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Le miroir déformé de nos volontés

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 24 mai 2023

Ainsi donc si nous en croyons les plus récents commentaires formulés en marge des propos d'Émilie Foster, ex-député de la CAQ, notre démocratie souffrirait d'une trop vaste centralisation du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif et d'un trop plein de médias qui gonfleraient à l'hélium toute velléité de divergences au sein d'une formation politique. On ouvre ici le débat, un vieux débat, sur la mauvaise influence pour nous tous de la ligne de parti pratiquée dans nos démocraties parlementaires. Un beau débat, essayons d'en comprendre les tenants et les aboutissants. Réflexion libre sans ligne de parties.

Les partis politiques, un vieux débat

Au tout début de notre réflexion, il faut se poser une question toute simple. À quoi servent les partis politiques ? À Sherbrooke, nous avons eu droit à des débats mémorables sur la présence de partis politiques sur la scène municipale. Lors de la défaite du Renouveau sherbrookois de l'ex-maire Bernard Sévigny, nous avons trouvé beaucoup de gens qui attribuait sa défaite à la volonté des électeurs et des électrices de Sherbrooke de privilégier les indépendants plutôt que les partis politiques. Cela semblait se confirmer dans la victoire étonnante du prétendant Steve Lussier. De maigres exceptions s'opposaient alors au narratif triomphant voulant que les partis politiques municipaux n'avaient pas la côte à Sherbrooke : Deux membres du conseil issus du Renouveau Sherbrookois avaient alors été réélus, Danielle Berthold et Vincent Boutin alors qu'une porte-drapeau de Sherbrooke Citoyen a été élue dans le district du Carrefour, Évelyne Beaudin. Malheureusement pour les tenants de l'histoire de la désaffection des Sherbrookois pour les partis politiques municipaux, en 2021, madame Beaudin s'est fait élire mairesse de Sherbrooke avec une forte délégation de représentants de son parti à l'hôtel de ville de Sherbrooke. Il semble bien que les partis politiques ne soient pas si mal-aimés finalement.

Mais la question fondamentale demeure : À quoi servent les partis politiques ?

Les partis politiques, à quoi ça peut servir ?

Les partis politiques jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des démocraties modernes. Ils servent de mécanismes d'organisation et de représentation des intérêts politiques des citoyens. Leur principale fonction est de mobiliser et d'articuler les opinions, les valeurs et les aspirations de différents groupes de la société.

Les partis politiques fournissent un moyen efficace pour les citoyennes et citoyens de participer au processus politique. Ils offrent une plateforme pour exprimer leurs préoccupations, proposer des solutions et influencer les politiques publiques. Les partis politiques agissent comme des intermédiaires entre les gouvernants et les gouvernés, en facilitant la communication et en canalisant les demandes des citoyens vers les institutions politiques.

Les partis politiques contribuent aussi à la stabilité politique en fournissant une structure organisée pour le débat et la prise de décision. Ils offrent un cadre pour la formulation et la promotion de programmes politiques cohérents. Les partis politiques permettent également de créer un équilibre entre les différentes forces politiques, évitant ainsi la concentration excessive du pouvoir entre les mains d'un seul groupe ou d'individus.

Bref, les partis politiques jouent un rôle fondamental dans nos sociétés démocratiques. Ils permettent l'expression des idées et des opinions, représentent les citoyens, forment et sélectionnent les dirigeants et participent à la gouvernance démocratique. En ce sens, ils sont des outils essentiels à la démocratie qui contribuent puissamment à favoriser le pluralisme, la représentativité et la stabilité. Ils ne sont cependant pas exempts de dérive. Nous n'avons qu'à observer ce qui se passe chez le Parti républicain aux États-Unis pour nous en convaincre. Par ailleurs, l'omnipuissance du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif est un réel problème et c'est de cela dont nous parle l'ex-député Émilie Foster plutôt que de ligne de parti si on cherche à mieux comprendre ce qu'elle a voulu décrire par ses écrits et ses déclarations sur le sujet.

La ligne de parti, parlons-en...

La ligne de parti est aussi essentielle à la démocratie parlementaire que l'eau aux poissons. Mais il faut s'assurer de conserver une fine ligne d'équilibre entre la volonté des partis et la liberté d'expression des représentants élus. Voyons cela de plus près.

La ligne de parti joue un rôle fondamental dans le fonctionnement des systèmes politiques démocratiques parlementaires. Elle est souvent considérée comme une double épée tranchante, capable d'assurer la cohérence et la discipline partisane tout en limitant la liberté de pensée et d'action des représentants élus.

Dans notre démocratie parlementaire, les partis politiques jouent un rôle essentiel en rassemblant des individus partageant des idées et des valeurs communes. La ligne de parti représente la position officielle adoptée par un parti sur une question donnée, et les membres du parti sont généralement tenus de la soutenir. J'écris généralement, car ces dernières années, on a vu apparaitre dans nos parlements une certaine liberté des représentants élus sur des questions liées à des choix éthiques par exemple, le droit à mourir dans la dignité (forme d'euthanasie douce) ou encore l'avortement ou la peine de mort. Mais peut-on imaginer un monde dans lequel la ligne de parti n'existerait plus ? Moi je suis d'avis que non. Cela donnerait lieu à beaucoup d'instabilité politique, à l'incapacité de dégager des majorités claires, à des consensus sociaux forts sur des enjeux stratégiques ou qui nous divisent et cela pourrait menacer le droit des minorités. La majorité triompherait toujours. Cela encouragerait l'irresponsabilité ainsi que la fragmentation politique. Pour une nation minoritaire comme celle du Québec, cela n'est pas très favorable à sa pérennité.

Que conclure ?

La ligne de parti et les partis politiques sont là pour de bon malgré les hauts cris de certains. Penser le monde autrement nous mène aux lubies d'une vision anarchisante de la société. Ce qui ne signifie pas pour autant que rien ne doit être fait pour combattre les pires dérives de notre système actuel. Par exemple en prenant des mesures pour diminuer l'emprise du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif ou pour donner un rôle plus important aux représentants élus de chaque comté.

Il est évident qu'à une époque, où les corps policiers ont de la difficulté à recruter parce que la relève ne veut pas vivre dans un ordre hiérarchisé et qu'elle veut être consultée refusant d'être de simples exécuteurs d'ordre, on est loin de la coupe aux lèvres. Dans un monde où le refus de toute autorité est devenu la norme, il semble difficile de faire vivre nos institutions comme auparavant. Il est clair qu'il faut que nous apportions des correctifs majeurs à nos façons de faire et de voir. Les débats sur le rôle des partis politiques et la ligne de partis ne sont que la pointe de l'iceberg.

Dans l'idéal, la ligne de parti devrait être équilibrée avec la liberté individuelle des représentants élus. Il est important de permettre aux législateurs de débattre ouvertement des questions, d'exprimer leurs opinions et d'agir en fonction de leur jugement, tout en restant fidèles aux valeurs fondamentales de leur parti. Cela nécessite une culture politique qui encourage le dialogue, le respect mutuel et la responsabilité individuelle.

Cela est un idéal. Nous savons cependant que les humains ont tendance à oublier leurs principes pour obtenir la gloire. Nous sommes plusieurs à ne pas mettre en pratique le conseil du vieux sage et ancien premier ministre et chef fondateur du Parti québécois, René Lévesque qui avait déclaré qu'une fois au pouvoir on devait perdre ses illusions sans perdre son idéal.

Il faut aussi comprendre avec toute lucidité que la démocratie ne sera jamais autre chose que le miroir déformé de nos volontés...


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