On est capable
Pierre Bourgault, le grand orateur et communicateur québécois, a déjà lancé cette phrase : « on est capables ». Depuis, on sent aussi que non seulement nous sommes capables, mais qu'en plus nous sommes à plusieurs égards meilleurs que les autres. Il ne faut pas un grand succès pour que nous criions au génie surtout si ce succès est reconnu à l'étranger comme Félix Leclerc qui n'est devenu pour nous un grand chansonnier qu'après avoir obtenu cette reconnaissance des Français. Ce n'est pas étonnant que nous ayons tant de « success stories » à la Bombardier, Céline Dion, Cirque du Soleil, Mario Lemieux, Jacques Villeneuve et Alain Lefebvre. Nous avons l'habitude dans nos grands médias à grossir nos succès quand ils sont reconnus à l'étranger et à minimiser nos réussites quand elles sont locales et qu'elles n'ont pas obtenu la reconnaissance des Autres au sens des étrangers. Cela dénote un trait important de notre personnalité collective : notre insécurité et le manque de confiance en soi.
Le modèle québécois
La défense du modèle québécois est aussi l'une des caractéristiques du Québec contemporain. Il faut dire qu'une tendance forte de notre historiographie a longtemps laissé entendre que le Québec est né avec la Révolution tranquille. Une vision fortement remise en question de notre histoire ces dernières années. Quoi qu'il en soit, on s'est fait des accroires qui ont la vie longue. Ainsi, le Québec contemporain serait né dans la foulée de la Révolution tranquille sous l'impulsion de personnalités fortes comme entre autres, Jean Lesage, Claude Morin, Arthur Tremblay, Jacques Parizeau et René Lévesque. Selon cette vision étriquée de notre parcours historique, le Québec aura inventé l'interventionnisme économique pour créer la justice sociale. La création de la castonguette, l'éducation gratuite, les programmes sociaux, la protection de la langue et de la culture française, la nationalisation de l'électricité sont autant de points marquants de cette glorieuse époque. On occulte cependant dans cette version simplifiée de notre histoire collective le fait que la majorité de ces mesures sont des adaptations d'initiatives de l'Ouest canadien sous l'impulsion du CCF. Ce parti s'était pour sa part inspiré des mesures prises en Angleterre au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Sans oublier l'influence des actions du Président Roosevelt avec son « New Deal » et celles du gouvernement libéral de Mackenzie King. Le modèle québécois est un héritage occidental et le seul trait que nous lui avons donné c'est de faire de la social-démocratie un système fermé qui chez nous se traduit trop souvent par une égalisation vers le bas comme modus operandi. Le modèle québécois sacralisé devient ainsi le triomphe de la médiocrité de l'étatisme sur l'initiative et la créativité.
Le complexe du colonisé
La base même du discours nationaliste de type ethnique s'abreuve de la peur de disparaître comme race sous l'impulsion d'écrits comme ceux du démographe Jacques Henripin qui a fait carrière à l'Université de Montréal. Cela se traduit par un discours public nourrissant notre peur de l'anglais, certains discours xénophobes contre le multiculturalisme et la liberté de religions. Les tenants de cette thèse souhaitent que l'État québécois adopte des lois tatillonnes pour protéger le fait français et notre héritage catholique. On souhaite aussi, c'est le cas du débat initié par le ministre Drainville à propos d'une charte québécoise de la laïcité, bannir tous les signes autres religieux de l'espace public institutionnel. Ce complexe du colonisé et cette peur de l'Autre sont des obstacles majeurs à l'épanouissement de notre identité collective.
La peur du changement
Malgré les apparences, le Québec est une société conservatrice qui n'aime pas les changements. Sur le plan économique, cela se traduit par l'omniprésence de l'État dans le développement économique. La loi de la protection de l'offre en agriculture, la fixation de prix par l'État pour les livres, le refus d'exploiter nos ressources naturelles pour protéger soi-disant l'environnement, la volonté de conserver l'universalité de tous les programmes sociaux sont autant d'éléments qui pointent vers notre incapacité à réinventer le modèle québécois et à vaincre notre peur du changement. Dans une économie de plus en plus réseautée et où le traitement de données et la manipulation de celles-ci sont plus importants que celle de la vraie matière, le taux de littératie du Québec (je l'ai évoqué dans une chronique précédente) a de quoi donner des frissons. Le Québec pourra-t-il s'adapter à un monde nouveau sans changer quoi que ce soit? Poser la question c'est y répondre.
Nos valeurs contemporaines
Les tendances lourdes qui marquent notre vie collective sont loin d'être uniques. Elles sont partagées par bien de nos voisins. Néanmoins, elles permettent de nous laisser entrevoir des valeurs largement partagées par de nombreux Occidentaux de pays aux économies avancées. Les voici :
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Le progrès économique accompagné de justice sociale;
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La compassion sur une base d'équité et de justice sociale;
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L'ouverture aux autres dans le respect de ce que nous sommes;
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L'affirmation du fait français et de la culture des Québécois de souche dans un Canada reformulé;
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La modernité dans la continuité;
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La protection de notre habitat naturel;
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L'affirmation de la prédominance de nos droits collectifs sur les droits individuels;
C'est à partir de ces valeurs qu'il faut réfléchir à notre relation avec l'Autre. Ce qui sera l'objet de notre prochaine chronique. Néanmoins, quoi que l'on en dise, le peuple québécois n'est pas un peuple élu par Dieu et il ressemble dans ses valeurs à plusieurs autres communautés nationales que nous retrouvons en Occident.
À suivre...
Tweet de la semaine
« Les hommes naissent et demeurent égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. » - Bernard Pivot, Les tweets sont des chats, Paris, Albin, Michel, 2013, p.19.
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