Philippe est salarié. Il reçoit donc un pécule prédéterminé pour accomplir un nombre de tâches précises. On évaluera la performance de Philippe sur les résultats qu'on pourra mesurer. Et pour s'assurer que tout est clair, on lui donnera un objectif précis. Une cible à ne pas manquer.
Pareil pour Michel.
Il dirige une entreprise. L'objectif qu'il reçoit est de dégager un surplus net d'au moins 15% à la fin de chaque année. On comprend donc que Michel mettra tout en place pour y arriver. En bon gestionnaire, il appliquera des principes de base. Mais il prendra bien soin de donner à chaque principe un nom qui favorisera l'acceptation de ce principe.
Par exemple, plutôt que d'expliquer son réel objectif (accumuler au moins 15% de profit net par année), il dira agir de façon responsable pour assurer la pérennité de l'entreprise. Si on lui dit qu'on peut assurer la pérennité avec moins de 15% de profit net, il plaidera « l'ensemble des paramètres économiques régissant ce type d'industrie » pour affirmer que, dans le fond, il n'a pas le choix.
Agir de façon responsable, même si c'est autoproclamé, ça passe bien.
Autre exemple. Plutôt que dire qu'il coupe des postes pour diminuer ses dépenses et assurer sa maximisation du profit net, il dira qu'il n'a d'autre choix que de faire une « rationalisation des ressources humaines pour obtenir un ratio plus rassurant selon le benchmark reconnu par l'ensemble des intervenants et bailleurs de fonds dans ce type d'industrie ». Ajoutez à cela un air dépité et voilà, non seulement vous atteignez l'objectif monétaire, mais vous avez même un certain capital de sympathie de la part même des gens touchés. Sans même passer par Stockholm!
Mais revenons à Philippe.
Il est premier ministre du Québec. Son objectif ultime? Être réélu. Il a reçu un mandat de la population, j'en conviens, mais il en a aussi un de son parti. Rester là. Contre vents et marées, mais rester.
Puisque c'est l'objectif ultime, il agit de façon à l'atteindre. Comme Michel le fait ailleurs.
Et ça donne ce que ça donne. Comme l'annonce économique du ministre Laetao cette semaine. Une vision purement électoraliste camouflée derrière les mots « agir de façon responsable », « être à l'écoute des familles », « réinvestissement massif » en éducation et autres...
Il faut juste noter au passage que si les réinvestissements annoncés sont qualifiés de massifs, il faut trouver une épithète bien plus grosse pour parler des désinvestissements faits au cours des dernières années au nom de l'agissement responsable. Parce qu'il arrive même à le dire sans rire : « on a coupé nulle part ». Non, ils n'ont pas coupé, ils ont investi moins!
Il faut jeter un œil sur le milieu communautaire et sur les ressources qui sont coupées dans les écoles pour constater le manque à gagner permanent qui a été créé. Ce manque à gagner contribue à créer des iniquités entre les personnes. On hypothèque le principe de la chance égale à tous au nom de l'objectif à atteindre.
Mais comment en vouloir à Philippe? Son objectif est de rester au pouvoir. Il fait ce qu'il faut pour influencer le vote en ce sens.
Cette chronique ne s'attaque pas à Philippe.
Elle s'attaque à une façon de faire et de penser qui dicte un objectif qui n'est pas en concordance avec le bien commun.
Au fond, il faudrait redéfinir l'expression « agir de façon responsable ».
Clin d'œil de la semaine
« J'entends la population », dit le politicien. Mais comme personne d'autre que soi ne sait ce qu'on entend vraiment...