Peu satisfaits des démarches du gouvernement de Justin Trudeau pour trouver rapidement des solutions à l'importation du lait diafiltré des États-Unis, et malgré la promesse de Marie-Claude Bibeau, députée de Compton-Stanstead et ministre du Développement international et de la Francophonie, d'accélérer les négociations pour arriver à une entente définitive, les producteurs agricoles descendent dans la rue. Le manque à gagner de 200 M$ par année compromet cette entreprise qui a pour base le lait de vache frais, prétendent-ils.
Il y a peu, ils manifestaient leur frustration en se rendant à Granby. Cette protestation a été suivie d'un front commun de l'industrie. Y ont témoigné Pierre Paradis, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ), Marcel Groleau, président de l'Union des producteurs agricoles, Bruno Lévesque, président des Producteurs de lait du Québec, et Serge Riendeau, président d'Agropur, coopérative laitière. L'UPA, les Producteurs de lait du Québec et Agropur ont publié un communiqué de presse commun dont sont extraites les citations suivantes.
Le ministre Paradis demandait au gouvernement fédéral de « mettre fin à l'aveuglement volontaire lié à l'application de ses propres règles qui causent d'importants préjudices à nos producteurs laitiers et qui privent les consommateurs d'une information juste et pertinente. »
Le président de l'UPA, pour sa part, s'interrogeait sur le fait que le fédéral « ne fasse pas respecter sa propre réglementation en traitant le lait diafiltré pour ce qu'il est: un ingrédient laitier dont l'utilisation dans les fromages est plafonnée. » Outre les pertes d'argent qui menacent leur saine gestion, ils en ont ras le bol des tergiversations sur le sujet. La solution, ils la connaissent. Le ministre fédéral de l'agriculture Lawrence MacAuley l'a reconnu. « Selon les normes compositionnelles du fromage, il n'a jamais été dans les intentions que le lait diafiltré soit utilisé au lieu du lait », indiquait-il à La Terre de chez nous. Les producteurs veulent voir l'application de ce principe mis en place rapidement.
M. Riendeau fait remarquer la double valeur du lait diafiltré considéré comme une substance protéique par l'Agence des services frontaliers du Canada, d'un côté et du lait selon l'Agence canadienne des inspections des aliments de l'autre bord. « Le gouvernement doit prendre acte du fait que les producteurs et la majorité des transformateurs lui demandent d'agir et d'appliquer ses propres règles. »
Bruno Letendre rappelle les dangers que peut représenter la définition des normes, lesquelles entrent dans le libellé des ententes. Lait et substance protéique pour désigner le lait diafiltré par les agences ne sont pas synonymes. Cet imbroglio sémantique cause des pertes estimées à quelque 200 M$ annuels. Les producteurs indiquent que leur manque à gagner mensuel s'élève à plus de 12 000 $ par mois par ferme. « L'augmentation exponentielle de lait diafiltré déséquilibre la gestion de l'offre et a un impact très négatif sur les revenus des producteurs », démontre-t-il. Poursuivant sur l'ambiguïté de sens, il mentionne que « cette brèche, qui s'additionne aux concessions importantes accordées par le Canada dans les accords de libre-échange avec l'Union européenne et avec les pays membres du Partenariat transpacifique, menace clairement la pérennité de la politique agricole canadienne pour le secteur laitier si elle n'est pas colmatée urgemment. »
L'Industrie laitière au Québec monopolise directement et indirectement les forces vives de plus de 83 000 personnes. Elle génère un PIB de 6,2 G$, dont 1,29 G$ retournent dans les deux paliers de gouvernement. On dénombre 5 856 fermes laitières qui traient quelque trois milliards de litres de lait pour un revenu total de 2,4 G$. Malgré l'importance de ces chiffres, la production laitière est menacée. Quelque 250 fermes ont mis fin à leurs opérations au cours des derniers mois. Dans La Terre de chez nous, on indique que 200 fermes pourraient être démantelées d'ici la fin mai.