On le croyait disparu, mais il n'en est rien. Donald J.
Trump continue de hanter l'actualité. Ce personnage singulier qui a connu une
présidence erratique et une carrière d'homme d'affaires sous le sceau de la
controverse fait encore les manchettes. Cette fois, il occupe l'avant-scène de
l'actualité pour des inculpations criminelles devant la justice. Malgré cela,
Donald J. Trump ne cesse d'étonner les commentateurs politiques pour sa
résilience auprès de son électorat. Il est un bon exemple du vieil adage qui
affirme que ce qui ne tue pas rend plus fort.
Dans le cas de Trump, il semble que l'adulation quasi
religieuse que lui voue sa base électorale n'aura pas de fin. Cela sera-t-il
suffisant pour remporter et les primaires américaines et les élections à la
présidence de 2024 ? Nul ne le sait et bien malin qui saura prédire la suite de
cette histoire incroyable que le parcours de ce personnage rocambolesque.
Néanmoins, il ne faut pas s'y tromper. Trump n'est pas la cause des malheurs de
la démocratie américaine, mais un épiphénomène qui traduit la perte de confiance
et de repères non seulement de la démocratie américaine, mais de l'ensemble des
démocraties occidentales. Ce qui se passe avec Trump et la démocratie
américaine aura des effets délétères sur les autres démocraties et sur nous au
Canada. Tentons d'y voir plus clair.
Le cas de Donald
Trump
Donald Trump, en tant qu'ancien président des
États-Unis, a été une figure très polarisante dans le paysage politique
américain. Son mandat a été marqué par des décisions controversées et des
déclarations incendiaires qui ont suscité des réactions passionnées à la fois
de ses partisans et de ses opposants. Aujourd'hui, il continue à jouer ce rôle
de figure polarisante en affrontant le système américain de justice dans ses
fondements et en affrontant les institutions de son pays.
Ses partisans ont soutenu ses politiques
économiques, ses efforts pour réduire la réglementation et ses nominations de
juges conservateurs à la Cour suprême. D'un autre côté, ses opposants ont
critiqué son comportement imprévisible, son usage intensif des médias sociaux
pour communiquer des messages parfois controversés et son approche souvent
acerbe envers ses adversaires politiques.
En ce qui concerne l'avenir de la démocratie
américaine, il est difficile de prévoir avec certitude comment les événements
se dérouleront. La démocratie américaine est ancrée dans des institutions
solides et un système de contrôle des pouvoirs qui a été testé tout au long de
l'histoire du pays. En fait, l'avenir de la démocratie américaine dépendra de
la volonté des dirigeants politiques et du peuple américain de respecter les
principes fondamentaux de l'État de droit, de la
séparation des pouvoirs et des droits de l'homme.
Lors de l'élection présidentielle de 2020, le
système démocratique américain a été soumis à un stress considérable en raison
de contestations juridiques et d'accusations de fraude électorale de la part de
Donald Trump et de certains de ses partisans. Cependant, les tribunaux, y
compris la Cour suprême, ont rejeté ces allégations, et le processus électoral
a finalement été certifié et accepté par le Congrès.
Les
procès que l'État américain tiendra contre l'ancien président Trump sont une
lutte sans merci entre le système de justice et ce personnage singulier. Des
procès dont la clé est la survie et la résilience des institutions américaines devant
une attaque sans précédent qui met en cause la démocratie et son avenir.
L'avenir ressemblera à quoi ?
Dans un futur prévisible, l'avenir de la démocratie
américaine dépendra en partie de la façon dont les dirigeants politiques et les
citoyens traiteront les défis à venir, tels que la protection des droits
électoraux, la réforme électorale, la gestion des divisions partisanes et la
lutte contre la désinformation. En fin
de compte, la démocratie est un processus évolutif, et les États-Unis
continueront probablement d'affronter des défis et des débats sur la meilleure
façon de gouverner et de représenter ses citoyens. Les événements futurs
façonneront la direction que prendra la démocratie américaine, mais son succès
continu dépendra de l'engagement et de la participation citoyenne pour
préserver ses valeurs fondamentales.
