« Le
vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce
clair-obscur surgissent les monstres ». Cette
citation d'Antonio Gramsci peut nous aider à comprendre le monde actuel dans
lequel nous vivons. Les manchettes n'en finissent plus de nous raconter notre
histoire où toute la place est laissée à l'individualisme, à l'égoïsme social
et à la déresponsabilisation. La démocratie que l'on aime bien citer comme
notre système fond sous nos yeux. Le vouloir vivre-ensemble, expression à la
mode, ne veut rien dire. Réflexions d'un citoyen exaspéré du monde actuel qui
fait l'objet des manchettes.
L'affaire Mx
Juste cette dernière semaine, nous
avons eu droit à une avalanche de commentaires disgracieux sur les égouts
sociaux à l'endroit d'une personne enseignante qui ne voulait pas se faire
appeler madame ou monsieur. Cette personne qui démontre sa préférence pour un
genre neutre, genre Mx et son prénom, a parfaitement le droit d'exprimer son
identité de genre sans pour autant faire l'objet de l'opprobre social. Il est
totalement inacceptable que cette personne soit l'objet de commentaires
disgracieux de la part de quiconque.
Néanmoins, s'il est admis, comme l'a
dit le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, que nous puissions accorder
une valeur à ce que nos enfants appellent leurs enseignants par une marque de
déférence à l'autorité comme monsieur ou madame, nous devons proposer un
dénominateur commun pour toutes les personnes qui ne se reconnaissent pas en un
monsieur ou une madame. Cette appellation devra à la fois respecter l'identité
de genre de la personne concernée et traduire dans les faits la marque de
déférence à l'autorité que nous souhaitons. La solution envisagée doit être à
la fois respectueuse des différences exprimées par une très petite minorité,
mais aussi respecter la majorité que nous sommes. Il y a certes matière à
discussion, mais pas à l'injure ni à l'opprobre. D'autant plus que selon la
directrice de l'école primaire de l'école concernée, cette demande de
l'enseignante a très bien été acceptée par les enfants et les parents
directement concernés par la question. Voilà un exemple de l'un de nos monstres
qui se pointent le nez, celui de la haine et de l'intolérance.
Le scandale des
abus sexuels de nos enfants
Un autre sujet qui a fait les
manchettes ce dernier vendredi est le rapport commandé par le ministre de l'Éducation,
Bernard Drainville. Ses commentaires sur son rapport sont sans appel. Le
ministre a déclaré que : « Je suis extrêmement préoccupé par ce que j'ai
lu. » Il a aussi affirmé que la sécurité des enfants à l'école est la priorité
en éducation avant de déclarer qu'il y a des lacunes importantes dans la
manière dont les organismes scolaires et le ministère traitent les plaintes.
Mais aussi des lacunes dans la façon dont sont gérés les dossiers des personnes
visées par des allégations d'inconduite.
Au fond parmi les problèmes identifiés,
il y a le fait tout simple que le ministère de l'Éducation n'a pas les données
personnelles des employés qui vont d'une région à l'autre. La loi de la
protection des renseignements personnels interdit à un employeur de transférer
des renseignements à un autre employeur même si tous travaillent pour le
gouvernement du Québec. Le ministre Drainville promet de remédier à cela dans
l'étude de son projet de loi sur l'accès aux données qui sera discuté à
l'Assemblée nationale dans les prochaines semaines. Il sollicite la collaboration
des partis politiques d'opposition. On verra bien où cela mènera. La tenue
d'une élection complémentaire prochainement dans le comté de Jean-Talon, qui
sera chaudement disputée, n'aidera pas à mettre en œuvre des consensus intra
partisans.
Par ailleurs, je me demande comment
l'État québécois peut permettre à des gens employés par le pouvoir de nos taxes
de changer de région pour continuer à sévir. N'est-ce pas ce que nous avons
lourdement reproché à l'Église catholique romaine de déplacer ses membres
abuseurs d'un diocèse à un autre ? Pourquoi ce qui est totalement inacceptable
pour l'Église est acceptable pour l'État québécois ?
L'autre élément clé c'est que les
conventions collectives négociées entre les syndicats et les Centres de
services en région prévoient des clauses d'effacement des notes disciplinaires
dans les dossiers. J'ai entendu au moins un représentant syndical qui semblait
tenir à ce type de clause au nom de la protection de ses membres. Ainsi, les
syndicats au nom de la protection des droits de leurs membres vont devenir le
rempart de la défense des prédateurs sexuels. Si cela n'est pas l'un de nos
monstres, je ne sais pas ce que sont nos monstres. Le monstre du corporatisme
au détriment de la protection de nos enfants. Ras-le-bol et vous ?
Le déni de la démocratie
Parmi nos vaillants guerriers des
réseaux sociaux, ils s'en trouvent qui n'en finissent plus de défendre les
comportements de Donald Trump, aussi criminel que ses gestes puissent-ils être.
D'abord, d'où vient cette idée de commenter au Canada le caractère d'un
politicien étranger et de s'en faire les émules ? Le Canada n'est-il pas un
pays distinct ? Chose certaine, au Canada, Trump avec son lourd bagage
judiciaire ne pourrait faire campagne pour l'un de nos grands partis nationaux.
On ne pardonne pas à des politiciens accusés injustement alors comment
pourrait-on pardonner à un Trump ? Pourquoi alors ces commentaires si élogieux
envers Trump au Canada ?
Parlant toujours de démocratie, la guerre canadienne
du gouvernement Trudeau contre Facebook et Google a accouché d'une souris. Le
problème de l'effondrement des modèles d'affaires anciens des médias ne peut
trouver une solution durable en dehors de la révision des modèles d'affaire des
médias eux-mêmes. Ce n'est pas en créant des mesures bureaucratiques que nous
allons sauver la démocratie et les médias locaux. La solution la plus pérenne
c'est que nous les citoyennes et les citoyens payons pour les informations
locales, nationales et internationales. Au dernier décompte, nous n'étions que
11 % de la population canadienne à payer pour des abonnements aux médias.
Serions-nous nos propres monstres ? Des monstres d'hypocrisie qui versent des
larmes de crocodile sur l'importance de nos médias locaux, mais qui refusent de
payer pour les services qu'ils nous rendent ?
Nous sommes les monstres
En fait, les monstres que décrivait Gramschi qui
apparaissent dans le clair-obscur d'un monde en pleine mutation ne sont que nos
propres comportements de fuite en avant, notre égoïsme social, notre poursuite
effrénée de l'argent, du pouvoir. Nous manquons d'humilité et notre vision est
obscurcie par nos égos démesurés...