C'est
l'histoire de deux sœurs. Deux sœurs dans une famille de quatre enfants.
Je ne
les ai rencontrées qu'à l'aube de leur cinquantaine. De toute évidence, et sans
connaître leur histoire personnelle, quelque chose quelque part s'est cassé
entre elles. Un maillon de la chaîne s'est brisé. Une coche de l'engrenage a
pété... On pourra se gaver de métaphores, toujours est-il que les deux sœurs ne
se parlent plus.
Pantoute.
Pire,
elles en sont venues à se détester. Purement et simplement. De ce que chacune
m'a raconté, tout était la faute de l'autre. Pas un peu. Complètement!
Je n'ai
pas insisté. Réconcilier cet irréconciliable ne m'appartient pas, me suis-je
dit.
Elles
ont fait leurs vies de façon, ma foi, intéressante! Les deux sœurs ont eu des
enfants. Elles sourient presque tout le temps. Sauf quand quelqu'un parle de
l'autre sœur. Mais comme les deux ont eu le réflexe de construire leur vie
respective dans un monde où l'autre sœur n'existe pas, bien, disons que le sujet
ne revient pas souvent.
Habilement,
elles ont gardé contact avec leur mère, s'évitant mutuellement avec une
précision chirurgicale. C'était, de ce que j'ai pu constater, devenu une sorte
de réflexe. Pour leur père, pas de problème (si je puis le dire ainsi...),
puisqu'il est décédé avant que le quelque chose ne frappe de plein fouet.
Puis, il
fallait bien que ça arrive : la maman est tombée malade. Très malade. Les mots
« soins palliatifs » ont fait leur apparition dans la vie quotidienne
des deux sœurs.
C'est
fou comme on peut facilement faire notre vie en omettant l'existence d'une
sœur. Les collègues de bureau, la grande majorité des amis, les voisins, voilà
que tout ce beau monde ignorait que leur amie avait une autre sœur, ne lui
connaissant que deux frères dont elle parle régulièrement.
C'est
fou aussi que, quand la maladie ou la mort s'annoncent, subitement, beaucoup de
personnes mettent un pied dans une intimité qu'on n'arrive plus à complètement
cacher.
Mais
pourquoi je vous raconte tout ça maintenant?
C'est un
peu à cause de celles et ceux qui en viennent à dépasser les bornes dans la
recherche de l'unicité de chaque humain qu'il faut nommer, puis proclamer. À
cause aussi des gens qui n'hésitent pas à plaider pour la supériorité de la race
blanche, qui accuse les gays, lesbiennes (et toute autre orientation), de tous
les maux. À cause aussi de toutes celles et ceux qui vomissent littéralement
des méchancetés avec puissance et fréquence sur les médias sociaux, en réaction
à quelqu'un qui ne pense pas comme elles et eux.
Et qu'ont en commun toutes ces personnes?
Elles réagissent toutes en vase clos. Opaque.
Elles font
en sorte que la communication n'existe pas entre les gens.
Tant que
chacun plaidera sa cause sans jamais prêter l'oreille à l'autre, ce sera le
cul-de-sac. Un cul-de-sac bien entretenu et autour duquel on a érigé des
clôtures barbelées pour s'assurer que tous les liens de communication étaient
coupés.
Retour
aux soins palliatifs
Allez
savoir ce qui s'est passé. Je ne sais pas trop. Toujours est-il que des membres
de la famille de Paule et Line ont été très surpris, un soir, de retrouver les
deux sœurs dans les bras l'une de l'autre.
Quelque
chose, quelque part, s'est réparé entre elles. Je ne sais et ne saurai pas
quoi, et ce n'est pas grave. Mais je sais que c'est un embryon de communication
entre elles qui a amorcé le tout. Peut-être ont-elles compris que leur réaction
mutuelle à une situation donnée était largement exagérée?
Cette
chronique n'est pas inspirée du cinéma américain. Paule et Line ne deviennent
pas une sorte de « Pauline » fusionnée juste avant le générique du
film. Non. Ceci est une chronique sur la communication.
Celle à
qui on ne doit jamais fermer la porte...
La
réponse à la haine, c'est plus de haine. La réponse à la colère, c'est plus de
colère. La réponse au mépris, c'est plus de mépris. La réponse à l'intolérance,
c'est plus d'intolérance.
Mais la
réponse à la communication, c'est plus de communication. Ce qui est la base d'une relation entre des
personnes ou des groupes sociaux.
Et comme
nous sommes des bêtes sociales qui avons besoin les uns des autres pour vivre
ensemble, disons que la communication est pas mal importante.
Jamais,
dans l'histoire, n'avons-nous eu autant de moyens de communication. Mais voilà,
le moyen de communiquer, c'est une chose. Ce qu'on en fait en est une autre...
Clin
d'œil de la semaine
Les Américains démontrent
clairement, chaque jour, que le fait de maintenir « la switch à
bitch » n'est pas une solution...