Les juges peuvent bien condamner Donald J. Trump à
l'issue de l'un ou l'autre des procès en cours ou à venir, mais le véritable
enjeu c'est ce que fera sa base partisane. Dans un pays armé jusqu'aux dents et
pour lequel la violence est une constante de leur histoire, il y a de quoi
nourrir des inquiétudes quant à l'avenir. Les États-Unis sont au bord d'une
guerre civile aux conséquences imprévisibles. Déjà, des œuvres de fiction ont
envisagé ce possible dans des œuvres comme celle de Margaret Atwood avec sa
dystopie La servante écarlate ou plus récemment dans les romans de
Douglas Kennedy Les hommes ont peur de la
lumière et son plus récent Et c'est
ainsi que nous vivrons. Sans compter toutes les séries télévisées qui font
de la guerre civile la toile de fond de leurs intrigues par exemple la série Walker produite par CBS avec des
anarchistes qui s'en prennent aux rangers au Texas.
Ce que vit la démocratie américaine aura des
répercussions sur l'ensemble des démocraties occidentales, et sur nous au
Canada. Aujourd'hui comme hier, les événements qui sont vécus aux États-Unis
ont des répercussions importantes sur la vie politique canadienne.
La guerre des Canadas
Pour vous en convaincre, je vous cite l'une de mes
dernières lectures sur l'histoire canadienne. Il s'agit du livre de Julien
Mauduit, La guerre d'indépendance des
Canadas. Démocratie, républicanismes et libéralismes en Amérique du Nord. Une
relecture provocatrice et transnationale des Rébellions au Canada publié
aux éditions McGill-Queen's University Press en 2022.
Longtemps considérée comme une rébellion mineure,
la tentative de révolution au Canada en 1837 a en réalité secoué toute
l'Amérique du Nord, menaçant de renvoyer le pouvoir colonisateur britannique
hors du continent et d'inaugurer un républicanisme différent de ce qui se
vivait aux États-Unis aux prises avec de graves désaccords politiques entre les
tenants d'un républicanisme déjanté et ceux d'un républicanisme aristocratique.
En d'autres mots, une guerre entre les Fédéralistes et les Jacksonniens. Les
factions politiques étaient multiples. En poussant notre guerre canadienne aux
frontières américaines, les patriotes canadiens de l'époque ont poussé les autorités
américaines à coopérer activement avec le pouvoir britannique au détriment de
leurs racines révolutionnaires et antibritanniques. C'est pourquoi nos
patriotes ont dû se résigner à envisager leur avenir en dehors de la voie
républicaine américaine. Les Américains au départ favorables aux intérêts et
politiques défendues par nos patriotes ont retourné leurs vestes et se sont
alliés aux Britanniques. Cela a sonné le glas à notre guerre canadienne de
l'indépendance.
Un livre vraiment intéressant qui montre que les
rébellions de 1837-1838 étaient plus qu'une simple rébellion contre l'Empire
britannique de ses colonies canadiennes. Ce conflit s'insérait dans une joute
politique où le théâtre d'opérations était l'Amérique du Nord et que les
tensions entre les diverses factions politiques américaines ont largement
influencées le sort et l'avenir des colonies britanniques du Bas-Canada et du
Haut-Canada et même celle des maritimes et les Territoires du Nord-Ouest.
Dans un des documents les plus connus de la
Rébellion au Bas-Canada, le testament politique de Chevalier de Lorimier
rédigé la veille de son exécution : « Je ne désirais que le bien de mon
pays dans l'insurrection, et son indépendance [...] Le paisible Canadien verra
renaître le bonheur et la liberté sur le Saint-Laurent ; tout concourt à ce
but, les exécutions mêmes, le sang et les larmes versées sur l'autel de la
patrie arrosent aujourd'hui les racines de l'arbre qui fera flotter le drapeau
marqué des deux étoiles des Canadas48. » La guerre d'indépendance des
Canadas : Démocratie, républicanismes et libéralismes en Amérique du Nord
(Studies on the History of Quebec/Études d'histoire du Québec t. 41) (French
Edition) by Julien Mauduit
Même devant le refus du soutien attendu de notre
voisin du Sud, les patriotes, tant du Haut que du Bas-Canada, ont envisagé de
fonder leur propre république avec l'espoir de régénérer la démocratisation en
Amérique et de teinter la transition au capitalisme moderne de morale, de
responsabilité sociale et de bienveillance envers les travailleurs manuels, les
autochtones et les personnes de couleur. Ce projet n'a pas survécu aux tensions
des factions politiques américaines. Cela en était fait de notre république aux
deux étoiles...