à une attaque
sans précédent aux structures de l'État et à ses ramifications en région.
Le premier travail de Philippe Couillard
consiste à fortifier la force économique du Québec. Cela devrait être sa
principale obsession. La question est comment y arriver? Philippe Couillard qui
aime lire, contrairement à son ministre de l'éducation Yves Bolduc, devra
prendre la peine de consulter l'excellent essai de Paul St-Pierre Plamondon
intitulé Les orphelins politiques
publié chez Boréal. Je lui recommande tout particulièrement le dernier chapitre
consacré au modèle scandinave. Il pourra à la lumière de cette lecture
comprendre la fatuité des recettes de redressement économiques néo-libérales.
S'il considère qu'il n'est pas convaincu, je lui suggère l'excellent livre de
Stéphane Paquin intitulé Social-démocratie 2.0
que j'ai déjà recommandé dans cette chronique. Il comprendra, je n'en doute pas
un instant, qu'il est possible de concilier un État fort, des taxes et des
impôts élevés, des syndicats et une croissance économique vigoureuse. Il pourra
découvrir que la social-démocratie est un modèle de développement porteur pour
le Québec et que le mimétisme avec nos voisins, tant canadien qu'américain
n'est pas garant de succès pour le Québec.
Le développement économique du Québec passe
par un État stratège et fort de ses régions. Un Québec soucieux de son
empreinte écologique en matière de développement et disposant d'une force de
réglementation civilisatrice pour les entreprises privées. Le capitalisme non
réglementé est un bar ouvert pour le copinage et les amis de tous les pouvoirs.
Il faut civiliser le capitalisme et l'initiative entrepreneuriale par des lois
sévères et équitables. Obsession de la force économique, défense des régions,
promotion du développement durable, règlementation sévère pour les entreprises
privées et rénovation du modèle économique québécois en regard d'une social-démocratie 2.0,
voilà les travaux qui devraient attendre Philippe Couillard en matière
économique. La remise du Québec sur les rails de la prospérité et la justice
sociale passe par le renouvellement du modèle québécois par un modèle social-démocrate
2.0.
Le déficit démocratique
Point n'est besoin de faire la
démonstration que nous vivons au Québec un lourd déficit démocratique. Le lien
de confiance entre gouvernants et gouvernés est brisé. Le cirque politique
québécois ne fait rien pour améliorer ce triste constat. L'affaire PKP fait la
démonstration qu'au Québec les grands principes derrière lesquels nous nous réfugions
sont souvent rattrapés par notre partisanerie crasse.
Philippe Couillard qui a promis un
gouvernement transparent doit se soucier de ce déficit démocratique. À
commencer par la condition de base, établir un véritable dialogue social, une
vraie conversation publique sur l'avenir du Québec et de notre État. Ce n'est
pas les consultations bidon de type relations publiques ou les commentaires sur
des sites Web qui créent les conditions essentielles à une confiance de la
population dans les processus démocratiques. Cela est encore plus vrai au
Québec puisque nous avons été trahis par nos élites, tant politiques que
d'affaires, comme l'a démontré éloquemment la Commission Charbonneau.
Pour rétablir ce climat de confiance, il
faut de la transparence, un dialogue entre les partenaires économiques et
sociaux, la fin du copinage politique avec son cortège de nominations des amis
de nos amis, la divulgation en temps réel des analyses et des éléments factuels
dans des dossiers chaudement discutés comme ceux du projet du pipeline et du
port à Cacouna par exemple et la fin de la culture d'un gouvernement du secret pour
un gouvernement du bien commun. Immense changement de culture à l'horizon.
L'identité québécoise
Philippe Couillard avait fait preuve d'un
grand courage et d'une lucidité impressionnante quand il avait affirmé qu'il
avait pour objectif de faire en sorte que le Québec soit réintégré
officiellement dans la grande famille canadienne en réparant l'affront du
rapatriement illégitime de notre point de vue de la constitution canadienne en
1982. Le réparateur Mulroney n'a pas réussi son œuvre de réconciliation avec
Meech. Il en a résulté de profondes blessures et des cicatrices, mais le Québec
n'est toujours pas un membre bienvenu dans la famille canadienne à moins qu'il
ne laisse sa véritable identité au vestiaire. Nous en sommes encore à l'ère du
fruit qui n'est pas mûr et à la coercition du plan B de Stéphane Dion et Jean
Chrétien.
Pourtant, il faut que les tenants de
l'appartenance du Québec au Canada fassent valoir haut et fort que nous voulons
appartenir à ce grand pays qu'est le Canada, mais dans la pleine reconnaissance
de notre identité propre. Nos lois, nos coutumes, notre langue et notre façon
de vivre.
Notre langue
Il faut aussi refuser de jouer plus
longtemps à l'autruche et reconnaître que la langue française est menacée à
Montréal. Je ne dis pas qu'elle est menacée par la faute des Anglais ou des nouveaux
arrivants, mais elle est menacée par plusieurs phénomènes, dont notre propre
incurie. Il faut cependant prendre des mesures fermes pour en assurer la
pérennité. C'est la même chose pour vaincre la peur de l'autre chez nous. Il faut
consacrer plus de ressources à l'intégration des nouveaux arrivants au Québec.
Il faut tout particulièrement nous assurer de leur intégration au marché de
l'emploi. Ce n'est pas en nous exprimant qu'en anglais sur la scène
internationale que nous ferons la preuve de notre attachement à notre langue.
Le Québec ma patrie
Le Québec c'est ma patrie. Je souhaite la
pérennité de la culture canadienne-française. Je souhaite que cette culture
enrichie par celle de mes compatriotes anglophones et fortifiée par la
coloration des cultures mosaïques des nouveaux arrivants fasse de ma patrie un
modèle de développement économique et social pour le reste du monde. Nous
pouvons imaginer un Québec plus juste, plus fort économiquement qui respecte la
diversité culturelle et la capacité de notre environnement physique dans une
culture originale de langue française en Amérique du Nord. Nous pouvons
imaginer un tel Québec dans un nouveau Canada. Pour cela, il faudra que le Québec
se donne une autre politique que l'actuelle politique du gouvernement de Philippe
Couillard. Il faut qu'au plus vite on voit à l'œuvre
monsieur Couillard dans ses efforts pour accomplir les travaux de Philippe...
Lectures recommandées :
Paul St-Pierre Plamondon, Les orphelins politiques, Montréal, Boréal,
2014, 252 p.