Le temps est bon, le ciel est bleu.
Certaines chansons restent en tête. Il suffit qu'un air soit
minimalement accrocheur et voilà, la semence est faite dans notre mémoire qui
emmagasine les paroles aussi. Oh! Pas toujours les bonnes, j'en conviens, mais
quand même!
Celle dont je parle en entrée de chronique a été popularisée
par Isabelle Pierre dans les années 1970. L'époque qui suivait directement la
Révolution tranquille au Québec et qui ouvrait la porte à des libertés aussi
nouvelles qu'excitantes.
Imaginez! Isabelle Pierre y disait ceci :
Le
temps est bon, le ciel est bleu,
J'ai
deux amis qui sont aussi des amoureux
Le
temps est bon, le ciel est bleu,
Nous
n'avons rien à faire, rien que d'être heureux.
Le
préado en moi y voyait un espoir, un engagement, une prophétie, presque!
On
nous parlait aussi, à l'époque, du concept de liberté 55, de la nouvelle
société de loisirs, de ce grand bonheur d'être là, d'exister. D'exister, que
dis-je! De vivre!
Pourtant.
À 62
ans, je ne vis toujours pas la liberté 55 promise. Je ne m'en plains
pas, remarquez! Je constate, simplement.
Les "deux
amis qui sont aussi des amoureux" se retrouvent probablement dans le bloc
de 50% des couples qui se sont finalement solidement coltaillés pour leurs
avoirs respectifs.
Je
sais, je suis sarcastique un peu. C'est une image pour décrire qu'en 2023,
alors que je repense à cette chanson des années 1970, je me sens un peu floué.
J'ai le mal de tête d'un lendemain de veille. Vous savez, cette fameuse veille
qui annonçait tellement plus que ce qui reste le lendemain?
Nous
n'avons rien à faire, rien que d'être heureux.
Au
milieu de tous les trucs servant à « assurer notre bonheur dans le confort
de notre foyer », les gens ont le bonheur nerveux, malmené, et appuyé par
une panoplie jamais vue de médicaments. Tout cela pendant que les plus jeunes
naviguent dans des eaux anxieuses comme jamais.
Le
bonheur échappé en chemin?
On a
oublié la valeur du bonheur. Je ne parle pas du grand, celui qu'on peine à
définir depuis des siècles. Je parle du petit bonheur quotidien. Celui qui nous
fait sourire plus souvent qu'à notre tour.
Celui
qui a le plus de valeur.
C'est
peut-être là, le problème, d'ailleurs. On veut mettre une valeur sur le
bonheur, mais notre société ne connaît qu'une manière de mettre une chose en
valeur, et c'est de la quantifier en argent.
Et
ça, ça ne marche pas!
J'ai été interpelé par une
phrase de Catherine Nadon, une athlète qui a comme passion de faire du
bénévolat pour de grandes compétitions sportives à travers le monde. « Dans ma tête, ce n'est pas du bénévolat.
C'est de connaître les bonnes personnes. Tu te fais un réseau social de bonnes
personnes [...] Les gens qui font du bénévolat ont le cœur sur la main. »*
Je demeure fasciné par les gens qui
donnent, comme ça, de leur temps. Sans attendre quoi que ce soit en retour. Je
veux dire, en argent ou en cadeau, ou en reconnaissance. Ça me fascine, parce
que j'ai l'intime conviction qu'ils sont riches de ce que leur rapportent ces
contacts avec d'autres humains. Tout simplement.
Et pour en avoir côtoyé beaucoup, il
y a cette petite étincelle dans le regard qui reste toujours allumée.
Petite étincelle qui témoigne de
petits bonheurs fréquents. Petite étincelle qui vient narguer, à la limite,
quand elle semble chanter : le temps est bon, le ciel est bleu...
Clin d'œil de la semaine
J'ai bien peur que liberté 55
soit devenue libârté 2023...
*Extrait d'une entrevue D'Isabelle
Pion, La Tribune