La langue de chez nous. « C'est une langue belle, avec
des mots superbes », dit la chanson.
C'est vrai.
On le voit moins, il me semble, ces années-ci, mais ça
demeure vrai. Notre langue est riche d'images, de sonorités, de contrastes...
J'en conviens, explorer cette richesse demande un effort. Et nous sommes,
visiblement, à contre-courant en ce domaine. L'effort est souvent remplacé par
des raccourcis qui passent partout, faisant fi des conjugaisons, des accords et
autres peccadilles du genre.
Entk...
Il y a, il me semble, un je-m'en-foutisme flagrant en lien
avec la langue. Et je ne parle pas que du langage codé des médias sociaux. Je
n'ai rien contre ce langage dans la mesure où il n'implique pas qu'on ignore
comment écrire correctement.
Et non, ne me dites pas que je suis un nostalgique poète qui
vit dans le passé. Et ne me dites pas non plus qu'il y a trop de règles, trop
d'exceptions et que c'est compliqué pour rien. Votre argument serait trop
facile.
C'est vrai qu'il y a des pièges linguistiques nombreux et
pas toujours compréhensibles. Mais si l'on accorde les verbes de telle ou telle
manière, ou qu'on écrit un mot de telle ou telle manière, ce n'est pas pour
rien. C'est par souci de clarté. De compréhension.
L'autre jour, je reçois une facture au bureau. Rien de bien
spécial. La date qui apparaît remonte à quelques semaines déjà. Un peu plus
d'un mois, en fait. Elle est estampillée du mot PAYEZ. En rouge. Et en gros.
Je réfère à ma collègue de la comptabilité qui me dit :
« Ça me dit de quoi, ça... » Les gens de la comptabilité ont souvent
cette mémoire photographique... Elle me revient, quelques minutes après, avec
l'explication. « Ces gens-là voulaient être payés à l'avance pour le
projet, ce que nous avons fait. La facture est, en fait, un reçu. »
J'imagine que la personne voulait dire PAYÉ ou PAYÉE, c'est selon...
Je sais, c'est un bien petit exemple. Mais je m'inquiète. Je
m'inquiète de sentir qu'on marche sur du mou. Qu'on se fout un peu de tout et
qu'on se dit que la personne va comprendre, peu importe comment on écrit la
chose.
Inquiétant, aussi, de voir la France enrubanner son propos
de mots anglais, avec ce petit air tellement décontracté, comme si le goût du
jour nécessitait qu'on se "franglise" de plus en plus. Un ami me
racontait que l'entreprise pour laquelle il travaille a décidé de changer son
logiciel d'exploitation interne. Rien de bien spécial, me direz-vous, ça
arrive. Je sais, mais ce qui est spécial, c'est que la version française n'a
été faite que pour le Québec. La France a opté pour la version anglaise. C'est
plus « in », j'imagine.
C'est pouiche....
La lueur de l'espoir apparaît, cela dit, dans la création
artistique des gens d'ici. Écoutez les slameurs et rappeurs francophones
s'exprimer, portez attention aux paroles des chansons (surtout celles qui
sortent un peu du moule commercial) et vous entendrez chanter la langue
française. Vous découvrirez le plaisir d'entendre quelqu'un s'exprimer avec des
mots qui sonnent juste, qui ont une couleur, une saveur, qui disent quelque
chose de précis.
Autre exemple. Que j'invente de toutes pièces pour résumer
le malaise.
Cela se passe, disons, en mode texte sur un blogue en lien
avec mon travail. Quelqu'un m'écrit :
-
Vos groupes de suivi de deuil, c'est religieux,
cette affaire-là?
-
Non, les notions et les repères sont plus larges
et se veulent inclusifs.
-
OK. D'après vous, Il faut être croyant pour
survivre à un deuil?
-
Non, pas vraiment...
-
Donc, on peut vivre sans foie?
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Je ne crois pas, non...
-
Je ne vous suis pas...
-
C'est vrai que ce n'est pas simple... il faut
parfois chercher un peu...
Ouais, je sais, je suis parfois de mauvaise foi. Mais juste
des fois.
Clin d'œil de la semaine
-
Fuck, man, la langue, c'est full important, come
on! Lance le Québécois au Français
-
Ouais, bon, mais comme on dit en France :
so what.