Hier, le gouvernement du Québec a déposé son budget. Au
moment d'écrire cette chronique, je n'ai aucune idée du contenu de ce discours
du budget, mais une chose est certaine c'est qu'il devra être porteur de bonnes
nouvelles. Année électorale oblige, le gouvernement de François Legault voudra
marquer le coup de son empathie avec la population québécoise qui fait face à
une inflation galopante notamment sur le plan du coût de l'énergie et de
l'insécurité lié aux crises de la pandémie et de l'Ukraine. Réflexions sur
l'état des finances publiques du Québec.
Des finances publiques saines
La semaine dernière, comme nous le rapporte le quotidien Le
Devoir dans son édition de samedi dernier, l'Institut du Québec (IDQ) a
dévoilé une étude réalisée à partir d'outils de simulation économique du
Conference Board du Canada selon laquelle il est postulé que non seulement les
finances du Québec disposeront d'une marge de manœuvre financière, mais que
celle-ci demeurera présente même après que les finances publiques subiront les
effets du vieillissement de la population. Selon l'Institut du Québec, les
finances publiques québécoises présenteront un fardeau d'endettement équivalent
à celui de 2019. C'est dire le travail sérieux qui a été fait pour contenir le
rythme des dépenses publiques sous le gouvernement de Philippe Couillard et de
son ministre des Finances de l'époque, Carlos Leitão.
À la lumière de cette étude, nous sommes plusieurs, je
m'inclus dans le lot, qui devrait regretter les propos très durs que nous avons
tenus à cette époque au sujet de l'austérité budgétaire du gouvernement libéral
de Philippe Couillard. Il faut rendre à César ce qui est à César et reconnaître
que la discipline budgétaire rigoureuse du tandem Couillard et Leitão est l'ingrédient essentiel qui explique la
bonne performance budgétaire du gouvernement Legault sur le plan des équilibres
financiers du Québec. Il nous faut aussi nous rappeler la loi sur l'équilibre
budgétaire du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard et la création du Fonds
des générations par le gouvernement libéral de Jean Charest. C'est dire que
même si l'opinion publique se comporte comme une bête sans contrôle trop
souvent, il faut fuir le bruit de la ville et se réfugier dans l'analyse des
choses si l'on veut bien comprendre le monde dans lequel nous vivons.
Cela est vrai aussi pour les finances publiques. Nous sommes
des nains sur des épaules de géants comme l'a affirmé Bernard de Chartres, maître du XIIe siècle, dans une métaphore utilisée pour montrer l'importance
pour toute personne ayant une ambition intellectuelle de s'appuyer sur les
travaux des grands penseurs du passé (les « géants »). Dans ce cas-ci, référer
au passé permet de conserver une certaine crédibilité intellectuelle lorsque
l'on souhaite commenter l'état des finances publiques québécoises.
Des finances publiques saines
Les prévisions de l'Institut du Québec nous informent qu'à
la veille du dépôt du budget par le ministre des Finances caquistes Éric Girard
les finances du Québec se portent très bien. Nous nous dirigions vers un déficit
de 1,6 milliard de dollars avant le versement prévu au Fonds des
générations pour l'exercice 22-23. Après le Québec devrait renouer avec de
légers surplus budgétaires malgré les coûts faramineux engendrés par la
pandémie avec nos programmes d'aide, nos achats d'équipements de protection,
les hausses de salaires des employés de l'État et les campagnes de vaccination.
Toujours selon ces mêmes prévisions, ce n'est qu'à partir de 2026-2027 que nous
retrouverons des déficits budgétaires qui au cours de cinq ou six ans devraient
atteindre le chiffre de 10 milliards de dollars. C'est donc dire que le
gouvernement de François Legault est bien en selle et selon toute probabilité il
fera réélire un gouvernement majoritaire encore plus imposant que l'actuel. Ce gouvernement
a amplement le temps de démontrer de quel bois il se chauffe pour mater une
fois pour toutes l'hydre des déficits au pays de Québec. François Legault qui
aime se décrire comme le champion de l'économie a de gros défis à relever. Il
sera intéressant de voir les résultats de son action sur l'équilibre des
finances publiques une fois l'effet Couillard-Leitão
disparu.
Des défis urgents...
Face à l'avenir, le gouvernement Legault devra relever
quatre principaux défis : le choc démographique, la crise des changements
climatiques, la pénurie de main-d'œuvre et la cohésion sociale du Québec.
