Tout
l'monde est malheureux, tam ti de la dadidam... La ritournelle est de Vigneault. Le poète. Le
pacifique, Gilles Vigneault.
J'ai
toujours aimé cette façon de placer des émotions plutôt sombres dans un
contexte sonore plus festif. Passer, comme ça, certains messages, certaines
situations, dans un contexte agréablement accrocheur, disons que ça peut
paraître contreproductif.
Les
Cowboys fringants le font bien. Le message de l'Amérique pleure a de
quoi tout remettre en perspective, mais l'air choisi est heureux et enjôleur. La
manifestation permet une « défoulante » danse alors que le
message de la fin nous ramène à la difficulté d'assumer ce qu'on veut et
souhaite.
Dédé
Fortin et les Colocs excellaient dans ce style. Passe-moé la puck
dénonce des iniquités qui grandissent, Tassez-vous de d'là s'attarde à
la toxicomanie sur un air dansant...
L'art
est un exutoire. Parfois aussi un miroir. L'art interpelle des fibres en nous.
L'art sauve de la folie, parfois!
Je
reviens à Vigneault et son Tout l'monde est malheureux.
Tout
l'monde i'veut d'largent tout l'temps, chante-t-il.
Ces
temps-ci, oublions l'Ukraine et la Russie deux minutes (mais revenons-y après,
il ne faut pas rester indifférents!), je regarde les bulletins de nouvelles
comme un boxeur qui n'arrive plus à bien bouger pour esquiver et qui encaisse
les coups.
Parfois,
je mets un genou à terre. Je retourne dans mon coin. Je reprends des forces.
Il me
semble que tout le monde a quelque chose qui cloche. Et je ne discute pas le
bien-fondé des revendications, pas du tout! La plupart de celles-ci me semblent
tellement justes!
L'autre
jour, en écoutant une station de radio commerciale parlée, j'attrape un
bulletin de nouvelles.
Et vlan!
Après le récit quotidien de la guerre, voilà la situation locale: le réseau de
la santé souffre, le réseau communautaire aussi; les agriculteurs vivent des
moments difficiles; les garderies ne peuvent plus accueillir les enfants dont les
parents doivent travailler tous les deux pour subvenir aux besoins primaires et
colmater, en plus, la situation de pénurie de main-d'œuvre là où ils
travaillent; l'accès à la propriété est un Everest sur une route parsemée
d'autres obstacles...
J'arrête
là pour ne pas sombrer dans la déprime.
Tout de
suite après le bulletin, une publicité d'un des grands syndicats. Il y est dit
quelque chose comme : Monsieur Legault, vous n'avez pas de cœur, déliez
les cordons de la bourse.
Tout
l'monde i'veut d'largent, tam ti de la dedam...
Je répète :
je crois que la plupart des revendications sont fondées.
Mais
voilà que ça ne me rassure pas.
« Mon
gouvernement investit 18 Millions $ de plus en santé communautaire ».
« Mon ministère répond aux besoins criants avec une enveloppe de 6
millions $ ». « J'ai demandé aux fonctionnaires d'appliquer des
crédits supplémentaires de l'ordre de 10 millions $. Si ça, ce n'est pas de
l'action concrète! »
Peut-être
deviens-je encore plus cynique, mais voilà que j'ai l'impression qu'on imprime
de l'argent au gré des besoins. Et que quelqu'un (l'économie étant une science)
viendra "scientifiquement" rééquilibrer les colonnes de chiffres pour
que ça marche.
Bref,
pour moi, la multiplication des enveloppes d'argent ne convient plus. On a
tellement manipulé l'argent qu'il ne m'apparaît plus comme une unité de mesure
crédible.
Je
propose cette analogie.
Le
professeur d'un élève appelle le parent :
- Ça ne va plus avec votre enfant.
Il ne va pas bien, je crois.
- Oh! Je m'en occupe, merci. J'agis
et j'injecte 1 000 dollars dès aujourd'hui, répond le parent.
- Ça me rassure. Ça devrait marcher,
conclut le professeur.
Dit
autrement: la grosseur de l'enveloppe ne garantit pas du tout la pertinence de
son contenu...
Clin
d'œil de la semaine
Les
promesses présentées à coups de millions de dollars sont comme une boîte livrée
par Amazon : trop grande et remplie de poches de plastique pleines d'air
et qui transporte un bien décevant volume utile. En plus, un sourire est
dessiné sur la boîte. Mais qui rit de qui, ici?