Parfois, il s’agit d’une phrase attrapée au vol. Une suite
d’à peine quelques mots illustrant une situation et ouvrant, du même coup, les
portes d’une prise de conscience.
Ce que fait souvent une bonne caricature.
Godin excelle dans cette façon de faire. Côté aussi.
Celui qui a servi le bout de phrase à mon oreille attentive,
c’est le légendaire Chapleau. Alors qu’il parle de la situation des caricatures
et, donc, des caricaturistes, il déplore d’entrée de jeu que nos modes
d’expression soient devenus des caricatures !
Vraiment ?
Je décodais l’image semée par Chapleau dans ma tête.
Faire une caricature, c’est prendre une image ou une
situation et en grossir les traits. Un principe tout simple. Mais très porteur
lorsque bien fait. Et c’est bien fait quand la caricature devient une forme de
court éditorial suscitant la réflexion. Qu’on accepte ou non le message, une
bonne caricature aura semé une réflexion. Un point de vue.
Ce que déplore Chapleau, c’est que la communication
elle-même est devenue une caricature. Le point de vue qu’on exprime est exagéré
dans sa forme même. On insiste beaucoup, on parle fort, on grossit trop les
images, on prête des intentions.
Entendu cette semaine : « La fille au magasin
s’est levée à matin en se disant qu’elle décrisserait la vie des clients ! » À
l’a jamais été capable de me répondre,
pis en plus, son but, c'était
de me faire sentir comme une conne. C’est
ça, le commerce à c’t’heure.
Faque vivement Amazon, t’sais… »
La phrase était plus violente encore. Mais la résumer ainsi
capture l’essence du propos… C’est une caricature. Très mauvaise, mais une
caricature quand même, au sens où la personne prend des éléments de base et
vient les exagérer de façon grossière. Elle omet des bouts de contexte et prête
des intentions à la personne du commerce. Pourquoi cette caricature est-elle
mauvaise ? Parce qu’elle n’est pas documentée et qu’elle ne sert qu’à promouvoir l’état d’âme d’une personne. Elle ne sert
pas à ouvrir à la réflexion. À la discussion.
Les politiciens sont devenus maîtres dans le fait de tout
condenser les éléments d’une situation dans une seule image. Le principe est de
ramener des situations, aussi complexes, puissent-elles être, dans une seule
phrase. Une phrase qui servira bien les paramètres des médias sociaux qui ne
sont souvent que des véhicules de mauvaises caricatures.
Poilièvre disait, cette semaine : « Avec Trudeau,
les frontières sont brisées. Tout est brisé. Il faut tout réparer. » Comment on
le fait ? Quelles formes
prendront les réparations ?
Quels en seront les impacts ?
Pas un mot là-dessus.
Il veut simplement dire qu’il
est le seul réparateur
et qu’il fera ça en notre nom. Sans donner
trop de détails…
Trump a été élu sur le même type de caricature.
Et je reviens à l’exemple de la personne travaillant dans un
commerce. Se servir de tels propos pour vanter Amazon, c’est fermer le débat
avant même qu’il n’existe. Acheter sur Amazon implique un grand lot
d’inconvénients. Enjeux environnementaux, de service après-vente, de gaspillage
à la puissance 10 et bien d’autres éléments. Tout ramener à la seule caricature
que je décris plus haut est contreproductif et ridicule.
Mais, même si je l’écris, force est d’admettre que les
choses ne changeront pas d’elles-mêmes.
Notre société est sous pression et une grande proportion des
individus qui composent notre tissu social n’ont plus de mèche du tout. Tout
mène à la colère et aux hauts cris…
Il me semble qu’une caricature montrant un bazooka qui tire
sur une mouche serait représentative de l’état d’esprit de bien des gens
autour.
Mais la colère est bien mauvaise conseillère.
Il vaudrait mieux s’en apercevoir plus tôt que tard.
Clin d’œil de la semaine
En
devenant des caricatures d’eux-mêmes, certains politiciens constituent de la
concurrence déloyale pour les caricaturistes…