Comme vous, peut-être, je me demande bien ce qui se passe.
Trump qui dit tout et son contraire, qui menace les uns et
les autres, qui ment comme il respire (et il respire fort !), honnêtement, je
ne sais plus quoi penser...
C'est en même temps loufoque, grave et extrêmement
dangereux.
La désillusion attend les Américains dans pas si long, j'en
ai bien peur.
Je conserve une anecdote tirée des trois premières semaines
du règne de Trump. Trois semaines qui ont l'air de trois ans !
L'anecdote remonte au premier règne du Tsar Trump : il avait
menacé ses partenaires commerciaux (Canada et Mexique), prétendant qu'il
négociait(!) avec eux des changements à l'entente de libre-échange commercial.
L'entente de libre-échange était jugée épouvantable et inéquitable pour son
pays. Un peu plus tard, fier de ses négociations, il brandissait une nouvelle
entente de libre-échange modifiée et il criait victoire : il avait réussi,
disait-il, à bâtir une entente qui était finalement favorable pour les
États-Unis. Une entente qui allait enrichir le peuple américain, disait-il.
« Ave, Donald ! »
Le hic, c'est que maintenant, il brandit l'entente qu'il
avait lui-même signée et la traite comme un torchon. Un fiasco économique pour
son pays.
Ça ne s'invente pas.
Et ma réflexion commence là.
Les Américains sont polarisés comme jamais (comme dans
beaucoup de sociétés d'ailleurs). Ils ont des problèmes majeurs.
Trump n'est pas un semeur de solutions. C'est un semeur de
boucs émissaires. Un accident entre un hélicoptère d'armée et un avion de
ligne ? C'est la faute de la diversité sexuelle dans l'armée. Les feux en
Californie ? C'est à cause de l'incompétence du gouverneur démocrate de la Californie.
La violence ? À cause des minorités culturelles...
Un problème, un bouc émissaire. Un trou, une cheville...
L'affaire, c'est que rien ne se règle au fond. Et les
Américains vont s'apercevoir que leur richesse individuelle ne s'améliore pas.
Ils vont voir revenir chacun des problèmes mentionnés plus haut et ils
entendront encore Trump identifier un nouveau bouc émissaire.
Pendant ce temps, ils n'auront jamais été aussi manipulés
par les médias sociaux qui « travaillent avec et pour » pour Trump.
Je crains la désillusion fatale.
La population était déjà déstabilisée et pas mal
désillusionnée. Je crois que ça explique pourquoi ils ont investi leur espoir
en Trump lors de la dernière élection, et ce, malgré son côté bizarre.
Mais, la désillusion fatale arrive ensuite. Quand l'espoir
s'éteint. Quand ils vont réaliser que la pluie de mensonges, de menaces et
d'insultes n'arrange rien, au fond.
Et sans espoir, c'est le chaos.
La fin d'un cycle de
civilisation, peut-être ?
René Girard est un auteur, anthropologue et philosophe. Il
s'intéresse aux cycles des civilisations. Pour lui, la fin d'un cycle survient
quand les règles régissant l'ordre social (lois, religion, économie...), la
hiérarchie sociale et les institutions ne sont plus respectées par un nombre
suffisamment important de personnes. Le problème, c'est qu'une fin de cycle est
souvent caractérisée par des guerres civiles.
Ça semble fort en café, mais quand je regarde la ligne du
temps depuis 1945, je me dis que ça se peut.
L'après-guerre a marqué un boom économique majeur aux
États-Unis. Le fameux rêve américain était né. Lors des années 1950 à 1980,
rien n'était trop beau ni trop gros.
Les années 1980 à 2000 ont caractérisé la course à la
consommation appuyée par le crédit. Les cartes de crédit, le crédit ouvert,
l'absence (ou presque !) de règles bancaires ont fait en sorte qu'on ne
s'aperçût pas trop de l'écart majeur qui se creusait entre les plus riches et
les autres. La classe moyenne, majoritaire en nombre, réussissait encore à
camoufler sa difficulté à « arriver » en s'endettant.
Mais, l'aspect artificiel du crédit mal exploité, ça finit
par rattraper une personne, puis une société.
Les écarts se creusaient encore, mais on les voyait plus à
partir de 2000-2010. Et ça continue. Le rêve américain a gagné le reste de
l'Amérique et nos sociétés sont devenues résolument tournées vers chaque
individu et ses libertés personnelles.
Il n'y aura pas de solution facile et gagnante. Et Trump est
un accélérateur de l'agonie de ce cycle de civilisation.
Penser globalement est une pressante nécessité. Mais, Trump
est occupé à regarder à droite. Il ne voit plus le centre qui devrait pourtant
le guider.
Mais, voilà. Trump... C'est Trump...
Clin d'œil de la
semaine
Dans un cimetière près de chez vous, un de ces jours: ci-gît
une civilisation morte étouffée par ses excès. R.I.P