Quel est l'enjeu principal en 2014? Si on me posait la question, je répondrais l'équilibre.
Pour atteindre l'équilibre, il faut être conscient de ce qui nous entoure. Et, surtout, en tenir compte. Sur un fil de fer, si je ne tiens pas compte des vents contraires, de la pluie ou du froid, je suis dans le trouble. C'est bon pour l'individu, l'environnement, la société.
L'épisode que vit le Dr Bolduc met en lumière la notion de l'équilibre. Celui qu'on a perdu, en fait.
La fameuse prime est indigeste. Elle finit par lever le cœur quand on la défend comme elle a été défendue.
Il existe un vieux principe, en politique, qui prévaut toujours : pour se sortir d'une situation aiguë, il n'y a rien de mieux que de plaider des valeurs qui sont communes. Dans ce cas-ci, plutôt que de parler de la nature des choses reprochées, on a préféré détourner l'attention vers les vertus du travail.
Le travail est noble. Il permet de gagner sa vie, ce qui, dans notre système économique, est assez basique. Il permet aussi une valorisation stimulante. Le travail sécrète une « hormone » intéressante : le sentiment du devoir accompli.
Mais le travail n'est pas tout.
Pour moi, le docteur Bolduc a bénéficié à tort d'un programme qu'il connaissait bien. Il était le ministre responsable du dossier au moment de sa mise en application. Il savait plus que quiconque que le programme de primes était un incitatif et non un salaire de base. Si, en son âme et conscience, il persiste à ne pas rembourser, c'est que son sens des valeurs n'est pas en ligne avec la notion du bien commun.
Le Dr Barrette, de son côté, est allé beaucoup plus loin. Plus creux, devrais-je dire. Il s'est mis à attaquer tout ce qui bouge. Et qui n'est pas d'accord avec lui. Et le tout au nom du travail et de la valeur de celui-ci.
C'est dégradant.
Crier haut et fort que 1 500 patients, c'est une tâche à mi-temps, c'est lancer des flèches empoisonnées partout. Ça veut d'abord dire qu'être député est un travail à mi-temps. C'est insultant pour la majorité des représentants du peuple qui prennent leur travail à cœur. C'est insultant, aussi, pour le peuple qui, lui, doit comprendre que la valeur d'un individu, ce qui lui donne tout son mérite, ce qui le rend intouchable dans la légitimité de ses actions, c'est la quantité de travail qu'il peut accomplir.
Je regarde autour de moi et je vois plein de cellules familiales qui naviguent dans un univers où la performance règne. Les deux parents travaillent. Et doivent le faire pour maintenir un statut qui valide leur performance. Donc, leur mérite. Aujourd'hui, ils entendent de la bouche du Dr Barrette, que la valeur d'une personne se mesure au fait qu'il travaille 16 heures par jour, 7 jours par semaine. Ce statut accorde des privilèges moraux au Dr Bolduc. Il travaille fort et, donc, mérite tout ce qui vient avec.
Et le Dr Barrette persiste et signe : ceux qui ne sont pas d'accord doivent se retirer (l'ancien ministre Claude Castonguay) ou démissionner (l'opposition). Le ministre termine en disant que ce n'est qu'à cause de la polémique potentielle des gens qui ne comprennent rien à rien qu'il ne prend pas un deuxième emploi : le poste de ministre et député lui laisse beaucoup de temps libre.
Le Dr Couillard appelle au calme, mais en n'agissant pas. Il est en début de mandat. Il sait bien qu'on oubliera. Pourquoi changer une formule gagnante...
Pour ma part, je continuerai à plaider pour les vertus du travail. Mais je continuerai à croire que le mérite ne va pas à la quantité et que la recherche d'une forme d'équilibre est saine.
Dr Barrette, vous êtes ministre de la Santé. Vous êtes porteur du message de la santé au Québec. Ce que vous dites a une portée. Ce que vous faites aussi. Un bon médecin de famille vous inviterait nécessairement à revoir les éléments de votre vision.
Clin d'œil de la semaine
En boutade, je me disais, cette semaine, que tous les témoins de la Commission Charbonneau ont cette caractéristique de travailler très fort....