Le choc démographique se traduira par une réduction des
revenus de l'État québécois de 2,83 % et d'une augmentation de ses
dépenses de 3,27 % alors que le secteur de la santé augmentera de 4,27 %.
Au-delà de ces chiffres inquiétants, c'est tout le système de santé qu'il faut
revoir. La pandémie nous en a fait voir les cruelles déficiences et
l'incapacité de celui-ci à nous protéger adéquatement. C'est hors de l'ordinaire
que des mesures sanitaires populationnelles soient décrétées pour protéger le
système de santé plutôt que la population. Le gouvernement Legault a le projet
de refonder le système de santé notamment en y introduisant plus de privés. Un
débat est à venir sur cette question et cela ne sera pas jojo.
La crise des changements climatiques continue de
s'amplifier. Les événements météo ponctués d'inondations, de sécheresse et
d'incendies sont très présents dans l'actualité. Malgré la pandémie, cette
crise des changements climatiques ne ralentit pas et ses effets seront aussi ou
plus dévastateurs encore que celui que nous avons vécu avec la crise sanitaire
de la COVID-19. Les convictions sont friables à ce sujet, car cela exige des
changements de comportements importants de toute la population. On peut le voir
notamment dans la volonté de certains de renouer avec l'économie du carbone en
exploitant le pétrole et construisant des pipelines pour répondre aux besoins
ponctuels d'énergie de l'Europe devant la guerre en l'Ukraine. Ce qu'il faut
faire c'est accélérer la transition énergétique vers des sources d'énergies
renouvelables vertes et non pas se servir du prétexte de cette guerre pour
justifier notre inaction.
La pénurie de la main-d'œuvre se fait sentir partout. Dans
notre vie quotidienne, nous voyons de nombreux établissements commerciaux de
proximité fermés faute de relève, des restaurants réduire leurs heures
d'ouverture, des entreprises incapables de soutenir la croissance de leurs
ventes. La pénurie de la main-d'œuvre est un vrai sujet de préoccupations. Cela
demande de repenser les modes de l'intervention de l'État dans l'économie.
Plutôt que favoriser la création d'emplois, ces programmes devraient favoriser
la création de la richesse. Il faudra aussi repenser les politiques de main-d'œuvre
et mettre à contribution toutes personnes en bonne santé et qui souhaitent
contribuer à la vie collective en revoyant notamment les taux d'imposition.
Bien sûr, au lendemain de la pandémie et de la crise
d'Ottawa, nous ne pouvons ignorer la cohésion sociale du Québec. S'il y a une
chose que nous savons mieux maintenant qu'avant la pandémie c'est que la
cohésion sociale du Québec peut être mise rudement à l'épreuve en temps de
crise. L'individualisme est plus florissant que jamais. Nous sommes loin,
malgré les propos du premier ministre Legault qui prétend le contraire, d'un
Québec tissé serré et communautariste. La cohésion sociale du Québec devrait
figurer au premier plan des préoccupations du gouvernement du Québec. Cela
pourrait commencer par la mise au rancart de cette arrogance qui distribue les
quolibets méprisants à celles et ceux qui ne partagent pas la vision du monde
du premier ministre Legault et des troupes caquistes comme on l'a fait cette
semaine à l'endroit de la député de Sherbrooke et leader de Québec solidaire,
Christine Labrie, en l'affublant de l'épithète de mère Teresa parce qu'elle
défendait la cause des mères sans place de garderies qui souhaitaient obtenir
une rente mensuelle pour les payer à rester à la maison. Plutôt que de la
baptiser, il aurait plutôt fallu rappeler à madame Labrie qu'elle défendait une
position similaire à celle jadis défendue par Mario Dumont, alors chef de
L'ADQ, qui voulait donner un salaire aux femmes pour qu'elles restent à la
maison. Comme position de gauche progressiste, on a vu mieux.
Le budget 2022 de Legault
Nous savons depuis hier si le gouvernement Legault a réussi
à présenter un budget qui répond aux véritables enjeux du Québec pour l'avenir
prévisible. Je fais le pari que l'on y retrouvera de nombreuses mesures
électoralistes et peu de gestes structurants qui prennent le taureau par les
cornes pour assurer l'avenir du Québec en répondant aux défis que représentent
le choc démographique, la crise climatique, la pénurie de la main-d'œuvre et la
cohésion sociale du Québec. Remarquez, je souhaite être dans l'erreur. Quoi
qu'il en soit, ce budget est électoraliste dans le sens que c'est pour le
gouvernement Legault son moment de vérité...