Dans la foulée de la déclaration du chef du parti québécois Pierre Karl Péladeau concernant la réforme du mode de scrutin, le Mouvement démocratie nouvelle a choisi, dans une conférence de presse tenue le vendredi 4 mars dernier, de ressusciter le débat autour de cette réforme.
Ce n'est pas la première fois que la société civile cherche à mobiliser la population à l'égard d'une réforme du mode de scrutin. Tous les principaux partis politiques québécois ont d'ailleurs promis à un moment ou à un autre de le réformer. L'Assemblée nationale a mené de nombreux travaux à cet effet. On est même déjà arrivé à un quasi-consensus quant à sa réforme en y introduisant un mode proportionnel.
Élire des députés au scrutin proportionnel
Sans entrer dans les arcanes juridiques et les différentes mécaniques d'après les modèles proposés, celui qui semble obtenir la faveur des réformistes du Mouvement démocratie nouvelle se résumerait ainsi : élire 75 députés conformément à la formule actuelle en utilisant les limites des comtés qui épouseraient les mêmes frontières géographiques que les actuels comtés fédéraux au Québec. Puis, élire 50 autres députés selon une formule proportionnelle en les rattachant à des régions administratives du Québec. À terme, ce mode de scrutin donnerait des parlements plus représentatifs de tous les partis politiques en présence et conduirait le Québec sur les sentiers de gouvernements de coalition permanents. Un changement draconien à la culture ambiante et qui donnerait la main haute aux partis sur le jeu politique. Ces idées, bien qu'attrayantes au premier abord, ne m'apparaissent pas comme suffisantes pour répondre à la désaffection grandissante des citoyennes et des citoyens à la vie démocratique. Elles ne sont pas assez novatrices pour enrayer le cynisme politique ambiant. Il faut penser en dehors de la boîte et prendre en compte les nouvelles réalités de nos sociétés branchées et en réseaux.
Les enjeux passés sous silence
La vision des choses qui nous est suggérée dans le sillage des propositions du Mouvement démocratie nouvelle passe sous silence plusieurs enjeux. D'abord, le système proposé ne remet pas en cause l'un des problèmes majeurs de notre vie démocratique soit l'emprise totale du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif. Il faudrait, selon moi, mettre en œuvre des mesures énergiques pour faire en sorte que le premier ministre élu ne puisse plus gouverner le Québec comme un monarque dans une monarchie absolue. Il faut aussi revaloriser le rôle de nos représentants élus et faire de chaque membre de notre Assemblée nationale des gens libres de représenter ses commettants sur la scène nationale et non pas de représenter le gouvernement auprès de ces derniers.
Un autre enjeu majeur est le peu de place faite aux membres de la société civile dans nos institutions parlementaires et dans nos règles de gouvernance. Nous savons tous l'impact majeur dans notre vie démocratique des groupes de pression et des mouvements citoyens. Les institutions actuelles ne laissent que la rue à ces groupes. Pourquoi ne pas envisager de leur faire une place de choix dans la dynamique démocratique comme le font les états sociaux-démocrates de l'Europe du Nord?
Un troisième enjeu est l'affadissement de la démocratie de représentation au profit d'une démocratie participative. Au moment où nous pouvons faire nos transactions financières par le biais du réseau Internet, il apparaît de plus en plus intenable de ne pas utiliser les mêmes moyens pour faire participer les citoyennes et les citoyens aux décisions les plus importantes dans leurs vies. Pourquoi ne pas mettre à contribution de façon régulière par des votes par Internet les citoyennes et les citoyens? Nos représentants élus ne sont-ils pas tenus de représenter leurs commettants? C'est du moins la rhétorique que l'on nous sert à chaque élection. Les gouvernements se soucient tant de nos opinions qu'ils dépensent chaque année des millions de dollars en sondage pour interroger nos reins et nos cœurs et décider à notre place. Dans un tel monde nouveau, nos représentants élus deviendraient non seulement des législateurs, mais aussi des animateurs de leur milieu.
Enfin, un autre enjeu parmi de nombreux autres est la limitation du nombre de mandats des députés. Le système actuel a tendance à favoriser la professionnalisation de la politique plutôt que de voir cela comme un service offert à la communauté. La politique devient un métier plutôt qu'une occasion de servir. Cela crée des situations inappropriées pour nous tous. Certes, devenir un représentant élu serait alors une tâche plus lourde, il faudrait donc payer les gens qui se lancent dans une telle aventure à un juste prix.
Quelques idées en vrac
Introduire un élément proportionnel dans notre système démocratique n'est pas une mauvaise idée en soi, mais cela n'est pas suffisant pour redonner de la vigueur à notre vie démocratique. Il faut faire plus.
Il faut réformer le système parlementaire actuel et y introduire une seconde chambre qui représenterait la société civile. Une sorte de Sénat nouveau style qui pourrait bonifier les projets de loi et les débats à notre Assemblée nationale. Ces représentants seraient élus à la proportionnelle et serait donc aussi légitimes que les autres élus de l'Assemblée nationale. Les modalités restent à définir, mais on comprend l'idée.
Il serait aussi intéressant de limiter le pouvoir de l'exécutif au profit du pouvoir législatif. Pourquoi ne pas emprunter des idées au système américain et faire en sorte que le premier ministre élu au suffrage universel et chef d'un parti procède au choix de ses ministres à l'extérieur des élus de l'une ou de l'autre chambre? Ainsi, nous aurions plus de compétences pour gérer les affaires de l'État et celles et ceux qui s'investiraient en politique pour devenir ministres et qui n'aiment pas l'idée de représenter des électeurs pourraient accéder à des fonctions ministérielles sans passer par une élection. Il faudrait cependant que ces futurs ministres soient admis par les chambres des élus selon des mécanismes à peaufiner. De la sorte, les élus seraient des élus à plein temps au service de leurs concitoyens.
Dans un tel système, la ligne de parti ne serait plus aussi importante et cela permettrait aux représentants élus de défendre les intérêts de ses commettants dans les assemblées représentatives plutôt que de défendre le gouvernement auprès d'eux.
Enfin, il faudrait mettre en place des mécanismes de vote par Internet et définir que, sur les projets et sur les sujets importants, les élus devraient prendre en compte l'opinion de la population dans le cadre du processus législatif et décisionnel.
Dans une réforme de ce type, il serait alors à propos d'y introduire un mode de scrutin proportionnel. Tout cela représenterait une rupture radicale, un changement de culture politique nécessaire et essentiel. Oui vraiment, le temps est venu au Québec de réformer la démocratie. Il n'y a pas de doute possible, la démocratie est à réformer...