Ces derniers mois, libArté, entendu comme je l'écris
phonétiquement ici, est devenue un cri de ralliement. À en croire le chef du
parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, les libertés civiles et le respect
des chartes sont devenus le nouveau paradigme du champ politique. Après avoir
connu les classiques clivages souveraineté/fédéralisme, gauche/droite nous en
serions aujourd'hui à celui de liberté contre autoritarisme. Autoritarisme des
gouvernements Trudeau et Legault qui ont imposé des mesures sanitaires iniques
à la population. Trudeau et Legault, Poutine, tous des dictateurs ! Ah oui
monsieur Duhaime, il faudrait demander aux Ukrainiens qui doivent fuir les
bombes et leur pays ou encore à ces braves Russes qui ont défié Poutine dans
les rues de Moscou c'est quoi une dictature. Comme le disait Tayllerand :
« Tout ce qui est excessif est insignifiant ». Nous avons abusé des mots ces
derniers mois à tel point qu'il nous en reste plus pour décrire l'horreur de la
guerre de Poutine contre le valeureux peuple ukrainien. Réflexions libres sur
les volontés impériales d'un petit dictateur en mal de public.
L'Ukraine et nous
Ces derniers jours, plusieurs analystes ont décrit ce que
représente l'enjeu de l'Ukraine à l'échelle internationale pour nos libertés
réelles et la démocratie. De nombreux journalistes ont aussi fait de brillants
reportages sur les effets de cette invasion brutale de l'Ukraine par la Russie.
On n'a pas besoin du talent du romancier australien Patrick White pour créer
des intrigues psychologiques fortes qui émanent des personnages en cause dans
cette histoire réelle. Le drame vécu par un peuple envahi par ses voisins sans
avoir rien fait d'autre que d'exister dépasse notre imaginaire pavé de bonnes
intentions et de vœux pieux. Nous voulons vivre dans un monde en harmonie et
que tous s'aiment les uns et les autres. Nous sommes ébaubis devant la violence
froide de la volonté de reconquête d'un homme et d'un pays agressif. Poutine se
sert de la Russie pour affirmer sa force et sa virilité. Les Ukrainiens en
paient aujourd'hui le prix. Nous ne vivons pas dans un monde enchanté. Nous
vivons dans un monde dangereux et les bonnes intentions sont rapidement
désarmées devant la violence froide d'un pays comme la Russie. Nos armes, nos
pactes qui datent de l'après-Deuxième Guerre mondiale sont insuffisants devant
cette violence froide et rationnelle. Le déclin de l'empire américain est bel
et bien amorcé et celui de l'influence des démocraties occidentales est à
l'avenant. Nous ne sommes plus les arbitres des libertés dans le monde. Nous
avons peine à défendre nos propres libertés chez nous comme l'a montré le siège
d'Ottawa pendant trois longues semaines.
Les libertés et l'extrême droite
Il est amusant, si l'on accepte que cela soit amusant, de
constater le paradoxe de l'union des contraires dans notre monde tourmenté. Les
groupes d'extrême droite que l'on retrouve chez nous et aux États-Unis hésitent
à condamner l'invasion russe en Ukraine. Vladimir Poutine est en quelque sorte
l'un des leurs. On retrouve les mêmes valses hésitations que celles
qu'exprimait jadis l'ex-président Trump à l'égard de la Russie et de son ami
Poutine. Pourtant, Poutine a envahi brutalement un pays voisin avec violence qui
n'avait commis aucun geste de provocation. Où sont les défenseurs des libertés
contre les dictateurs du convoi des libertés ? Comment se peut-il que des gens
approuvent de telles exactions en 2022 ?
Il faut bien le dire ce n'est pas nouveau dans le monde
politique l'union paradoxale des contraires, si l'on se rappelle les débats
autour de l'accord du lac Meech à la fin de la décennie 1980, n'avait-on
pas assisté à l'union des souverainistes de Parizeau avec les fédéralistes de
Pierre Elliott Trudeau contre les Mulroney, Bourassa, Peterson et Cie. Cette
alliance paradoxale a conduit à la défaite des modérés et réformistes canadiens
aux mains des souverainistes et des fédéralistes purs et durs. Aujourd'hui, on
assiste aux mêmes phénomènes les alt-right qui luttent contre les
dictatures des Trudeau et Legault appuient les Trump et Poutine. Difficile à
comprendre la politique contemporaine, ne trouvez-vous pas ?
Les vraies libertés
Ce qui se passe présentement en Ukraine est un vrai combat
pour de vraies libertés. Ce qui est en jeu c'est l'avenir même des démocraties
occidentales. Il faut dire que c'est bien mal amorcé. La tiédeur de la défense
de l'Ukraine par les pays occidentaux fait pauvre figure contre la violence des
armées de Vladimir Poutine. Les sanctions économiques, les vœux pieux et les
menaces ne feront pas reculer la Russie et Poutine. Ce n'est qu'une question de
temps avant que Kiev et l'Ukraine tombent aux mains des Russes.
Il reste que nous devons reconnaître le vrai courage des Ukrainiens
et des Ukrainiennes qui se battent armes au poing et cocktail Molotov en main
contre l'envahisseur russe. Ils vendront chèrement leurs peaux, mais ils ne
peuvent réussir à contrer la force de feu des Russes. Il reste qu'il faudrait
voir dans les prochaines semaines et les prochains mois la guérilla urbaine
ukrainienne qui feront la vie dure à l'occupant. D'ici ce temps, il reste à
espérer que l'Occident retrouvera le courage nécessaire pour opposer une force
rigoureuse et proportionnée à Vladimir Poutine et à ses émules. Il importe
aussi de surveiller de très près le comportement de la Chine qui pourrait
trouver dans les actions de Poutine en Ukraine un bel exemple à suivre pour
s'emparer de Taiwan. L'équilibre du monde de l'après-guerre où l'ancienne URSS
et les États-Unis avaient trouvé un point de corde pour s'accorder dans un
monde bipolaire n'existe plus. Un nouveau monde émerge de l'après 11 septembre
2001 et nous n'avons pas encore trouvé un nouveau consensus qui sera en quelque
sorte le point d'orgue d'un nouvel ordre mondial. Chose certaine, les
États-Unis ne seront plus les seuls à dicter l'ordre du monde.
Crier notre impuissance
Devant le drame actuel de l'Ukraine et des
gestes de violence innommables de Poutine et de son armée, nous ne pouvons que
crier notre impuissance et constater l'insoutenable insignifiance des mots de
nos dirigeants et de ceux du monde libre...